COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 5 JUIN 2002
SÉRIEUX OBSTACLES SUR L'ORGANISATION DE L'ISLAM EN FRANCE
M. Sarkozy hérite de Chevènement un projet contraire à la Loi républicaine
On se préoccupe actuellement d'organiser l'Islam en France. C'était, ce 4 juin, la première page du Figaro. Cela semble constituer une partie de la politique du nouveau ministre de l'Intérieur M. Sarkozy. Il hérite en cela de la gestion socialiste de cette affaire et cette continuité n'est pas sans comporter de sérieux handicaps.
Car, 3 ans après son prédécesseur M. Chevènement, qui ouvrit le dossier en 1999, le nouveau gouvernement passe pour partager cette conception avec une certaine fraction de la gauche, paradoxalement la plus laïciste et la plus jacobine : l'idée serait qu'un islam organisé, assaisonné idéalement à la sauce française, constituerait paradoxalement par lui-même un barrage face à l'islamisme, associé dans l'opinion au terrorisme et à la délinquance.
Certes, sur le strict plan religieux, il faudrait sans doute être singulièrement sectaire (1) pour ne pas comprendre que les préceptes mêmes de l'islam combattent a priori le vol du bien d'autrui, le meurtre des innocents, le crime en général, dans une société musulmane. Au contraire on trouvera aisément de bons docteurs de la Loi, pour nous démontrer que l'islam partage avec le judaïsme et le christianisme les honnêtes prescriptions concrètes du Décalogue : Tu honoreras ton père et ta mère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas d'adultère, etc.
Seulement, la première chose à faire remarquer à ces bons docteurs est que la loi républicaine ne saurait se situer sur le terrain de la religion. Et on nous a surabondamment dit récemment que le peuple français le 5 mai a sublimement refondé et plébiscité à 82 % la république.
La loi constitutionnelle de 1958 réaffirme les principes de 1789 et le préambule de 1946. Elle inclut la laïcité dans son bloc de constitutionnalité. Ceci va plus loin que la Troisième république. Cela fait désormais de la loi de séparation de 1905 un des piliers de notre système légal français. Cela est tellement vrai qu'au moment de la préparation du traité de Nice, le laïcisme français, d'Alain Juppé à la CFDT, s'est trouvé en contradiction avec les conceptions prévalant dans les autres États de l'Union européenne, et selon lesquelles l'Europe a un fondement humaniste et chrétien.
Voilà ce que dit cette loi, promulguée certes par le président Loubet le 9 décembre 1905 mais qui est devenu une sorte de Charte française de la laïcité républicaine :
Article 2 : "La république ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra (1906), seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes."
À l'évidence cette suppression s'impose aussi aux Régions créées en 1972.
D'autre part, s'agissant de la construction de nouveaux lieux de culte, et non du gros entretien (article 606 du Code civil) de bâtiments que l'État s'est approprié mais qu'il ne peut légalement affecter qu'aux cultes pour lesquels ils ont été destinés, toute participation financière de l'État ou des collectivités locales est contraire à l'ordre légal. C'est ainsi que l'aide accordée par Jack Lang à l'édification de la cathédrale d'Evry Ville Nouvelle, ne l'a été que sous l'astreinte que cette cathédrale se trouve intégrée à un espace culturel pluri-religieux.
Il est donc contraire à la Loi et à la Constitution de construire en France un édifice cultuel sur fonds publics, la religion étant une affaire privée.
Soulignons aussi l'article 1er de la Loi :
"La république assure la liberté de conscience." Cette phrase est complétée par la précision : "Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions ci-après" (c'est-à-dire celles de l'article 2).
La Liberté de conscience et de l'exercice du culte devrait
suffire à l'islam et à ses diverses formes puisque
cela suffit à celles du christianisme et du judaïsme.
La Liberté de conscience a eu des conséquences juridiques importantes, discrètement persécutrices et même dramatiques, par exemple, à l'encontre des vux perpétuels inhérents à certaines communautés cloîtrées.
La Liberté de conscience cela implique aussi, à l'évidence, le droit de changer de religion ou de n'en pas avoir. En France on n'a jamais vu, dans le cadre de la Loi républicaine, aucun chrétien ou aucun juif, prétendre interdire ou contester les conversions réciproques. Un exemple éminent en est donné tout simplement en la personne de l'actuel cardinal archevêque de Paris. Quand un chrétien se convertit au bouddhisme, ou même à la scientologie, on n'a jamais ouï dire que l'Église lui intente un procès au nom des promesses de son baptême, de sa profession de foi ou de sa confirmation.
Or, sous la pression des plus fondamentalistes des organisations musulmanes, et précisément de l'UOIF, elle-même liée à l'Arabie Saoudite et aux Frères musulmans égyptiens, M. Chevènement a accepté une doctrine strictement irrecevable en France, et qui s'énonce de la manière suivante :
1° "Le fils d'un musulman est musulman"
2° "Et un musulman n'a pas le droit de changer de religion."
Cela est contraire à la Loi française tout simplement parce que cela est contraire à la Liberté de conscience.
Mais c'est sur cette base qu'on nous affirme qu'il existerait en France 5 millions de musulmans, dont 2 millions ou 2,5 millions, admirons la précision de l'information, seraient des citoyens français.
Cela est faux dans la mesure où par ailleurs, en totalisant la fréquentation des 1 300 mosquées établies dans l'Hexagone (2), au total les pratiquants de l'islam en France ne dépassent probablement pas 500 000 personnes, dont une majorité d'Étrangers, divisés en multiples écoles, influences et sensibilités.
Tout cela entache et contrarie singulièrement le projet, hérité du socialisme, d'une représentation "communautariste" unique englobant en France les formes diverses de la pratique islamique et en y rattachant des gens sous le seul motif qu'ils sont d'origine maghrébine, turque ou africaine. Puisque plus de 90 % d'entre eux ne pratiquent manifestement pas cette foi, n'est-il pas contradicatoire
de prétendre les unifier arbitrairement
et les réislamiser administrativement
alors qu'on souhaite, par ailleurs,
les intégrer à une nation dont la conscience historique semble avoir été, de la chanson de Roland à Victor Hugo, autre chose que l'islam.
JG Malliarakis
(1) Ou il suffit simplement d'être vraiment ignorant de la réalité religieuse de l'Islam. Nous nous permettons à ce sujet de renvoyer au livre de base, celui de Henri Lammens ("L'Islam, croyances et institutions") réédité cette année.
(2) La plupart sinon toutes sont rattachées à des pays étrangers allant de l'Arabie saoudite à la Turquie, y compris la Grande Mosquée de Paris attribuée autoritairement à l'Algérie, alors qu'elle a été construite en 1926 à l'initiative de Lyautey, et que la partie la plus active des pratiquants de l'islam est en France originaire du Maroc.
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