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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 27 MARS 2002

IL FAUDRA BEL ET BIEN GOUVERNER AUTREMENT

Nous n'avons pas attendu la conférence de presse du Medef pour renvoyer dos à dos MM. Chirac et Jospin…

Dès leur ridicule prestation commune de Barcelone on pouvait qualifier MM. Chirac et Jospin de Dupond et Dupont (cf. Notre bulletin du 18 mars). La formule commence à apparaître sous des plumes amies et cette convergence nous réjouit. Car l'équivalence des deux candidats nous a frappés dès qu'elles se sont profilées à l'horizon de cet an de grâce 2002.

Chaque jour, malgré d'infimes polémiques en trompe-l'œil, confirme la convergence des deux personnages et de leurs programmes. Si j'étais de gauche, j'éprouverais d'ailleurs le sentiment d'être aussi clairement trahi par l'ancien trotskiste porteur de valise que nous ne l'avons été, du point de vue des droites de convictions qu'elles soient nationales, libérales, chrétiennes, européennes, ou décentralisatrices, par l'énarque Chirac.

Chirac s'est encore exprimé, longuement, dans le Quotidien du Médecin (26 mars), sur l'avenir des professions de santé, et de la sécurité sociale. Il ne suffit pas de citer quelques bribes de cet entretien. Ce document publicitaire (pardon : "communicant") mérite d'être lu, de bout en bout, malgré l'ennui qu'il distille, malgré la langue de bois qu'il utilise.

Passons sur le fait que M. Chirac a un avis sur le clonage thérapeutique.

Voilà en effet qui est admirable ; un personnage qui n'a aucune compétence particulière ni dans le domaine de la philosophie, ni de l'éthique, ni de la théologie, qui par ailleurs n'en a pas non plus ni dans la sphère de la biologie, ni de l'évolution de la médecine, un personnage dont l'information se résume notoirement à la lecture des titres du quotidien Le Monde, un personnage dont l'environnement culturel résume à l'addition du jazz et de la musique militaire, à l'admiration affichée pour les arts premiers polynésiens et la chanson française dite de variétés, se prépare à trancher en matière de bioéthique, sujet où s'épuisent à se rencontrer les plus éminents philosophes, théologiens et scientifiques.

Au moins, avec Chirac on pourra dire que les intellectuels qu'ils soient de gauche ou de droite, seront remis à la place où M. Messier place son fessier. On ne sera pas agacé par Agacinski : rien à craindre de ce côté-là.

Quant aux professions de santé, elles chercheront vainement dans les 5 pages de l'article de Chirac un mot, un seul, de regret pour le plan Juppé.

Cela est bien beau en effet de dénoncer "5 ans d'étatisme médical depuis 1997".

C'est oublier que TOUTES les ordonnances dont les socialistes se sont servis, sans avoir à les modifier, remontent à 1996, et sont signées de M. Barrot. Elles entrent dans le cadre d'un plan annoncé le 15 novembre 1995 par le Premier ministre de l'époque, actuel grand architecte de l'Union en Mouvement, le roquet Juppé — à l'époque l'ami Guillaumat, moins courtois, l'appelait "le communiste Juppé". Ce système a nécessité en février 1996 une réforme constitutionnelle : elle fut patronnée par le même Chirac qui sollicite nos suffrages, sans repentance.

Dans nos archives : quelques textes à leurs dates

31.10.94 MaÓtrise des Dépenses es-tu là ?

16.11.95 Quand Juppé met le paquet

20.2.96 La Croissance, le Budget et la Sécu

27.9.2001 La "Loi Sécu" signée Guigou

Allons plus loin : à la même époque le plus ardent défenseur de la politique dite de Maîtrise des dépenses de santé était et a été jusqu'au bout M. Georges Jollès représentant patronal au sein des instances de l'assurance maladie monopoliste. La rupture du paritarisme n'est, de ce point de vue qu'un épiphénomène. Ceux qui applaudissaient au plan Juppé en 1995, y compris l'éditorialiste de Valeurs Actuelles, n'ont aucune leçon à nous donner.

M. Chirac a même quelques phrases mal construites dont il a le secret, et qui donnent à penser qu'il ira encore plus loin que Juppé-Barrot en 1996, ou que la Mégère Aubry, s'il le peut, si le peuple lui en donne les moyens.

Par exemple, évoquant les 35 heures dans les hôpitaux, il n'a pas un membre de phrase, pas même un point-et-virgule, laissant entendre qu'il réformera ces deux lois. Au contraire.

Idem pour la démographie médicale.

Idem pour la fameuse "maîtrise".

Idem pour l'hypothèse d'une ouverture de l'assurance-maladie à la concurrence.

On en arrive donc à constater objectivement que les deux Dupondt sont identiquement deux socialo-technocrates, qu'ils mèneraient la même politique, rencontrant les mêmes difficultés.

Ainsi, par exemple, Libération (27 mars) évoque le fameux projet de l'enfermement éducatif pour les jeunes "sauvageons". Ce projet est commun aux deux candidats, sous des mots à peine différents : centres fermés dit l'un, structures fermées dit l'autre. Cette idée se trouve plébiscitée par l'opinion publique sécuritaire, dont il est difficile de se désolidariser entièrement. Elle a au moins le mérite d'en finir avec l'idée fausse de la "rééducation pénitentiaire" des jeunes délinquants.

Seulement voilà. Il faudra bien l'appliquer. Or, cette omelette ayant vocation à casser pas mal d'œufs, on entrera en conflit avec l'idéologie dominante. Le conflit est à prévaoir de manière strictement symétrique dans l'environnement des deux candidats. Que dira Claude Chirac ? Que diront les "potes" de Cohn-Bendit ? Que pensera Roselyne Bachelot ? Que deviendront Ségolène Royal, Jack Lang ou Catherine Tasca ?

On a sans le droit le droit de formuler une préférence pour l'un ou l'autre "scénario", pour l'un ou l'autre "casting".

Nous éprouvons surtout le sentiment qu'ils sont interchangeables, et qu'il faudra bel et bien — si l'on veut que la France survive, en tant que partie prenante de l'Europe des Libertés, — gouverner autrement, à la fois plus modestement et plus sérieusement, que ne l'ont fait par le passé et se proposent de le faire dans l'avenir les deux candidats monopolistes.

JG Malliarakis

 

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