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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 13 MARS 2002

AU DELÀ DES ENJEUX SÉCURITAIRES VONT SE MULTIPLIER LES ENJEUX SOCIAUX

Nos politiciens semblent enfin tous d'accord pour de nécessaires mesures sécuritaires. Il est à redouter qu'ils se révèlent peu différents sur le terrain de l'économie et de l'emploi…

Il y a, bien sûr, quelque chose d'artificiel dans les agitations se voulant "sociales", agitations catégorielles qui se multiplient toujours à l'occasion des échéances politiques.

Ainsi les chauffeurs routiers, les fonctionnaires du fisc, les personnels hospitaliers sont montés au créneau, avec des fortunes inégales, comme il y a 10 ans on mobilisa les agriculteurs et les professions de santé, ou bien encore comme il y a 5 ans les internes et toutes les victimes du plan Juppé. Ces mouvements ne sont d'ailleurs jamais sans fondements légitimes et ils restent rarement sans lendemain dans la mémoire sociale.

Ajoutons aussi qu'il serait vain de s'interroger trop systématiquement sur les réseaux d'influence à l'œuvre, ou sur les parties de billard politicien fabriquées par les grands habiles. Une conjuration qui réussit c'est toujours beaucoup plus qu'un petit complot, ourdi par une simple poignée de manipulateurs. Pour qu'un agent catalyseur provoque une réaction chimique, il faut une certaine température et surtout la rencontre des éléments désirés.

Or, de telles conditions se trouvent réunies dans la société française. Mais, n'en déplaise aux derniers dinosaures du marxisme, les ferments explosifs ont cessé, depuis bien longtemps, peut-être depuis les années 1970 en France, d'être assimilables à la classe ouvrière et à la condition prolétarienne.

Après tout, quand on raisonne et quand on revendique au nom de l'Emploi, on ne demande pas autre chose que la multiplication de ces contrats de travail, que la Vieille révolution et la pensée centenaire de Karl Marx stigmatisaient sous le nom "d'exploitation de l'homme par l'homme". Dans une telle optique, seul le chômeur, et ils sont encore 3 millions dans notre pays, échappe à cette horrible aliénation : pourquoi, diantre, chercher à l'y faire rentrer ?

Nous nous garderons aussi de trop rappeler tous les discours entendus pendant la dernière campagne présidentielle. Ce serait trop facile que d'avoir l'air ainsi de prendre parti en évoquant les "promesses non tenues". Mais, tout de même, combien de fois avons-nous ouï dire qu'il faudrait, à l'avenir considérer que le critère de toute décision serait : "est-ce bon pour l'emploi ?" Pour prendre date, et aussi pour la complaindre, n'était-ce Mme Couderc, membre éphémère du premier gouvernement Juppé, embauchée en juin débarquée en octobre, qui en formulait la doctrine ?

Faisons bonne mesure. Le talonneur Jospin, épaulé par son pilier gauche, la robuste Aubry, nous a aussi servi cette soupe. On l'a même admiré dernièrement, sur TF1, dans son insurpassable numéro dialectique : "Nous étions naïfs… Nous pensions qu'en créant des emplois nous ferions baisser la criminalité… Nous avons créé 900 000 emplois. Mais la délinquance n'a pas reculé." Coup double ! Quel homme ! Quel bonimenteur ! Le senhor Oliveira da Figueira est enfoncé !

Bien évidemment, ni Jospin ni Aubry n'ont "créé" un seul emploi. Les 22 métiers "inventés" par Aubry pendant le bel été 1997 n'existent pas et les "emplois jeunes", arrivant à échéance, sont autant de baudruches en passe de se dégonfler.

Les chiffres sont assez instructifs. On compte seulement 225 000 "emplois jeunes" sur 300 000 ou 350 000 promis ou envisagés. Tout simplement, ces fonctions étaient non pas "inutiles" (dans l'absolu, ce mot ne veut rien dire), mais impossibles à rémunérer autrement que par des subventions arbitraires données à des associations vagues. La moitié s'en auto détruira dans les 12 mois à venir.

Parallèlement, depuis 5 ans, la diminution du nombre des chômeurs aura été de 928 000. Cela vient du nombre des emplois créés par l'économie productive de notre, et à sa capacité à naviguer dans le courant de prospérité du marché mondial et de rien d'autre. (2) Nous ne devons pas croire que ce sont les hommes de l'État qui créent les emplois : ce sont les entrepreneurs (3). Hélas, en France, toute une pensée technocratique et marxisante (elle se dit "sociale démocrate" et keynésienne) s'imagine et veut surtout nous faire croire que les impulsions étatiques, les faux emplois, le maintien des postes dans les secteurs en déclin, les subventions, les hausses artificielles de salaires ne répercutant pas de hausses de productivité, créent des emplois. Or, c'est exactement le contraire qui se produit. 1 emploi subventionné dans le secteur public gratuit coûte en moyenne au moins 2 emplois retirés au secteur concurrentiel, productif de valeur ajouté. Il est donc possible que la loi des 35 heures et d'autres besoins des hôpitaux amène à recruter 45 000 infirmières supplémentaires. Ce recrutement, si nécessaire soit-il, empêchera l'embauche d'au moins 90 000 ou 100 000 personnes ailleurs. Or, on remarquera que les syndicats hospitaliers manifestaient ce 12 mars parce qu'ils trouvent insuffisant le chiffre de 45 000, accepté par Mme Guigou…

On critique beaucoup en France la Banque centrale européenne de Francfort. Au moins, sa pensée économique ose-t-elle dénoncer la revendication des syndicats allemands conduits par IG-Metall qui réclament contre toute réalité productive une augmentation de base généralisée de 6,5 %, — contre toute cohérence mais au nom de la "relance par la consommation populaire". Cette doctrine (4) était déjà connue pour manifestement fausse dans les années 1920 ; elle a néanmoins été expérimentée deux fois en France, notamment sous l'influence de Michel Rocard, par le gouvernement Mauroy de 1981, puis par le gouvernement dirigé par M. Rocard en personne de 1998 à 1991.

Malgré ses désastreuses conséquences cette politique est encore considérée par la plupart de nos énarques comme envisageable dans notre pays — peut-être au nom de "l'exception culturelle" ? — et même un homme comme Strauss-Kahn laisse parfois entendre qu'il y serait favorable.

Le drame serait que l'on croit, ou que l'on fasse semblant de croire possible, qu'en revenant de la sorte 20 ans en arrière on assurerait l'avenir de l'emploi.

JG Malliarakis

 

(1) Ce n'est hélas jamais perdu pour tout le monde cf. notre courrier du 8 janvier Au Royaume des Associations subventionnées

(1) Les exonérations de charges de l'époque Balladur ne doivent pas être surestimées, car elles ont été supportées par le reste de la nation (cf. notre courrier du 7 septembre 1998 Non au transfert de charges… Oui à leur diminution par le Libre choix…)

(3) cf. notre courrier du 7 décembre 2001 Mais au fait qui crée les emplois ?

(4) Ou plutôt ce slogan. Car il vient d'Angleterre et il remonte à l'époque où sir Oswald Mosley, travailliste depuis 1924, devint secrétaire d'État dans le gouvernement Ramsay Mac Donald de 1929. Sa formule démagogique était la "dynamic wage policy" pour répondre à la crise. Son destin s'écarta alors du parti travailliste, et rejoignit celui d'un autre célèbre socialiste dissident, président du Conseil à Rome.

 

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