Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent
COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 22 MARS 2002
SURENCHÈRES AUTOUR DE L'ASSISTANAT MONDIAL
La conférence onusienne de Monterrey a la prétention de lutter contre la pauvreté
Il est évidemment affligeant de constater que la France sera représentée à la réunion mondiale de Monterrey (Mexique) dans le contexte de notre lamentable campagne présidentielle.
M. Jospin a-t-il annoncé son désir de déclochardiser la France pour aboutir en 5 ans à "zéro SDF" ? M. Chirac court à Monterrey pour faire mieux encore : il va déclochardiser la Planète. 15 heures d'avion aller, 15 d'avion retour, 30 heures arrachées à un agenda surchargé. Un rendez-vous avec Bush. Photo. Un discours. Il ne saurait être plus long que celui de Fidel Castro : celui-ci n'a parlé que 6 minutes. Inouï. Mais on pourra dire que le président sortant "a fait entendre la voix de la France".
On débat beaucoup sur le montant de l'aide. En 1969 les Nations Unies avaient sorti d'un chapeau un chiffre. Un certain pourcentage de leur produit intérieur brut, devait, à l'époque, équitablement et nécessairement, être affecté à l'APD, aide publique au développement, par les pays riches. Ce serait 0,7 % : un chiffre arbitraire, péremptoire, aberrant. À l'horizon 2006, l'objectif moyen affirmé par l'Union européenne, serait de 0,39 %. La France, sous le gouvernement socialiste, se situe au-dessous de ce standard européen avec 0,36 % (affichés). L'ensemble des Quinze en est actuellement à 0,33 %. Et les 4 pays les plus généreux quantitativement seraient la Hollande, le Danemark, le Luxembourg, la Suède, pays de statures internationales modeste.
Un groupe de pays, le G77, qui, comme son nom l'indique, regroupe aujourd'hui 133 États, prétend parler au nom des pauvres de la Planète. Il est conduit par le président plébiscitaire du Venezuela, M. Chavez, personnage ambigu et imprévisible, son pays étant lui-même riche d'une forte rente pétrolière.
Ugo Chavez met cependant en accusation les Américains, car ceux-ci sont encore très en dessous des Européens pour ce qui est du taux d'APD. Leur Aide Publique au Développement se bornerait à 0,1 % de leur produit intérieur.
Le président de la banque mondiale M. James Wolfensohn croit pouvoir fixer à 100 milliards de dollars le montant des subventions publiques que l'occident aurait le devoir d'accorder aux États du Tiers-monde. Ce chiffre rond paraît assez surprenant. On serait porté à croire qu'il s'agit d'une des fausses réponses données dans le cadre de "l'après 11 septembre", si le "consensus de Monterrey" n'était précuisiné depuis 1999. Il est également significatif d'apprendre que le père Noël George Bush va venir, dans cette surenchère, annoncer une augmentation globale de la contribution américaine pour 5 milliards de dollars. Un tel coup de pouce supplémentaire américain serait à lui seul égal à la globalité de la contribution nationale française.
Fondamentalement, l'Amérique reste assez hostile à ces programmes onusiens. Sa préférence va cependant à ce qu'on appelle l'Aide alimentaire, c'est-à-dire à des livraisons gratuites de nourriture. On doit reconnaître que, dans son principe, ce Programme alimentaire mondial est apparemment plus approprié, sur le papier, que les subventions financières étatiques françaises. Il s'agit en effet, doit-on le rappeler, de corriger les effets de l'extrême pauvreté, et par conséquent directement de la faim.
Mais les effets pervers de TOUS ces programmes se révèlent indiscutables.
Car aucun des remèdes dits "globaux" avancés dans le but, louable, de secourir le Tiers-monde, ne saurait apporter de solutions à des problèmes qui sont toujours multiples. Pour chaque bienfait apparent et immédiat, on pourra sans difficulté énumérer la série de conséquences perverses supérieures à moyen ou long terme.
Il en a été ainsi depuis les indépendances de 1960 de toutes les subventions d'État au titre de la "Coopération à la française".
Il en va de même de l'Aide alimentaire américaine. Pratiquement, elle s'ajoute aux 327 milliards de dollars de subventions additionnées que, sous des formes diverses, Américains et Européens accordent à leurs agricultures respectives dans l'espoir de les protéger les unes des autres. La nourriture que l'on donne aux affamés du Tiers-monde est achetée à un fournisseur occidental. L'effet en est ravageur pour les économies locales essentiellement agricoles. Les Européens semblent l'avoir découvert autour de 1996, année où ils y ont renoncé.
À l'occasion du Jubilé de l'An 2000, l'excellent Pape Jean-Paul II avait avancé une idée aussi généreuse que contre-productive : la suppression de la Dette (1).
Bien évidemment l'idée d'une annulation de la Dette est, économiquement et juridiquement, aussi absurde, infondée et indéfendable, que l'Aide alimentaire permanente ou que l'objectif arbitraire d'un reversement de 0,39 %, se substituant au chiffre de 0,7 % d'il y a 30 ans.
Quant aux propositions du type "Taxe Tobin", propositions de "taxation" pure et simple, en vue de redistribuer au Tiers-monde une partie des richesses produites par le monde industriel, solutions dont M. Chirac prétend à la fois qu'elles sont inapplicables et qu'il se propose cependant de les faire aboutir, on doit hélas les recadrer dans le contexte de l'actuelle démagogie dominante. (2)
Avec ce discours on comprend la démarche française officielle auprès du Tiers-monde. Elle se trouve relayée par une culpabilisation nécessaire de la France.
Pas de taxation sans culpabilisation, c'est la règle d'or.
Hélas, une autre règle doit être rappelée, c'est qu'il n'y a pas, dans le monde réel, de redistribution innocente.
M. Jospin s'est ridiculisé à l'échelle de la France en proposant ce qu'il appelle une couverture logement universelle.
Son adversaire fait mieux. Il se ridiculise à l'échelle du monde. Hélas, il ridiculise aussi le pays qu'il est supposé représenter.
(1) Au moins l'application de ce slogan pontifical aurait un avantage. Il pourrait dissuader de consentir tout nouveau prêt. De la sorte, probablement aussi par conséquent, on aboutirait à la mise en uvre d'une politique basée sur des investissements directs privés. Mais ceux-ci iraient au profit des seuls pays ayant défini un ordre juridique respectant les libertés, les propriétés et les contrats aussi bien ceux de leurs nationaux que des Étrangers. C'est sans doute ce qui fera dire une fois de plus que le Diable porte Pierre
(2) Il n'est pas inutile de prendre ainsi connaissance du message que les chiraquiens diffusent en ce moment en direction des électeurs qu'ils osent appeler "beurs".