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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 7 JUIN 2002

SUR ATTAC ET SUR LA VRAIE NATURE DE LA NOUVELLE EXTRÊME GAUCHE

Une vraie menace pour les libertés

En préparation de l'émission de ce 7 juin sur Radio Courtoisie qui sera consacrée la nouvelle extrême gauche, je me suis intéressé au mouvement Attac et à son futur président M. Jacques Nikonoff.

Tout d'abord pourquoi se préoccuper spécialement du mouvement Attac ?

La première raison résulte de la simple observation quantitative des activités de toutes ces organisations et syndicats plus ou moins nouveaux apparus depuis 10 ans. Le mouvement Attac incorpore, dans son combat contre la mondialisation, à la fois les journalistes du Monde Diplomatique, la Confédération paysanne de José Bové et il inclut aussi bien la ligue communiste révolutionnaire de Krivine que l'aile encore active du parti communiste. Cela représente ainsi la force la plus massive de l'extrême gauche française.

Le lent déclin du parti communiste a commencé en France probablement dès 1976, époque où Marchais prend officiellement et définitivement les choses en main. Souterrainement alors ce n'est plus directement l'Union soviétique mais son satellite est-allemand qui coiffe ses activités. Au terme d'une lente et irréversible évolution le candidat du parti n'a recueilli sur son nom que 3,4 % des suffrages le 21 avril 2002.

Au milieu de l'année 2001 on pouvait évaluer assez exactement le nombre de militants du parti communiste en France : à peine 15 000. Cette estimation se fonde notamment sur le nombre des participants recensés au niveau des 92 fédérations du parti, lors des débats et des votes des cellules préparant le 31 Congrès qui devait se tenir en octobre. Seulement 11 173 militants, soit 76 % des participants votaient pour la ligne statutaire nouvelle, 2 391 soit 17 % votaient contre et il y avait 1 052 abstentions, nuls et refus de vote. La structure même de ce débat et son enjeu empêchent de penser qu'il puisse donc y avoir dans notre pays beaucoup plus de communistes actifs se préoccupant de l'avenir du parti. Or, celui-ci revendiquait encore, en 2001, 150 000 adhérents contre 204 000, en 1999.

La déperdition et le désintérêt s'expliquent par de nombreuses raisons. Nous ne saurions les déplorer. Mais, la chute de l'Union soviétique en 1991 remontant à plus de 10 ans, elle ne peut plus guère avoir eu d'influence directe sur le désencartement et la baisse de militantisme entre 1999 et 2001. On peut donc et on doit donc penser que le Vieux Parti est en décalage absolu par rapport à son vrai fond, qui est d'extrême gauche, et qui demeure sans aucune mesure avec la participation au gouvernement Jospin, où il s'est intégré en 1997 à une équipe manifestement réformiste. De ce fait, pour un militant d'extrême gauche, il est devenu, au fil des années, naturel de se reporter sur de nouveaux thèmes ignorés ou délaissés par l'appareil officiel bureaucratique nécrosé.

C'est ce qui explique à l'évidence le ralliement au thème et à la lutte contre ce que la nouvelle extrême gauche appelle la mondialisation libérale. Ce fourre-tout incorpore le refus de déréglementer les services publics étatisés, l'opposition aux privatisations, la défense, coûte que coûte, des illusoires acquis sociaux, le procès des entreprises dites multinationales, la défense du système des retraites dites par répartition imposées en France à partir de la Charte du Travail de 1941, la dénonciation de ce que l'on appelle, curieusement mais systématiquement, les licenciements boursiers (1), la diabolisation des fonds de pension qui sont présentés comme la synthèse des malédictions ci-dessus inhérentes au système capitaliste actuel. Dans les colonnes de l'Humanité cette lutte "contre" est présentée comme un combat "pour" une autre mondialisation (car, comme chacun le sait, "un autre monde est possible"). La novlangue a même forgé un mot : c'est l'alter-mondialisation

C'est là qu'intervient la montée en puissance du mouvement Attac. Celui-ci compte environ 25 000 militants, chiffre à comparer avec l'évaluation que nous donnons des militants communistes qui seraient encore 15 000. Dans un cas comme dans l'autre, le potentiel de sympathisants est évidemment beaucoup plus élevé.

Attac a l'avantage de réconcilier à la base les diverses formes de trotskisme et les anciens de l'appareil stalinien. Après avoir très longuement critiqué le prétendu projet de taxe Tobin (2), la secte Lutte Ouvrière vient de donner un signal de ralliement partiel au mouvement Attac. Cela s'est traduit le 30 mai par la participation de LO à la réunion d'Attac au Gymnase Japy à Paris, en compagnie du parti communiste, des verts, des chevénementistes, de la ligue communiste révolutionnaire et des alternatifs : voilà la réalité de la nouvelle extrême gauche.

Il ne faudrait absolument pas croire qu'Attac serait un simple mouvement de réforme économique, attaché, comme le laisse entendre la presse, à une simple petite utopie fiscale anodine de taxation de certaines transactions financières.

L'ineptie du projet lui-même doit évidemment interpeller l'opinion éclairée. Qui fixerait le taux, l'assiette, le mode de recouvrement de ce modeste impôt ? Qui en redistribuerait le produit ? Qui en débattrait ? Le Conseil de sécurité des Nations Unies ? Le Fonds monétaire international ? Les objections s'ajoutent aux objections !

Mais au-delà de l'attrape-nigaud fiscaliste, nullement innocent, on doit s'interroger sur ceux qui s'en servent. Le mouvement Attac a été créé par un collectif de structures incertaines comme la rédaction du Monde Diplomatique, assurant la présidence en la personne de Bernard Cassen.

Or, Cassen, le 21 mai, prenant un peu de court une partie de son bureau, a annoncé officiellement qu'il allait abandonner la présidence du mouvement et la céder à Jacques Nikonoff. Ce personnage est inconnu du grand public. Et la nouvelle, de l'aveu même du Monde (23 mai) a laissé abasourdis certains dirigeants comme l'actuel secrétaire général Pierre Tartakowsky ou Christian Aguitton.

Qui donc est ce M. Jacques Nikonoff se présentant comme économiste.

En 1998, L'Humanité le décrivait seulement comme un ancien élève de l'Ena d'origine ouvrière, et administrateur civil à la Caisse des dépôts, n'ayant apparemment aucune formation d'économiste. En 1993, il fondait le mouvement Un Emploi pour chacun, l'un de ces nombreux mouvements de défense des chômeurs animés par des fonctionnaires. En 1999 L'Humanité le présente comme économiste, qualité qui devient officiellement la sienne par exemple lorsqu'il débat très courtoisement, pour ne pas dire complaisamment, avec Guy Sorman dans le mensuel communiste Regards en 2001, et lorsqu'il intervient le 13 septembre 2001 comme rapporteur au Conseil national du parti communiste français. C'est aussi en cette qualité qu'il apparaît aussi comme membre du Conseil scientifique d'Attac et fait le procès des fonds de pension.

Le 11 avril nous avons eu l'agréable et instructif loisir de l'écouter intervenant dans le cadre des Rencontres de l'Économie organisées, au Sénat, par Enjeux Les Échos. Le débat portait sur l'Entreprise face aux nouvelles contestations du capitalisme. On était bien au cœur du sujet. Intervenaient des gens de tous horizons, la plupart remarquables avec notamment, parmi les modérateurs, le toujours très intéressant chroniqueur des Échos, M. Nicolas Baverez, ainsi qu'un véritable économiste, M. Marc de Scitivaux (3). Parmi les intervenants on remarquait ainsi M. Francis Mer (4).

Face aux défenseurs de l'entreprise (5) le camarade Nikonoff s'est montré nettement plus virulent que l'économiste représentant la CGT, M. Le Duigou.

Nikonoff a dressé un véritable réquisitoire en 14 points contre les entreprises, leur reprochant pèle mêle d'être responsables de toutes sortes de méfaits (6), de caresser l'épargnant dans le sens du poil et d'être à l'origine d'une fausse création de valeurs.

Ce dernier point, d'origine philosophique obscure, est au fond le leitmotiv des théories de M. Nikonoff. Ses écrits dans l'Humanité, ses divagations sur le thème suffisamment dramatique en lui-même du chômage, son livre sur les fonds de Pension, son rapport au conseil national du PCF en 2001 (sur le thème "Libérer le Travail, supprimer la précarité et le chômage"), et même les polémiques internes au sein du parti ne laissent aucun doute sur ses véritables idées. Nous sommes en présence d'un refondateur du communisme.

Le communisme a été à partir de 1883 une foi nouvelle, un bloc historique nouveau fondé sur l'économie politique de Karl Marx. Le système s'est effondré en 1991 à Moscou. En France, dès le rapport de Francette Lazard préparant le 28 congrès tenu en 1994, L'Humanité pouvait écrire : "Le PCF ne se définit plus a priori par son rapport à la classe ouvrière ou à la théorie marxiste"(7).

À quoi font alors désormais référence les militants de la nouvelle extrême gauche et du mouvement Attac, les thèmes de l'anti-économisme (8) et de l'anti-mondialisation de M. Nikonoff, lui-même représentant du groupe dit des Refondateurs du parti communiste (9) ?

Tous ces gens continuent sans doute la très vieille utopie étatiste. Ils assument aussi doute l'héritage philosophique prémarxiste d'un Hegel et de surtout d'un Fichte. Mais, avant tout, beaucoup plus vulgairement et partout, la lutte implacable contre toutes les libertés.

C'est cela l'essence de la nouvelle extrême gauche.

• JG Malliarakis •

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(1) Ainsi dénommés par la démagogie d'extrême gauche, laquelle confond impunément la cause et l'effet. La décision en général douloureuse de fermer un site de production non rentable est saluée comme positive par les marchés financiers qui avaient enregistré auparavant le plombage des comptes de la société considérée, obérée avant cette décision par les pertes du site.

(2) Ce projet n'a rien à voir avec les propositions avancées par l'économiste américain Tobin en 1972.

(3) Directeur des Cahiers Verts de l'Économie. Nous avons noté ce jour-là, d'ailleurs, que M. Marc de Scitivaux dont toute personne sensée et informée apprécie toujours l'imperturbable et churchillienne qualité modératrice, s'est montré admirablement modéré dans sa modération face à la sottise inouïe et l'outrance des propos accusateurs et conspirationnistes de M. Nikonoff et de son compère de Greenpeace M. Rebelle.

(4) Dont la future promotion au titre de ministre des Finances n'était pas annoncée. Il intervenait comme président du conseil d'administration du groupe sidérurgique Arcelor.

(5) C'est-à-dire aussi bien M. Francis Mer que le représentant du groupe Galeries Lafayette M. Houzé, celui de Suez M. Mestrallet ou le président du directoire de Pinault-Printemps-Redoute M. Weinberg, mais aussi le secrétaire national de la CFDT M. Troglic. À déplorer comme souvent, cependant, que le point de vue des petites et moyennes entreprises et des entrepreneurs individuels ne semble intéresser personne.

(6) Il a oublié par pure étourderie le naufrage du Titanic : et pourtant, la White Star était bien une entreprise.

(7) L'Humanité du 29 septembre 1993.

(8) Si l'on admet, et Marx l'admettait, que le père de l'économie politique contemporaine est Adam Smith, il est assez légitime, et il n'est pas polémique, de qualifier d'anti-économisme toute doctrine prétendant dénoncer et combattre les  "fausses valeurs marchandes ".

(9) Aux côtés notamment de Braouzec (de Saint-Denis), de Martelli, de Castro, de Deschamps, de Zarka, etc.

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