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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 26 MARS 2002
QUAND LE MEDEF RENVOIE DOS À DOS LES PROGRAMMES DE NOS DEUX ÉNARQUES
Le président du Medef n'a exprimé de préférence pour aucun candidat
Il y a évidemment un abîme entre les commentaires médiatiques et la réalité substantielle des propos tenus par les responsables du Medef, c'est-à-dire aussi bien M. Denis Kessler que M. Ernest-Antoine Seillière s'exprimant à la fois dans un entretien publié par Le Monde (24 mars) que lors d'une conférence de presse tenue le 25 mars.
Ce qui intéresse la presse du politiquement correct, c'est l'analyse florentine des relations vraies, insinuées ou supposées entre les hommes politiques et les responsables patronaux. Ceux-ci doivent, bien entendu, être perçus comme de maléfiques incarnations du "Système capitaliste exploiteur", pour ne pas dire de la "Ploutocratie apatride".
Pour mieux percevoir cette démonisation, on se reportera au "Monde" (26 mars) qui donne, en France, le ton du politiquement correct :
"Comme l'exigent les impératifs du moment, M. Seillière a multiplié, ces derniers jours, les contacts politiques. Il a ainsi rencontré Jacques Chirac, Jean-Pierre Chevènement, Alain Madelin et François Bayrou, ainsi que Christine Boutin, à sa demande. Des rendez-vous ont aussi été pris avec Noël Mamère et Corinne Lepage. Un entretien a été demandé à Robert Hue. M. Seillière précise enfin avoir sollicité M. Jospin, et indique que celui-ci l'a renvoyé sur ses lieutenants "Mais j'insiste pour le voir personnellement", a-t-il ajouté, rappelant l'intérêt manifesté par le Premier ministre candidat à l'égard des partenaires sociaux."
Est-il permis de dire : cherchez l'erreur ?
Le monde insiste aussi sur l'influence du MEDEF, sans doute pernicieuse aux yeux de ses rédacteurs d'imprégnation trotskiste :
"M. Seillière se félicite d'ores et déjà de la place prise, dans le débat électoral, par les propositions patronales rendues publiques à Lyon, le 15 janvier, (1) lors d'un congrès exceptionnel. Il devait souligner, lundi, la capacité du Medef à marquer dans l'opinion des traces profondes".
La réalité substantielle des propos tenus par les responsables du Mouvement des Entreprises de France. Rappelons, s'agissant du mouvement patronal, que ni M. Kessler ni même M. Seillière ne sont des entrepreneurs. La plupart des entrepreneurs indépendants de France les considèrent comme fort lointains et semblent plutôt réticents, en général, à leur égard. Ils sont très certainement les porte-parole du point de vue spécifique des grandes entreprises. Cependant ce qu'ils disent recoupe et exprime le point de vue commun à tous les Français favorables à la libre entreprise, qu'ils soient cadres ou indépendants, chefs de grandes entreprises ou même fonctionnaires (2), mais aussi cette catégorie qu'on ne prend jamais en compte : les créateurs de très petites entreprises.
On rappellera aussi que 59 % des Français trouvent légitimes les propositions du Medef qui sont, en l'occurrence, celles de tous les partisans des Libertés.
Le Medef, dans sa conférence de presse du 25 mars, et tous les partisans des Libertés déplorent le mutisme des programmes électoraux sur les conditions à réunir pour obtenir la fameuse "croissance de 3 %" sur laquelle se fonde les perspectives économiques des deux "principaux" candidats.
"Rien n'est véritablement dit sur les conditions de la croissance", a remarqué Denis Kessler. "On semble oublier que celle-ci passe par plus d'épargne, plus d'investissement, plus d'innovation et plus de confiance : or le mot entreprise est à peine prononcé dans certains programmes, le mot innovation quasiment ignoré, et certains veulent même accroître la fiscalité de l'épargne, au risque d'affaiblir gravement la place financière de Paris et d'accentuer la délocalisation des capitaux".
Le Medef et tous les partisans des Libertés jugent que "les programmes souffrent tous d'un manque évident de hiérarchisation des priorités".
Le Medef suggère un "contrat de législature pour y voir plus clair", ce qui semble bien une manière de relativiser le scrutin présidentiel de mai en attente du scrutin législatif de juin.
Le Medef et tous les partisans des Libertés déplorent que "les programmes n'insistent pas suffisamment sur le fait que la production de richesses précède la redistribution de richesses" et non l'inverse. C'est un avertissement à ceux, à gauche comme à droite, qui "multiplient les droits nouveaux sans véritablement proposer de mesures propres à relever durablement le potentiel de croissance de l'économie française".
Le Medef et tous les partisans des Libertés constatent le même manque de vision sur "l'ouverture croissante de l'économie française après l'euro". Or, "la France est dans une économie de marché, dans l'Europe dont elle constitue une pièce maîtresse, et dans le monde dont elle ne pourra s'abstraire".
Le Medef et tous les partisans des Libertés constatent aussi que "nombre de réformes proposées ne permettent même pas d'être euro-compatible, notamment en terme de réforme du secteur public, de coût du travail et de fiscalité".
Le Medef et tous les partisans des Libertés estiment que "l'alignement de notre fiscalité sur la moyenne européenne supposerait une baisse de nos prélèvements d'environ 100 milliards d'euros en cinq ans, et le plus ambitieux des programmes propose une baisse d'un tiers de cette somme".
Le Medef et tous les partisans des Libertés reconnaissent bien volontiers cependant "le tournant historique" de la prise en compte dans les différents programmes de la nécessité d'un véritable allégement des prélèvements obligatoires que nous préconisons dans ce bulletin depuis 1991.
Mais on doit bien distinguer ceux qui "privilégient d'autres impôts que ceux qui frappent les entreprises et ceux qui ont compris l'importance pour la compétitivité et la croissance de la baisse de l'impôt sur les sociétés".
On rappellera ainsi que, si M. Jospin et son entourage cherchent à parler d'allégements ne portant pas sur les entreprises (par ex. la taxe d'habitation), M. Chirac, lui, vient de rayer la promesse d'un allégement de l'impôt sur les sociétés.
Le Medef et tous les partisans des Libertés pensent donc qu'il "faut que le débat fiscal se poursuive".
Au total, le Medef et tous les partisans des Libertés, exprimeront, peut-être une légère préférence pour les programmes présentés par les candidats de ce qu'on appelle "la droite", mais la seule conclusion sérieuse est de renvoyer dos à dos les programmes des deux "principaux" candidats.
(1) cf. notre bulletin du 17 janvier.
(2) Je constate, car c'est un fait, qu'un nombre important de militants et même des dirigeants du combat pour les libertés en France sont statutairement des fonctionnaires, et notamment quelques courageux universitaires.