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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 10 AVRIL 2002
LA PLAIE DES FINANCES PUBLIQUES DÉPARTEMENTALES
La Maladie d'Alzheimer menace-t-elle particulièrement le charmant département du Lot-et-Garonne présidé par le sénateur François-Poncet ?
Poursuivant son utile et révélateur voyage dans la jungle des fiscalités locales, le quotidien économique Les Échos se penche (1) sur la redoutable nuisance des impôts votés et perçus au profit des Départements.
Hélas la comparaison des chiffres de la fiscalité départementale souligne un certain nombre de réalités qui aggravent les nuisances observables dans le cadre de la fiscalité municipale.
Certes, les départements recueillent, eux aussi, les vieux produits des "quatre vieilles" c'est-à-dire essentiellement, outre le foncier non-bâti, lamentablement perçu aux dépens des derniers agriculteurs que compte encore notre pays, ainsi que la taxe foncière infligée aux propriétaires d'immeubles, la Taxe d'Habitation (TH) et la Taxe Professionnelle (TP). Ces deux dernières sont définies sur la base de taux appliqués en pourcentage d'une assiette en valeur théorique.
Pour la Taxe d'Habitation, l'administration se base sur la prétendue "valeur locative", d'essence pifométrique.
Et, s'agissant de la Taxe Professionnelle, on tient compte des immobilisations brutes et de divers facteurs techniques de nature à pénaliser purement et simplement l'activité économique et l'emploi (2).
Bien entendu c'est la concentration de richesses immobilières et de sièges sociaux à Paris, et ce n'est pas la sagesse de ses édiles départementaux parisiens, qui explique le faible taux de la TH parisienne : 2,19 % contre 4,25 % aux Hautes-Alpes, suivies de la Lozère avec un taux de 4,27 %.
On s'inquiétera surtout de ce que, globalement, en 2002, les taxes d'habitation départementales ont progressé de 3,1 %, c'est-à-dire à leur rythme le plus élevé depuis 1993. Pendant le même temps on notera que la classe politique croit intelligent et légitime de suggérer que cette taxe puisse légitimement disparaître.
Bien entendu, cette année de basses eaux économiques a été pour la même classe politique l'occasion de pénaliser encore plus l'activité, en faisant croître les taxes professionnelles départementales plus vite encore que les taxes d'habitation. De la sorte, la hausse moyenne des Taxes professionnelles départementales aura été de 3,3 %. (3)
La Marne est le département le plus vertueux
Les deux cas extrêmes de la TP départementale nous semblent révélateurs
1° Le département le plus vertueux quant au taux de la taxe professionnelle est celui de la Marne avec un taux de 3,72 %. Décidément la Marne n'est pas seulement la patrie de Dom Pérignon. C'est aussi celui qui a fait disparaître (pour les particuliers) la répugnante et hypocrite vignette fiscale imaginée pendant la 4e république sous le prétexte fallacieux de financer la retraite des vieux, et sur laquelle la Marne avait prix l'excellente habitude de fixer les tarifs les moins élevés, obligeant l'État à opérer diverses contorsions et, finalement, à capituler en rase campagne. Notons que ce département est accompagné sur le podium de la modération fiscale par les Yvelines à 4,19 et le Loiret à 5,05.
Pourquoi le Lot-et-Garonne est-il le plus mauvais élève ?
2° Au contraire le plus mauvais élève aura été cette année le Lot-et-Garonne qui a relevé de 28,4 % la TH et la TP. Ce malheureux département est affublé d'un président, le sénateur François-Poncet, ancien ministre des Affaires étrangères du giscardisme flamboyant (1976-1981) que l'on a retrouvé dans la plupart des mauvais combats protectionnistes. Sa "sensibilité" de l'a conduit au groupe "unanimiste" dit "RDSE" des anciens "radicaux-socialistes" (4) : nous sommes donc ici dans un cas malheureusement caractéristique.
Le sénateur François-Poncet a, bien entendu, imposé à son Département des travaux routiers considérables, disproportionnés avec les besoins et les ressources, et quelques autres dépenses littéralement pharaoniques destinées à "promouvoir le tourisme fluvial". Une telle promotion requiert évidemment des investissements fort lourds puisque cette forme délicieuse de découverte du territoire représentait jusqu'ici quelque 0,01 % de l'actuelle économie gasconne. Il faut donc équiper puissamment dans ce sens la Garonne, le Lot et la Baïse. On a beaucoup "misé" aussi, aux frais du contribuable, sur le "technopôle agroalimentaire d'Agen".
Au-delà de ces gaspillages caricaturaux ou fantaisistes on retrouve surtout un aspect très préoccupant des finances de tous les départements français. Ils sont en effet affligés du poids d'un nouveau monstre social qui s'installe doucement, lentement mais sûrement depuis 10 ans : la prise en charge de la dépendance.
L'APA, Allocation Personnalisée d'Autonomie, prend le relais de la PSD, Prestation Sociale Dépendance, supportant notamment les effets de la maladie d'Alzheimer. Cette charge est débitée aux Départements qui, d'ailleurs, s'accrochent à ce lambeau de pouvoir et à cette réserve de votes.
Le Lot-et-Garonne gérait 1 600 bénéficiaires de la Prestation Sociale Dépendance. Il gérera désormais 5 600 destinataires de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie.
Ainsi donc la grande dépendance n'est pas seulement le drame familial que trop de Français peuvent mesurer directement autour d'eux.
Ce sera de plus en plus, prosaïquement et économiquement, la plaie des finances publiques départementales.
JG Malliarakis
(1) Dans son édition du 10 avril.
(2) Cet impôt, imbécile par excellence, se voulait une transformation "rationnelle" de l'antique patente. L'on avait déjà commencé à triturer sérieusement la patente sous Louis-Philippe sous prétexte de lutter contre les "magasins de nouveautés" _ et d'ailleurs la réforme des années 1840 n'avait pas empêché l'essor des "grands magasins 10 ans plus tard ! La substitution de l'actuelle taxe professionnelle à la patente n'est pas due aux têtes chaudes du parti socialiste lui-même ; il remonte à la grande époque du "socialisme fiscal giscardien" des années 1970.
(3) On se souviendra qu'un personnage comme Dominique Strauss-Kahn parle "comme si" la taxe professionnelle avait été sinon carrément supprimée, du moins revue à la baisse par une suppression partielle de la référence aux salariés. Il existe probablement un certain nombre de braves gens qui le croient encore puisque la taxe professionnelle est recouvrée sur le dos des seuls entrepreneurs, sans que ceux-ci aient aucun droit de discussion ni sur son taux ni sur son utilisation.
(4) Auquel appartient aussi l'illustrissime Fourcade ex-ministre des Finances sous Giscard.