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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 13 MAI 2002

FRANCIS MER AURA FORT À FAIRE

"Il serait un mauvais économiste celui qui ne serait qu’économiste"

Friedrich von Hayek, La Route de la servitude

Parmi les nouvelles positives de cet incertain printemps aux giboulées tardives, on doit saluer la nomination au ministère de l’Économie et des Finances d’un vrai représentant de l’industrie française M. Francis Mer…

À cette nomination d’un dirigeant de la sidérurgie européenne répondent, d’ailleurs, d’autres promotions de ministres nouveaux venus. Citons celle du sénateur-maire d’Alençon M. Alain Lambert. Les abondants rapports parlementaires de cet homme fort compétent n’ont jamais cessé de confirmer nos préoccupations, y compris quant à l’avenir de l’assurance française dans le contexte de la concurrence internationale généralisée.

En fait, depuis le tournant technocratique français de janvier 1960, jamais un industriel n’avait occupé des fonctions aussi élevées au sein d’un gouvernement de Paris. Et contrairement à Antoine Pinay, M. Mer n’a pas d’ancienneté dans le sérail politique, ayant jusqu’ici exercé ses responsabilités sociales au sein du mouvement patronal.

Or, tout indique qu’une série de difficultés, d’ordre essentiellement politique, vont surgir, comme une immense nuée de méduses sur une plage de vacances pour polluer la modernisation de notre économie.

Aussi bien pour Francis Mer que pour Alain Lambert en effet l’exercice central va porter sur la baisse des impôts. Celle-ci n’a pas seulement été promise par le candidat Chirac. Elle est probablement voulue aujourd’hui de manière sincère par le président réélu comme une authentique priorité. Mais la gauche n’en veut pas (1).

Les embûches de la Féodalité Administrative

Il y a premièrement le fait que M. Mer entre à Bercy dans une citadelle bureaucratique qui va chercher à lui imposer son diktat (2).

Déjà en 1995, la féodalité administrative avait tout fait pour éliminer le ministre de l’Économie issu de la campagne présidentielle et de ses promesses réformatrices en la personne d’Alain Madelin. L’une des premières erreurs de cet estimable intellectuel, probablement égaré en politique (3), fut d’accepter un directeur de cabinet imposé par le réseau de pouvoir conformiste (4).

Il est vrai que le premier ministre de l’époque, M. Alain Juppé s’employait alors à savonner la route de "son" éphémère ministre. On peut espérer un autre scénario de son successeur à Matignon.

Le prétexte des Engagements européens

Le deuxième écueil viendra de la rhétorique artificielle d’engagements européens mal interprétés.

Par la voix de Laurent Fabius en décembre 2001, puis, solennellement représentée par MM. Chirac et Jospin à Barcelone en mars, la France étatique s’est officiellement engagée, vis-à-vis de ses partenaires de l’Union monétaire à liquider ses déficits pour l’exercice 2004.

Elle doit le faire, et elle peut le faire — à cette date, et pas plus tard. Ceci n’est pas à comprendre seulement comme une contrainte "imposée par l’Europe". C’est aussi une nécessité pour la santé même de notre économie, nécessité trop longtemps contournée, notamment par une manière de falsification des comptes et de mensonges sur les prélèvements.

Simplement, le programme de réduction des taux d’imposition sur le revenu dès l’année 2002, tel qu’il a été proposé par le candidat Chirac (à hauteur de 5 % forfaitaires dès le troisième 1/3 en septembre 2002, ceci par l’effet d’une loi de finances rectificative à voter en juillet, puis plus largement à partir de l’exercice 2003, pour atteindre 30 % en 5 ans) n’est pas incompatible avec un équilibre budgétaire en 2004, c’est-à-dire dans deux ans.

Il s’agira donc, pour faire coïncider les deux objectifs, de trouver au cours de l’année 2003, le courage civique et la majorité parlementaire, nécessaires et suffisants afin de proposer et de faire voter une baisse de la dépense publique française de l’ordre de 35 milliards, peut-être 40 milliards d’euros, en tenant compte du fait que certains budgets régaliens, modestes en volumes mais essentiels (police, justice, renseignement en vue de la lutte anti terroriste) ou franchement légitimes (lutte contre la grande précarité) devront être augmentés. Cela peut paraître considérable. Pourtant, cela ne représente même pas la moitié des gaspillages éhontés de l’État subventionneur, employeur et redistributeur. Et, à un tel programme, Jospin aussi eût été tenu. Mais l’impératif aurait alors été d’autant plus insurmontable que la prospérité n’aurait sûrement pas été relancée en l’absence du coup de fouet des allégements fiscaux.

On sait désormais de manière certaine qu’un programme de décrue fiscale est synonyme d’une relance de la prospérité. Mais cette vérité hérisse le poil de nos socialistes et de nos fiscalistes. Ceux-ci considèrent en effet que les recettes de l’État sont un droit inaliénable et que toute baisse de l’impôt est un cadeau. Lorsque celui-ci est fait au profit de ceux qui payent effectivement l’impôt et qui conduisent la prospérité de la nation, les bons esprits soulignent que c’est un cadeau fait aux riches.

C’est sur la base de ce raisonnement que le fiscalisme français a construit l’une des législations d’ensemble les plus pénalisantes du monde. (5) Or, les affreux entrepreneurs développent la prospérité dynamique de la nation.

Aujourd’hui, pour entraver la relance de l’activité des entrepreneurs français par une baisse de leur hyper fiscalité, le fiscalisme se sert d’un faux raisonnement sur les engagements européens. C’est la seule nouveauté de son argumentaire mensonger et moisi.

Les nouvelles offensives contre l’Entreprise

Enfin Francis Mer va se (re) trouver confronté à une campagne idéologique dirigée contre l’entreprise. Il y a quelques temps un passionnant colloque au Sénat, organisé par le supplément "Enjeux" du quotidien économique Les Échos, portait sur les nouvelles formes de critique du "capitalisme". Francis Mer, intervenant en tant que dirigeant d’Arcelor, était un des défenseurs de l’entreprise. Chose frappante, il trouvait à ses côtés non seulement le porte parole des Galeries Lafayette, mais aussi des syndicalistes : le représentant de la CFDT et même, avec des nuances, M. Le Duigou économiste de la CGT.

Les adversaires de l’entreprise, et même ses "accusateurs", pour ne pas dire ses "agresseurs", étaient les gens des nouvelles associations, principalement Greenpeace et surtout le mouvement Attac.

Cette offensive idéologique puissante représente aujourd’hui pour l’extrême gauche française le relais de survie du moribond communisme bureaucratique d’origine stalinienne. Rappelons que le 21 avril, les 4 candidats se réclamant de Marx et de Lénine ont obtenu ensemble 16 % des voix soit pratiquement le score du Premier ministre Jospin. Soulignons que ces voix ne viennent plus de l’ancienne classe ouvrière française mais de personnels à statuts privilégiés et d’une partie des fonctionnaires.

Face à ce danger d’origine politique, le monde productif de l’Entreprise aura fort à faire. L’heure n’est donc plus, pour les gens sérieux, à une division des droites entretenue par la classe politique sur la base de sectarismes et de polémiques d’un autre âge, mais à l’union et à l’action pour la Liberté.

JG Malliarakis

© L'Insolent

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  1. Est-ce alors faire de la provocation que de rappeler notre préoccupation au lendemain du résultat du second tour ? Pomme de discorde entre la droite et la gauche, la décrue fiscale constitue au contraire, pour les droites, la base de leurs convergences économiques. Même si cela doit déranger les plus sectaires des chiraquiens, dans l’entourage de M. Alain Juppé par exemple, on ne doit ni perdre de vue ni accepter que soit occulté ce fait : face aux 12 millions de voix de gauche et d’extrême gauche, la baisse des impôts ne peut être majoritaire en France sans l’appoint des 4,8 millions de voix qui se sont portées le 21 avril sur Jean-Marie Le Pen et des 0,7 million de Bruno Mégret. Sans ces voix, les partisans de l’économie de marché et de la décrue fiscale partent battus avec seulement 9,5 millions de voix. Les difficultés qui attendent l’ouvrage économique de Francis Mer comme d’Alain Lambert militent donc pour qu’on en finisse avec les querelles artificielles.
  2. C’est là sans doute le diktat central de la technocratie toute-puissante en France depuis plus de 40 ans. Depuis les années 1920, dans toute l’Europe, la technocratie s’est d’abord imposée par la primauté du ministre des Finances, puis par celle de l’administration sur le ministre nominal.
  3. "La politique est une affaire de politesse." Léopold 1er roi des Belges.
  4. M. Lemierre, depuis, a fait du chemin.
  5. Il est intéressant que, pour une fois, l’agence France Presse ait fait état le 10 mai, d’un classement publié à Londres par "Forbes Global" faisant apparaître la France, avec un "indice de pression fiscale" de 181 comme le pays du monde où la "douloureuse fiscale" est la plus élevée pour les entrepreneurs, en tenant compte non pas seulement de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu mais également des impôts sur les sociétés, sur la fortune, sur la consommation (TVA), et bien entendu les charges sociales payées par les entreprises pour le compte de leurs salariés et de leurs cadres. Dans ce classement, l’Allemagne, les États-Unis et l’Angleterre sont respectivement 15, 16 et 18. "We are the champions"… Nous militons depuis longtemps pour une prise en compte des divers facteurs combinés par Forbes sur ce que nous appelons Multiplicateur fiscal et social. Voir à ce sujet dans nos archives : 31.6.96 Hausse du multiplicateur de coģt salarial 26.2.96 Les PrélĪvements, l'Entrepreneur ... et l'Emploi ; 21.9.94 Une Bonne Équation pour M. Giscard d'Estaing

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