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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 28 MAI 2002

OMBRES ET LUMIÈRES DE LA CFDT

Au moment où Mme Notat est remerciée après 10 ans de bons et loyaux services…

Mme Notat aura donc dirigé la CFDT pendant 10 ans. Propulsée d'abord à la présidence de l'UNEDIC avec la bénédiction patronale, puis au secrétariat général de la centrale laïque (1), elle en aura fait sinon le syndicat incontestablement dominant, du moins celui qui, à terme, pourrait revendiquer clairement la première représentativité sociale de notre pays.

En 10 ans, depuis ce jour d'octobre 1992, où elle força son prédécesseur Jean Kaspar à démissionner en cours de mandat, Mme Notat aura vu son organisation passer officiellement à 865 000 adhérents, chiffre revendiqué en avril 2001. Si ce nombre est exact, il est légèrement supérieur à celui de la CGT, où les retraités et les fonctionnaires sont très nombreux. Aux dernières élections prud'homales cependant, en décembre 1997, la vieille CGT obtenait encore 33,1 % des voix contre 25,3 % à la CFDT. Celle-ci en progression de 1,5 par rapport à 1992 espère, de toutes manières continuer à se développer cependant que les cégétistes s'essoufflent assez manifestement (2).

L'objectif affiché par son successeur François Chérèque (46 ans) serait de passer à 1 200 000 adhérents dans les 5 ans à venir. Ceci ferait alors de son mouvement, à l'horizon 2007, le principal syndicat français après un siècle de domination cégétiste sur le syndicalisme français, et 60 ans de mainmise communiste sur la CGT (3).

Avec plus d'un demi-siècle de retard sur l'Allemagne, la France pourrait alors envisager la refondation d'un syndicalisme responsable, moins subventionnaire, plus uni, plus fort et enfin indépendant des partis politiques, comme l'est la DGB outre-Rhin et comme le sont aussi devenus outre-Manche les Trade Unions britanniques, désormais séparées du New Labour.

On comprend donc que le grand patronat institutionnel, à la direction du Medef, se félicite de l'émergence d'un tel véritable partenaire. Manifestement aussi c'est avec cet interlocuteur, éventuellement conforté par la petite CFTC catholique et par la CGC-CFE implantée parmi les personnels d'encadrement, que MM. Seillière et Kessler mènent leur ambitieux projet de refondation sociale.

Restent cependant d'importantes zones d'ombre. Quoiqu'elle se proclame favorable à un syndicalisme de contrat, et attachée à la gestion paritaire, la CFDT de Mme Notat avait applaudi en novembre 1995 à l'annonce du plan étatique et autoritaire de M. Juppé. Si l'un des siens, M. Spaeth, a pris en juillet 1996 la présidence de l'assurance maladie (3) ce ne fut pas dans le cadre d'une élection démocratique par les assurés sociaux, mais à la faveur de cette énorme opération d'étatisation du système. Cette illégitimité fondamentale de M. Spaeth comme président (théorique) de la CNAM-TS, principale caisse de sécurité sociale en France, ne choque ni l'intéressé ni son syndicat, lequel se veut pourtant " démocratique ".

Plusieurs autres signes montrent également une CFDT plus attachée à la technocratie qu'à la démocratie, à la réglementation qu'à la liberté. On la retrouve ainsi dans toutes les causes bien pensantes, philosophiques, républicaines ou environnementales. Et quand Mme Notat se déclare, lors du 45 Congrès à Nantes, désormais résolue à s'employer à la création d'une Agence orientée vers la notation sociale des entreprises et à la régulation de la mondialisation, on peut se demander où mènera ce nouveau Machin.

On remarque aussi que le nouveau secrétaire général aura pour qualité notable d'être le fils d'un sympathique syndicaliste lorrain devenu, en 1988, ministre du gouvernement Rocard. On dit de cet ancien joueur de rugby qu'est M. Chérèque : " il sait ce qu'il veut ".

Mais ce que veut VRAIMENT la CFDT demeure encore un mystère à la fois pour la base syndicale et pour l'opinion française.

• JG Malliarakis •

(1) La CFDT est née en 1964 de la répudiation de l'étiquette chrétienne par les anciens de la CFTC, confédération française des travailleurs chrétiens, dont le sigle sera " maintenu " par les minoritaires attachés à la doctrine sociale catholique. Dans son histoire, dirigée par Eugène Descamps (1964-1971) puis par Edmond Maire (1971-1988) la CFDT d'abord été l'alliée de la CGT pendant les grandes grèves de 1968 notamment, puis au cours de diverses luttes jusqu'à l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Lorsque Jean Kaspar, partisan du libéralisme économique, devient secrétaire général en 1988, le virage réformateur est pris. Elle-même fortement contestée par l'aile gauche, Mme Notat semble surtout avoir su donner à cette orientation une coloration rassurante pour la structure syndicaliste. Quoiqu'elle " ne fasse pas de politique " Mme Notat applique manifestement la définition d'un humoriste anglais : " la politique est l'art d'obtenir les suffrages de pauvres et l'argent des riches sous prétexte de les protéger les uns des autres. "

(2) On a l'habitude considérer que les élections prud'homales, qui n'ont lieur que tous les 5 ans, donnent une photographie plus complète que les élections au Comités d'entreprises, qui sont toujours partielles et dont les résultats sont toujours communiqués avec beaucoup de retard par le ministère du Travail. Pour mémoire indiquons que

(3) La scission qui donna naissance à Force Ouvrière date de 1947.

(4) Perdue par FO.

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