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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 3 AVRIL 2002

LE SALUT DE LA FRANCE SERA-T-IL ASSURÉ PAR L'ÉLECTION SÉNATORIALE DU DAKOTA DU SUD ?

Campagne du Dakota du Sud : ici le sénateur Daschle soutenant le sénateur Johnson…

L'un des plus fascinants (1) paradoxes du débat français me semble l'attitude de notre classe politique vis-à-vis du protectionnisme.

Aujourd'hui encore, en effet, malgré les bourdes commises, notamment depuis le gouvernement Balladur et le passage de Juppé aux Affaires étrangères (1993-1995) à l'époque où s'est finalisé l'accord de Marrakech, la France demeure le 4 exportateur mondial. Elle est, certes, en voie d'être dépassée par la Grande Bretagne, talonnée par le Canada, par la Chine, et peut-être même par l'Italie et la Hollande. Mais les dernières statistiques annuelles de l'OMC, portant sur l'an 2000, ne marquent pas encore ce dépassement. Avec 298 milliards de $ d'exportations en l'an 2000, la France, en dépit d'un recul de 1 % cette année-là, venait seulement après…

1. les États Unis : 781 milliards de $ d'exportations en hausse de 11 %

2. l'Allemagne : 551 milliards de $ d'exportations en hausse de 1 %

3. le Japon : 479 milliards de $ d'exportations en hausse de 14 %

L'Angleterre venait, en 2000, juste après la France avec 284 milliards de $ d'exportations, en hausse de 6 %.

L'intérêt du 4 exportateur mondial ne saurait être protectionniste

Si on compare de telles performances exportatrices françaises à la moyenne de l'activité nationale, au PIB stagnant, à la médiocrité monopoliste de nombreux secteurs, il devrait être absolument clair que tout Français lucide et responsable devraient avoir à cœur, non seulement de maintenir la compétitivité de nos productions les plus brillantes, dans les domaines les plus divers, mais également de promouvoir le libre échange dans le monde, indispensable pour pouvoir exporter nos marchandises et nos services.

Les hommes politiques français devraient se placer au premier rang de ce combat pour la liberté des échanges. Ils devraient être épaulés par nos meilleurs intellectuels, par tous nos économistes, par nos syndicalistes légitimement préoccupés du niveau général de l'emploi et de la hausse du pouvoir d'achat ; on pourrait retrouver, aussi, dans ce débat pourquoi pas, de divers intervenants culturels, des historiens, des théologiens, et bien entendu, des artistes : s'ils n'avaient pu vendre leurs toiles à des marchands étrangers, de quoi donc auraient vécu nos plus merveilleux peintres impressionnistes ?

Sans nous attarder à l'examen des affligeantes proclamations de ces dernières catégories, ou du moins de leurs représentants, contentons-nous d'observer nos hommes politiques.

Parmi les quelque 15 candidats à l'élection présidentielle les défenseurs sincères du libre échange ne se bousculent pas au portillon.

Dans l'élection présidentielle à venir, sur environ 15 candidats, les partisans du libre échange ne se bousculent pas au portillon.

Sur 4 candidats se réclamant ouvertement du marxisme, n'hésitons pas à poser en ricanant la question : combien d'entre eux sont en accord avec la position de Karl Marx économiste évidemment conscient du caractère progressiste du libre échange ? Combien la connaissent ? (2)

Mais, parmi les porte parole de la droite, combien ont compris le caractère à la fois national et, à notre humble avis, enthousiasmant de cette aventure pacifique qu'est le libre échange (3) ?

On hésite à répondre ici. Non que le chiffre soit mystérieux. Mais, ayant décidé de ne pas "prendre parti" dans cette élection, nommer l'unique homme politique "de droite" (?) qui se soit exprimé dans ce sens pourrait paraître pour un ralliement à une campagne dont on déplorera simplement de la voir, à ce jour, plafonner aux alentours de 4 % dans les sondages (4).

Ceci voudrait-il dire que plus de 95 % des Français seraient protectionnistes, contre les intérêts de leur pays ? Ce serait à désespérer de l'intelligence de ce peuple.

Faut-il alors escompter de l'Amérique qu'elle nous ramène, dans notre intérêt sur la voie du libre échange ?

Soyons clairs : sous l'influence des syndicats, sous l'influence des lobbies, sous l'influence du parti démocrate, sous l'influence de certaines grosses entreprises, les États Unis pratiquaient jusqu'à ces dernières années, non pas le libre échange, mais le commerce administré, autre nom du protectionnisme.

Aux États Unis une forte pression protectionniste s'exerce

On se consolera à peine, par conséquent, à l'idée qu'aux États Unis aussi, bien que ce pays soit, lui, non pas le 4 mais le 1er exportateur mondial, une forte poussée protectionniste exerce sa pression sur les hommes politiques dépendant d'élections locales, y compris le président Bush.

Fin mars George W. Bush s'est rendu au Pérou, au Salvador et au Mexique. Dans ces 3 pays il a tenu un langage identique parfaitement cohérent : "Le Commerce international est le meilleur moyen de combattre la pauvreté."

Le problème d'une telle politique dont les dirigeants américains sont en général convaincus, est qu'elle se heurte à certains lobbies protectionnistes intérieurs et que le gouvernement Bush se trouve en butte, depuis la défection d'un sénateur, élu comme républicain, du Vermont, à une majorité (d'une voix) du parti démocrate au Sénat.

Dans sa lutte pour reconquérir la majorité sénatoriale aux élections intermédiaires de novembre (où 33 sièges de sénateurs seront à renouveler), George Walker Bush a besoin de faire basculer un certain nombre de lobbies, y compris celui qui contrarie les intérêts américains, en faisant monter la tension dans le Moyen Orient. Les Droits de l'Homme étant couramment indexés sur le cours du baril de Pétrole, on remarquera que celui-ci a considérablement et anormalement monté depuis 3 mois, passant de 22 $ à 27 $.

On a vu aussi, dans la redoutable affaire de l'acier, que le président Bush a adopté une doctrine de taxation unilatérale des aciers importés aux USA (5) au risque de provoquer une réaction en chaîne multiprotectionniste ; Fort heureusement la Commission européenne, tout en sauvegardant les intérêts de la sidérurgie européenne, tout en haussant le ton par la voix de Romano Prodi, a su adopter une ligne de riposte légaliste préconisée par Pascal Lamy.

L'attitude du gouvernement américain conditionnée par les luttes électorales

Le point important est ici que, très manifestement, l'attitude du gouvernement américain, jusqu'en novembre, sera conditionnée par les luttes électorales dans 4 ou 5 états de vieille implantation sidérurgique sur les 33 renouvelables.

L'affrontement sans doute crucial se situera dans le Dakota du Sud, un petit état du Midwest, où Bush avait surclassé Gore en novembre 2000, où le gouverneur est républicain, et où, cependant les 2 sénateurs sont démocrates, dont le chef de file de la majorité le sénateur Tom Daschle (renouvelable en 2004). Cet automne ce sera son protégé le sénateur sortant Johnson qui se verra opposé le représentant républicain Thune. C'est pourtant de ce duel, entre le représentant républicain Thune et le sénateur Johnson que dépendra l'avenir de la cause du libre échange.

Dans cet affrontement, entre Johnson et Thune, les fermiers et singulièrement les éleveurs bovins propriétaires de leurs troupeaux joueront un rôle décisif.

Jusqu'à cette date il y a peu à espérer du gouvernement des États Unis, du moins pour ce qui serait d'imposer aux Français le salut de la France…

JG Malliarakis
© L'Insolent

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  1. Cette fascination m'intrigue depuis quelque 10 ans que j'ai commencé à étudier sérieusement le phénomène, exactement depuis la mobilisation agricole de septembre 1991, point de départ de cette "insolente" chronique.
  2. La réponse est évidemment zéro, car tous sont seulement "marxistes" au sens de la secte née du discours d'Engels sur la tombe de Marx en 1883, secte qui a donné naissance plus tard au "marxisme léninisme", secte appuyée sur le Manifeste communiste de 1848, écrit par Marx et Engels sous l'influence de Fichte ("L'État commercial fermé") d'où est sorti le socialisme national, puis avec Staline le "socialisme dans un seul pays", articulé sur l'Utopie (revendiquée par le Manifeste) du "monopole d'État du commerce extérieur". La mode de l'anti-mondialisation, que l'Huma rebaptise "alter-mondialisation" retourne à cet errement.
  3. Paul Claudel disait ainsi "la patrie ce n'est pas seulement la terre et les morts, c'est aussi la mer et les vivants". Rappelons aussi que le libre échange est synonyme de paix entre les nations, et qu'il permet à chacun de "vivre et travailler au pays".
  4. Sans doute pour d'autres raisons, qui tiennent, notamment, à la "politique". Celle-ci étant dominée en France par l'affrontement droite/gauche, cette pesanteur sociologique semble devoir éliminer toute force, tout "électron libre réformateur" cherchant à y échapper (par ex. le parti radical de Jean-Jacques Servan-Schreiber dans les années 1970). La question est alors : pourquoi des gens clairement campés "à droite" ou "à gauche" ne se sont-ils pas emparés du libre échange comme revendication ?
  5. Le ministère français des Finances utilise le sigle "francophone" EUAN (pour "États-Unis d'Amérique du Nord"). Nos lecteurs puristes nous pardonneront de nous en tenir ici au sigle le plus connu pour désigner les colonies insurgées d'Amérique.