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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 5 AVRIL 2002
LA RETRAITE SELON JOSPIN : MAIS PUISQU'ON VOUS DIT QUE TOUT VA BIEN !
Le Radeau de la Méduse par Géricault : Tout allait déjà très bien
Depuis 10 ans, en France, chacun sait, ou plutôt chacun a les moyens de savoir, que le problème des retraites est d'abord le problème numéro 1 de la sécurité sociale. Chacun sait, ou plutôt chacun a les moyens de savoir, que le budget d'ensemble de celle-ci, faisant l'objet de lois de financement dont le principe a été inventé par la réforme de constitutionnelle de février 1996, est supérieur d'environ 33 % au montant du budget de l'État.
Chacun a donc compris, ou plutôt chacun a eu les moyens de comprendre, que l'État ne pourra plus faire semblant de garantir les prestations sociales.
Comment un État,
A/dont le périmètre financier est de 264 milliards d'euros (1),
B/dont le déficit chronique, est supérieur à 30 milliards d'euros, soit 12 à 15 % de ce budget (2)
C/pourrait-il garantir un système versant plus de 300 milliards d'euros de prestations annuelles ?
Cet absurde problème de robinets n'a, évidemment, pas de solution durable. Chacun le sait, particulièrement dans les jeunes générations qui épargnent, comme elles le peuvent, en prévision leurs vieux jours.
Mais M. Jospin, lui, connaît une solution. Comme l'annonce de la mort de Dieu dans Zarathoustra, il en laisse l'affirmation obreptice aux forcenés. La seule démarche bienséante et rassurante est de la murmurer. À l'école de François Mitterrand, Lionel Jospin a été l'élève de cet art de gouverner, de cet art de vivre, et de bien vivre, de bonnes nouvelles, aux frais du souverain captif.
Le 25 mars, sur France 2, M. Jospin a en effet de nouveau défendu la retraite par répartition.
M. Jospin s'est déclaré hostile aux "fonds de pensions individuels" préconisés par M. Chirac. M. Jospin soutient la thèse ridicule que de tels fonds "réintroduisent de l'inégalité entre les cotisants et les futurs retraités". Refusant même d'évoquer l'épargne salariale par capitalisation seule susceptible pourtant, dans l'actuel contexte, de compléter efficacement les retraites, M. Jospin a prétendu que son "objectif central" serait "de maintenir le niveau des pensions". M. Jospin refuse d'appeler la contrepartie de cette sauvegarde du nom de "sacrifices" (3).
M. Jospin préfère parler "d'efforts" (4) :
"soit sur le montant des cotisations, soit sur la durée de cotisation mais tout en gardant cet acquis fondamental [ ] à savoir la retraite à 60 ans".
Sur ce dernier point, (la retraite à 60 ans) on doit remarquer qu'il s'écarte, à usage intérieur français des vux (5) du Conseil européen de Barcelone le 16 mars où il représentait la France conjointement avec M. Chirac (cf. notre Bulletin du 18 mars) et où il a cosigné un texte reconnaissant que : "il faudrait chercher d'ici à 2010 à augmenter progressivement d'environ 5 ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle".
Comment prendre au sérieux un tel État qui se désavoue impunément de la sorte à moins de 10 jours d'intervalle ?
Est-ce donc un tel État qui va garantir dans 10 ans ou dans 20 ans les retraites des cotisants actuels ?
L'effort que Jospin appelle se ferait donc, à l'évidence, sur les cotisations.
La solution du programme de M. Jospin ?
C'est, bel et bien,
d'augmenter les impôts, certains impôts,
et d'alourdir le taux des cotisations, certaines cotisations, celles de l'épargne en particulier.
Ne croyons pas à une galéjade. Quand on lit ici "le programme de M. Jospin", on doit penser à tous les énarques très sérieux qui alimentent ce programme. Ce sont les mêmes qui, j'en suis sûr, irriguent aussi le cerveau si satisfait de M. Juppé, lequel ferait un parfait Premier ministre de cohabitation si, d'aventure, en juin, les législatives donnaient une majorité parlementaire à l'actuelle opposition, contredisant les résultats du scrutin présidentiel de mai.
Bien tranquillement, d'ailleurs, le quotidien de la pensée unique, Le Monde, prépare le lit de telles solutions fiscalistes, tout en souhaitant bien sûr que le Premier ministre en juin soit "par exemple" la délicieuse Martine Aubry.
Sans aller donc, pour conclure, jusqu'à recommander Le Monde, je suggère à ceux qui me lisent de se procurer Alternatives Économiques numéro 201 de mars 2002. Cette livraison prétend répondre à la question : "la France est-elle encore dans la course ?" Rappelons que le mensuel Alternatives Économiques est le SEUL journal économique recommandé à pratiquement TOUS les lycéens français que l'on frotte d'études économiques en classes de Première et de Terminale. Ceux d'entre eux qui se préoccuperaient de la compétitivité de leur pays reçoivent immédiatement la réponse chiffrée : Tout va bien. Seuls les grincheux s'inquiètent de la perte de compétitivité.
Pourquoi, par conséquent, la France ne continuerait-elle pas de développer l'assistanat, puisque tout va bien, développer la taxation du capital, puisque tout va bien, développer le fiscalisme, développer la redistribution, puisque tout va bien.
N'est-ce pas tout cela qui fait le charme discret du programme jospinien ?
N'est-ce pas tout cela qui attire en France tant de beaux enfants baignés de soleil, venus du monde entier ?
N'est-ce pas tout cela qui chante chaque jour la plus grande gloire de la patrie des Droits de l'Homme, tels ces séraphins aux six ailes chantant, dans les Cieux, la plus grande gloire de l'Éternel ?
JGM
(1) Chiffres de l'année 2001.
(2) C'est ce que représentent 2,5 % du produit intérieur brut.
(3) Les "sacrifices" sont supposés devoir être endurés par les "travailleurs".
(4) Les "efforts" seront demandés aux "possédants".
(5) Ce ne sont actuellement et véritablement que des vux et pas encore des "décisions".