COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 6 MARS 2002

GISCARD NE SERA PAS DANS LA CAMPAGNE, MAIS LA RÉALITÉ EUROPÉENNE Y SERA BEL ET BIEN !

" La prochaine élection présidentielle ne sera plus l'élection du Président d'un pays libre et indépendant " Michel Barnier Membre de la Commission nommé par l'État français.

La timidité de la classe politique française, la discrétion des médiats parisiens et le conditionnement hexagonal de l'opinion face à la construction européenne ne doivent pas nous tromper. La plupart des grands problèmes actuels se posent pour les Européens à l'échelle de l'Europe. Et parmi les mérites que l'on doit reconnaître au président Giscard d'Estaing, malgré tous les défauts qu'on lui connaît, c'est d'être l'un des rares responsables politiques de notre pays, non seulement à en avoir été constamment convaincu, mais, de plus, à en tirer certaines conséquences.

Dans nos archives 9.1 Compétitivité franŽaise : un enjeu électoral ?

7.1 "Le Monde" rejoint les ennemis de l'Europe

2.1 Bonne Année à l'heure de l'euro

18.12.2001 Bon Signe : Delors est inquiet

27.11.2001 Ce qui plombe vraiment l'Euro

20.11 La Privatisation d'EDF plus nécessaire que jamais

6.11 Redevenu quasi monopoliste Air France recommence à mépriser ses clients

27.2.2001 Saura-t-on tourner la page de la conception technocratique de l'Europe sans la déchirer ?

Ainsi donc, et sans doute en partie pour s'en débarrasser dans la perspective de l'élection présidentielle de 2002, les dirigeants actuels de l'État, tant M. Chirac que M. Jospin, ont obtenu à l'automne 2001, que cet élégant septuagénaire préside désormais l'ambitieuse Convention pour l'Avenir de l'Europe.

Il ne faut donc pas s'étonner dans ce contexte, que le citoyen Giscard, ci-devant maire de Chamalières et président du Conseil régional d'Auvergne, patrie des volcans éteints, ait déclaré (1) ne pas vouloir intervenir dans le débat présidentiel, sans doute pour ne pas tacher son beau complet veston. Ne l'oublions pas en effet, dans le langage familier allemand "mettre son Giscard" c'est revêtir son plus beau costume.

Sauf pour les deux candidats, Bayrou et Madelin, apparemment les plus proches de Giscard, que l'ex président abandonne manifestement au triste sort que leur promettent de tristes sondages, cela ne changera pas grand-chose au cours quotidien des événements que nous vivons.

Et l'on continuera donc dans les médiats, à ne guère entendre parler de l'Europe que de manière anecdotique, la rubrique "Europe" étant traitée par le journal de la pensée unique "Le Monde" comme si la France n'en faisait pas partie, la mention de l'Europe étant pratiquement absente de l'AFP ou du Figaro, l'actualité de l'Europe n'étant évoquée que par les plus ennuyeux de nos chroniqueurs, et se trouvant généralement reléguée au dernier rang des préoccupations.

Qu'au même moment Américains et Russes développent leur coopération dans le Caucase, dans toute l'Asie centrale ou dans la guerre civile de Géorgie, ne semble toujours pas suggérer le sens d'une dimension européenne.

Que la Chine s'affirme de plus en plus, que l'Inde émerge de sa millénaire absence, que le monde de l'islam (2) bouillonne, ne suscite pas non plus de réflexion sur l'avenir de l'identité européenne.

À peine mesurera-t-on les tensions commerciales entre Américains et Européens.

Alors qu'on se contente au moins de rappeler que, depuis le traité de Rome de 1957, depuis l'Acte unique de 1986, depuis le traité de Maastricht de 1991, depuis le pacte de stabilité et le traité d'Amsterdam de 1997, il est devenu pratiquement vain de concevoir une souveraineté politique en dehors des contraintes économiques, monétaires, budgétaires mais aussi sociales et commerciales tissées par la construction européenne, le droit dérivé, les règles concurrentielles, etc.

Cet aspect de la construction européenne est évidemment crucial. Il a fait que dans les 10 dernières années le lobby français des mutuelles et de la sécurité sociale, comme le très puissant lobby des entreprises d'État et la CGT ont réussi à transformer le gouvernement français, jusque-là moteur de l'Europe, en frein et en nuisance de la construction européenne, en même temps que notre pays accumulait les retards et multipliait les handicaps pour l'avenir.

On remarquera d'ailleurs que nos hommes politiques, y compris Giscard d'Estaing, s'expriment très peu les implications pratiques et contraignantes de cette Europe là, sur nos institutions, sur nos monopoles sociaux, sur ce que nous sommes convenus d'appeler désormais nos "opérateurs historiques" comme EDF, comme France-Télécom, comme La Poste, comme Air France ou la SNCF, dont la culture est monopoliste.

Même Giscard, qui depuis si longtemps rêve d'une présidence européenne, dernier étage possible de son ambition terrestre, même lui qui s'est tant exprimé depuis 2 ou 3 ans, par des dizaines d'articles, par des discours et par un livre sur l'Europe et les destinées de la France, parle finalement très peu de la réalité européenne concrète, juridique, sociale.

Les hommes de l'État sont gênés aux entournures, face aux réalités européennes : c'est encore un point de convergence entre MM. Chirac et Jospin. Et comme on les comprend ! Si en effet, manifestement, les peuples prennent conscience que l'Europe, vivante, dernier rempart possible pour les libertés individuelles et l'identité des Européens, peut et doit se construire en dehors des appareils d'État, c'est bien la fin annoncée de nos politiciens, de nos énarques et de nos petits maîtres.

JG Malliarakis

(1) Il l'a annoncé le 3 mars à 23 heures sur France 3 à l'émission France Europe Express de Christine Ockhrent épouse Kouchner.

(2) Pour cesser de parler de l'Islam et de l'islamisme à tort et à travers nous nous permettons à ce sujet de renvoyer au livre de base, celui de Henri Lammens ("L'Islam, croyances et institutions")

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