COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 6 JUIN 2002
FACE AU VENT RÉFORMATEUR DE BRUXELLES
Le barreur Raffarin tiendra-t-il la barre ?
Nous voici encore interpellés, ce 6 juin, par une première page du Figaro. L'article reproduit un entretien avec le Premier ministre M. Raffarin et phrase décisive devient un gros titre : "Je réformerai car je suis un homme libre."
Évidemment, de telles déclarations doivent être situées dans leur contexte. Nous sommes à 3 jours d'un scrutin. Les sondages tendent à prédire une victoire plutôt confortable pour la droite. Elle est créditée de 40 points contre 34. C'est un écart considérable. C'est aussi, ou ce serait, un score énorme, compte tenu de la dispersion des candidatures et du désordre des investitures. En même temps le chef du gouvernement est lui-même affecté d'un taux record, 64 % d'opinion favorables.
En Auvergne, terroir identitaire décisif depuis Vercingétorix, M. Raffarin lui-même Poitevin "mais" marié à une Auvergnate, a reçu de Giscard d'Estaing le label pompidolien le plus faltteur. Et on ne peut que rapprocher ces congratulations des excommunications majeures lancées par la camarade Voynet, pour qui Raffarin représente le programme le plus à droite depuis Pompidou. (1)
Tout cela sonne étrangement. Rêve des uns, cauchemar des autres. Il serait bon de remettre les choses à l'endroit afin de raison garder. Telle fut dans notre pays la devise royale, il y a bien longtemps, quelque 300 ans avant l'invention de l'État-nation.
Sans doute ! Sans doute ! M. Raffarin traîna ses guêtres du côté d'Idées Action. Ministre du Commerce, de l'Artisanat et des Entreprises, il y succéda en 1995 à Alain Madelin. En celui-ci on voyait le chef de file des réformateurs, et il fut nommé ministre éphémère des Finances d'un septennat annoncé pour libérateur. Demeuré au Commerce jusqu'en 1997, M. Raffarin produisit lui-même un texte de loi qui porte son nom. C'est une loi dirigée contre les grandes surfaces, une loi comme les aiment certaines chambres de commerce. Mais la réforme des institutions consulaires, aujourd'hui réclamée par les chambres elles-mêmes, attendra encore au moins la prochaine législature.
Or, depuis 20 ans une réforme simple et nécessaire de ces chambres se trouve inexplicablement bloquée. Il s'agirait de la démocratisation du mode de scrutin, qui supposerait, simplement, l'apposition de la signature du ministre du Commerce et de l'Artisanat et du ministre de l'industrie. Inexplicablement l'encre en est demeurée sèche.
L'énorme univers corporatif de ces 159 chambres remonte à Henri IV. Elles se trouvent réglementées par de poussiéreux textes de 1898. Elles gèrent de manière souvent opaque et monopoliste 3,8 milliards d'euros de budgets alimentés de prélèvements obligatoires, 26 000 salariés, 30 000 étudiants, 80 000 apprentis (c'est très peu mais c'est le système français), 380 000 stagiaires en formation, 121 aéroports, 180 ports de commerce, le tout sur la base de subventions archaïques.
Cette gestion ne doit pas grand-chose à la représentation démocratique. M. Raffarin Premier ministre réformera-t-il dans le bon sens, dans le sens de la transparence et de la responsabilité autonome, dans le sens du libre choix et du développement dynamique, ce que de 1995 à 1997 le gouvernement où il était ministre du Commerce a conservé dans le formol et le chloroforme ?
Ah comme on retrouve toujours avec émotion le fameux "Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru." (Jn 20, 29).
Ce que nous avons vu cette semaine c'est le très petit écho fait cette semaine par les médiats français à une décision salubre et pleine de sens prise par le conseil européen Écofin, c'est-à-dire par les 15 ministres de Finances de l'Union européenne le 4 juin à Luxembourg, sous la présidence de M. Rato. Salué le 5 juin à Bruxelles, par le commissaire néerlandais M. Bolkestein, cet accord ouvre enfin la voie en effet à une Directive européenne des Fonds de Retraite, ce que nous appelons ordinairement et un peu mystérieusement les Fonds de pension.
Cette réforme sera un pas décisif. Elle remonte dans son principe à l'époque où M. Monti, commissaire européen lançait, en Italie, alors gouvernée à gauche, la formule de grève générationnelle (2). C'était en 1998. Depuis lors, le commissaire Monti a changé d'affectation. Le paysage européen s'est transformé. La France a connu 4 ministres des Finances en 4 ans : M. Sauter a succédé à M. Strauss-Kahn, M. Fabius a succédé à M. Sauter et maintenant vient le tourde M. Francis Mer.
Mais on aimerait vraiment que l'esprit de réforme ne s'arrête pas à une improbable frontière franco-belge. On aimerait que le voilier France, aujourd'hui sponsorisé par la région Poitou-Charentes (il est des sponsors plus mauvais), prenne vraiment au sérieux ce vent salubre, que l'État français renonce à son jacobinisme et à son étatisme archaïque. Qu'il libère vraiment la France d'en bas. C'est la vraie question que nous posons aujourd'hui, sans ironie, puisqu'il est chef du gouvernement, puisqu'il fait figure de chef de file de la majorité et se veut un homme, au barreur du moment.
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...Accéder au Courrier précédent
(1) "Le projet de l'UMP est le plus à droite depuis Georges Pompidou Jean-Pierre Raffarin dirige un gouvernement de combat qui prépare un mélange douteux de retour en arrière et de fuite en avant et envisage de faire sauter les digues sociales qui résistent encore" (Voynet à Paris le 5 juin).
"Jean-Pierre Raffarin est un Pompidou poitevin" (Giscard à Clermont le 5 juin).
(2) cf. Notre courrier du 2.9.98 Mario Monti suggère une "Grève générationnelle".
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent