COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 27 MAI 2002
LES ACCORDS BUSH POUTINE
ridiculisent les petits hommes gris qui se chamaillent en Europe.
Sans vouloir heurter le chauvinisme de quiconque, on doit souligner que la portée des entretiens et des accords convenus à Moscou et Saint-Pétersbourg les 23 et 24 mai entre Bush et Poutine auront plus d'importance pour le monde que la rencontre protocolaire entre les Présidents français et américain à Paris à la veille d'une commémoration du débarquement à Sainte-Mère-Eglise.
Certes, on retiendra que la France réaffirme officiellement son engagement dans le camp de la lutte contre le terrorisme islamiste (1), présenté comme la 3e agression totalitaire.
Cette affirmation relève du simple bon sens. Notre pays a connu l'agression de ce même terrorisme bien avant que les États-Unis en découvrent le danger. On demeure donc assez surpris que certains excellents Français soient encore réticents.
À vrai dire ce qui est décisif, pour l'Amérique et pour le monde, ce n'est pas qu'il y ait en France des voix subtiles, qui indiquent après Hubert Védrine ci-devant ministre des affaires étrangères, ce qu'ils appellent le "simplisme" de la doctrine états-unienne.
Beaucoup plus importante est l'attitude du gouvernement russe.
La Russie se trouve engagée dans une lutte contre les mêmes réseaux c'est-à-dire, rappelons-le, non pas de vagues ramifications " islamistes " mais une nébuleuse identifiée à des financements largement saoudiens, des fondations religieuses et des écoles coraniques se réclamant de la secte wahhabite, des organisations de narco trafiquants et un soutien logistique des services des services spéciaux pakistanais (2).
Or, pendant des décennies il a été clair que l'alliance, scellée en 1922, entre la finance pétrolière américaine et cette forme d'islamisme avait influencé la politique extérieure des États-Unis.
On l'a vu dans les événements tragiques de l'ancienne Yougoslavie pendant quelque 10 ans. Et les Russes en ont, eux aussi, subis les conséquences dans le Caucase. (3)
Or, à Moscou, l'accord du 23 mai entre Bush et Poutine n'a pas seulement porté sur le désarmement nucléaire et la réduction des deux arsenaux. Il s'est fait aussi sur la politique russe en Asie Centrale qui, a priori, aura désormais vocation à se développer sans entraves américaines.
Cette politique russe, beaucoup plus ambitieuse et subtile que ne semblent l'imaginer ses détracteurs, se fonde sur une expérience historique remontant au moins au xviie siècle.
Et la politique de la Russie se fonde aussi sur un partenariat avec l'Iran.
Avant les entretiens Bush-Poutine, certains (4) voulaient penser que l'Amérique ferait ployer la Russie à propos de l'Iran.
L'une des pierres d'achoppement était la participation russe décidée à l'automne 2001 au programme nucléaire civil iranien concrétisé par la centrale de Bouchehr.
Eh bien, la Russie n'a pas cédé. Sa coopération avec l'Iran et avec le gouvernement réformateur du président Khatami ne reculera pas d'un pouce.
Étrangement cela se retrouve, implicitement et explicitement, aussi bien le traité en 5 points sur la réduction des armements stratégiques que dans la déclaration russo-américaine signée des 2 présidents et datée de Moscou le 23 mai.
C'est une défaite et un recul pour clan extrême entourant notamment le vice-président américain Dick Cheney pour qui l'Amérique doit frapper indistinctement le plus fort et le plus vite possible l'Iran et l'Irak (et, faut-il le souligner, ce qui reste de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat).
Ce recul n'est peut-être que provisoire.
Reste aux Européens à bien évaluer quel est leur véritable intérêt commun dans ce nouvel équilibre des deux anciens rivaux.
(1) Pour cesser de parler de l'islam et de l'islamisme à tort et à travers nous nous permettons à ce sujet de renvoyer au livre de base, celui de Henri Lammens ("L'Islam, croyances et institutions")
(2) Ces gens sont aussi alliés à l'immense influence de l'école dehobandi dans le sous-continent indien et à celles des frères musulmans égyptiens.
(3) L'une des clefs de l'affaire semble liée aussi au fameux projet d'oléoduc sur le tracé Ceyhan Bakou impliquant pratiquement tous les protagonistes du Moyen-Orient et de l'Asie Centrale.
(4) À commencer par le quotidien de la pensée unique Le Monde.
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