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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 20 MARS 2002

L'IMMIGRATION EN EUROPE AUX RISQUES DES POLITIQUES INTERNES

Depuis les accords de Schengen et le traité signé à Amsterdam en 1997 la question de l'immigration relève de l'Europe…

Deux débats politiques, en Allemagne et en Italie, se déroulent actuellement de manière très vive autour de la question de l'immigration extra communautaire et illégale en Europe.

En Allemagne, et en prévisions d'élections à venir en septembre, c'est un débat entre la "gauche" et la "droite", ou plus exactement entre l'opposition chrétienne démocrate, chrétienne sociale et libérale, et la coalition actuellement au pouvoir comprenant les sociaux démocrates du chancelier Schröder et les Grünen.

Ce débat en est actuellement au stade du conflit entre les deux assemblées. Au Bundestag, Diète fédérale élue à la proportionnelle, se trouve la majorité sur laquelle s'appuie le gouvernement Schröder. Au Bundesrat, chambre haute reflétant les Länder, la droite est dominante.

Cet aspect de la situation parlementaire est important car la droite allemande demande que cette question de l'immigration soit envisagée sur une ligne consensuelle équivalant à une sorte d'union nationale. C'est ce qu'a rappelé assez précisément le vice président du parti libéral (1) appuyé par le vice président de la CDU M. Wulff (2). La proposition "unioniste" consiste à adopter 16 amendements au projet de loi social démocrate tendant à libéraliser l'immigration.

Or, il est révélateur que les post-communistes du PDS, présents aux côtés des socialistes dans les coalitions de deux Länder, notamment à Berlin, ont annoncé qu'ils soutiendraient le projet gouvernemental sans amendement.

On observe donc qu'en Allemagne, où depuis plus de 30 ans (3), les sociaux démocrates avaient pratiquement cessé d'être "à gauche", la question de l'immigration est utilisée afin de remettre en selle la coupure politique en deux blocs.

En Italie il n'en, va pas exactement de même.

Certes, depuis la plus récente affaire d'immigration clandestine, débarquant en Sicile et en Calabre, et particulièrement depuis l'arrivée de 1 000 clandestins à Catane, on voit la gauche redoubler ses pressions pour empêcher tout durcissement de la législation italienne.

Mais on a vu aussi deux choses :

Tout d'abord, le gouvernement de coalition de centre droit s'est divisé entre adversaires radicaux de l'immigration, particulièrement la Ligue du Nord de M. Umberto Bossi et de M. Maroni, ministre du Travail, et les partisans du compromis humanitaire politiquement correct.

On a pu voir aussi, face à ce débarquement littéralement "provocateur", le président de la république italienne M. Carlo Azeglio Ciampi, vieille potiche issue du monde technocratique et financier, affirmer, de manière bien consensuelle et politiquement correcte : "Avec les immigrés, doit prévaloir l'esprit humanitaire" — ce qui, à strictement parler, ne veut rien dire.

Le gouvernement de Rome a adopté une ligne chèvre chou, elle aussi humanitaire et politiquement correcte, visant à reconnaître le droit d'asile à quelques centaines de personnes.

Or, depuis des mois, la Ligue du Nord, désireuse sans doute de renflouer sa popularité en baisse, appuyée par intermittence par l'Alliance Nationale, s'est battue pour imposer un certain nombre de concepts, sur lesquels elle n'a pas toujours obtenu satisfaction. Elle a cherché à mettre en avant l'idée d'une immigration à caractère temporaire articulée sur des contrats de travail effectifs. Elle a surtout proposé que soit reconnu, ou plutôt réaffirmé, le caractère (par définition) délictuel de toute immigration clandestine. On imagine aisément à quels tollés a été confronté ce qui pourrait sembler une tautologie juridique.

Or, au moment où le parlement italien discute ce qui sera la Loi Bossi-Fini, le cardinal Ruini, représentant la Conférence épiscopale italienne s'est ainsi complu à une déclaration, elle-même tautologique et ambiguë sur le thème : "La Loi Bossi-Fini est sujette à discussion" (4).

Une chose tout de même est à remarquer. Elle concerne le droit d'asile aussi bien que l'attitude vis-à-vis de l'immigration clandestine extra communautaire. Depuis les accords de Schengen, et surtout depuis le traité signé à Amsterdam en 1997, toutes ces questions relèvent de l'Europe, y compris la politique des visas.

Cela ne veut pas seulement dire qu'à l'évidence la maîtrise des flux migratoires, c'est-à-dire leur restriction et leur limitation aux besoins du marché européen du travail, ne saurait être assurée qu'au niveau de l'Europe.

Cela veut dire que

- toutes les combinaisons politiques internes,

- toutes les déclarations qu'elles soient "humanitaires" politiquement correcte, ou "xénophobes" démagogiques des autres,

- toutes les contorsions grotesques d'hommes de l'État sans principes désireux de complaire aux médiats ou aux lobbies,

- toutes les dialectiques de racolages n'ont ni légitimité ni objet.

Les États-Membres de l'Union européenne étant désormais responsables au regard de l'Europe de toute introduction laxiste de migrants dans l'espace communautaire européen.

Cela est vrai pour l'Allemagne. Cela est vrai pour l'Italie. Cela est vrai aussi pour la France (5).

JG Malliarakis
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(1) Dans un entretien publié à Hanovre le 18 mars par le quotidien Neue Presse.

(2) cf. Die Welt 18 mars.

(3) Au moins depuis le Congrès de Bad Godesberg de 1959 où il renonça explicitement au concept marxiste de lutte des classes, mais en fait la rupture est largement antérieure. Elle était pratiquement totale au moment de la constitution de la république fédérale en 1949, et du vote de sa Loi fondamentale ("Grundgesetz" toujours en vigueur).

(4) cf. La Repubblica du 11 mars. On est tenté de lui répondre, ainsi qu'à la Conférence épiscopale italienne : Mais, Votre Éminence, quelle idée n'est-elle pas "en discussion" en ce bas monde ? Certains disent que 2 et 2 font 4, d'autres que 2 et 2 font 5… En tout état de cause 2 et 2 étant des nombres entiers leur addition ne saurait être égale à 4 et 1/2… L'Évangile ne dit-il pas "Que votre oui soit oui, que votre non soit non, tout ce qu'on y ajoute vient du démon" ?

(5) Cela n'est nullement passé inaperçu aux yeux de nos législateurs. En 1997, le Conseil constitutionnel français constatait que ces dispositions, convenues à Amsterdam, supposaient une modification de la Constitution (Décision N° 97-394 du 31 décembre 1997). Conséquemment, le Congrès a été dûment réuni à Versailles et il a bel et bien voté cette révision, rendant applicable, et certainement pas subreptice, cet aspect du traité ainsi "consolidé" instituant l'Union européenne.

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