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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 8 MARS 2002
UNE QUESTION SCOLAIRE PEUT EN CACHER UNE AUTRE
"Ce qui fait de la terre un enfer c'est que l'homme cherche à en faire un paradis" (Voltaire).
"On" votera paraît-il, mais personne ne le sait, ce 9 mars "sur les rythmes scolaires".
Que cache ce vote ? que dissimule cette discrétion ?
En novembre 2001, sans doute pour marquer le joyeux avènement d'une nouvelle majorité municipale à Paris, le débat sur les rythmes scolaires se trouvait lancé dans la capitale.
Mais c'était un débat feutré dont on a écarté les intéressés.
Des "États Généraux", curieuse expression fourre-tout dissimulant en général des débats fort peu démocratiques, réunirent, en fait, des responsables associatifs et des permanents syndicaux, en liaison avec les élus municipaux professionnels et le Rectorat. On commença à parler, quand même, presque ouvertement, de la réforme du temps scolaire.
Le but du nouveau maire était assez clairement affiché. M. Bertrand Delanoë entendait, alors, aboutir au congé du samedi, transférer les heures du samedi matin vers le mercredi, au moins dans le primaire et dans la Capitale. Le reste suivrait, tout naturellement.
Dès le mois de décembre, cette idée fut torpillée. Et elle le fut par une conjonction inhabituelle de deux groupes de pression paradoxalement associés en la circonstance :
1° La Hiérarchie catholique se braque sur cette réforme. Elle se veut soucieuse de sauvegarder "son" mercredi. Ce jour est théoriquement libéré pour la catéchèse destinée aux élèves de l'école publique. Celle-ci, hélas, pourtant ne concerne plus désormais qu'une toute petite minorité d'enfants, (ils sont environ 15 % à la suivre ceci sans même évoquer la question douloureuse de l'efficacité "pastorale" de cette catéchèse bénévolement assurée par quelques parents).
2° Les Syndicats, pourtant furieusement laïcistes, de l'Éducation nationale sont convaincus qu'il vaut mieux scolariser de force les enfants le samedi matin (1) plutôt que de les laisser sous la coupe de leurs familles respectives, dont on ne soulignera jamais assez combien l'influence est inégalitaire
Rappelons au besoin qu'en dehors de ces deux groupes de pression tout le monde est pour le congé du samedi, tout le monde souligne l'urgence de cette réforme, avec un débat sur la semaine de 4 jours sur un renforcement des activités sportives le reste de la semaine, etc. Un récent sondage du Nouvel Observateur révèle ainsi que 73 % des parents sont de cet avis (2).
Les raisons profondes des syndicats d'enseignants sont assez troubles. Ils invoquent en particulier l'idée que les rythmes scolaires seraient intenables en semaine. Mais n'est-ce pas la faute de l'institution scolaire qui cependant prétend se substituer aux familles ? en tout cas, à les entendre cela nécessiterait une "coupure" pédagogique le mercredi. Ce jour correspond sans doute au souvenir de la chute de Constantinople. Il représente pourtant un casse-tête pour toutes les familles et particulièrement les plus modestes, et par ricochet aussi pour de très nombreuses petites entreprises. Curieusement avant les lois laïques de Jules Ferry, les petits écoliers français ont travaillé pendant des siècles, jusqu'en 1882, sans discontinuer du lundi au samedi, le jeudi n'ayant été institué que pour laisser un temps libre, hors l'école, à l'enseignement de l'Église alors concordataire.
Quant à l'Église actuelle, séparée de l'État en 1905, on pourrait faire (respectueusement) observer à sa hiérarchie, que l'enseignement du KT pourrait fonctionner parfaitement et même encore mieux le samedi. Ce jour-là, un nombre considérable de parents sont libres pour aider à la catéchèse, que les protestants appellent "l'école du dimanche". À l'inverse, de nombreuses ouvrières bretonnes, aides ménagères espagnoles ou portugaises, ou bourgeoises catholiques travaillant le mercredi n'ont guère le loisir d'emmener leurs enfants à la catéchèse le mercredi de 16 heures à 17 heures 30 pour la petite élève de 10e et de 14 heures 45 à 16 heures pour le grand dadais élève de 8e et que, incidemment il existe une minorité non négligeable de Parisiens pour qui le culte est plus sabbatique que dominical (3).
Si donc on pense que l'éducation, y compris religieuse, repose directement ou indirectement sur la Famille, et qu'elle relève du libre choix de celle-ci, alors on est, aujourd'hui, pour le congé du samedi, ou bien si certaines familles désirent maintenir le système actuel pour leurs enfants qu'elles militent comme il convient de le faire pour le "crédit" éducatif, appelé aussi "chèque scolaire". Tel est le point de vue de tout libéral, tel devrait être le point de vue de tout chrétien, et probablement aussi celui de tous les adversaires de tous les totalitarismes.
Si, au contraire, on pense que l'éducation doit être retirée aux familles (4), et si on accepte que ses modalités soient négociées, plus ou moins discrètement, entre des bureaucraties syndicales ou ecclésiastiques, ou ministérielles, alors on cherchera à freiner cette évolution lente mais inéluctable.
C'est cette deuxième voie qu'ont choisie la plupart des bureaucraties françaises, que toute réforme dérange.
En décembre dernier on remarquera que le ministère de l'Éducation nationale et le quotidien assomptionniste La Croix, contrairement à une habitude assez constante depuis 1905, s'étaient associés pour sonder, non pas les parents, mais les professeurs, qui, à 59 % exprimant leurs réserves syndicales.
Non seulement les parents semblent favorables à une évolution, bien antérieure aux "35 heures" (5).
Mais
- 70 % estiment cette réforme prioritaire.
- 87 % d'entre eux déplorent de ne pas avoir été consultés par la Mairie, pourtant responsable des "écoles communales".
- Et 70 % ne l'ont pas été par les soi-disant "associations de parents d'élèves" qui sont en réalité des filiales des partis politiques (par respect nous ne parlerons même pas des "APEL" dont la base n'a guère été consultée).
Derrière une "querelle scolaire" où, pour une fois semblent rassemblés le comité d'action laïque et l'archevêché de Paris c'est bien un autre combat qui s'engage, bien au-delà du vote du 9 mars, pour la liberté des familles contre l'éternelle utopie étatiste et contre les manuvres coulissières des bureaucraties.
Ainsi donc une (vieille) question scolaire peut en cacher une autre, à la fois nouvelle et éternelle.
JG Malliarakis
(1) et pourquoi pas aussi l'après-midi ? Et le dimanche ?
(2) Pour accéder au sondage du Nouvel Observateur : Cliquez sur ce lien !!!
(3) pour ce qui est des musulmans rappelons à nos lecteurs que la grande prière du vendredi à 12 heures dans la religion mahométane n'implique nullement l'existence d'un jour férié.
Mais que faire pour cesser de l'Islam et de l'islamisme à tort et à travers ? Nous nous permettons à ce sujet de renvoyer au livre de base, celui de Henri Lammens ("L'Islam, croyances et institutions")
(4) dans la très ancienne tradition totalitaire et "utopiste", celle qui fait dire à Voltaire : "ce qui fait de la terre un enfer c'est que l'homme cherche à en faire un paradis".
(5) La "semaine anglaise" s'est imposée en France dans les années 1950. Si l'on situe vers le milieu du VIIIe siècle avant JC la rédaction de la Genèse ("le 7e jour il se reposa") on constate un progrès indéniable en occident : on est passé de 1 jour de congé à deux en quelque 28 siècles. Pour être entièrement libérée du travail, l'humanité, à supposer un "progrès linéaire" devrait alors attendre encore environ 140 siècles. Passé ce délai, il sera sans doute permis de ne pas croire au progrès linéaire.
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