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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 10 JUIN 2002

VICTOIRE DU GOUVERNEMENT MAIS…

…Avec 35 % d'abstentions la crise de la représentation s'aggrave en France.

En moins de 2 mois, le score imprévu du 21 avril, premier tour du scrutin présidentiel, a évolué, après quelques secousses émotionnelles, vers la projection de l'Assemblée donnée au soir du 9 juin, comme résultat prévisible des élections législatives…

Si cette projection se réalise, si la droite obtient environ 400 sièges sur 577, on sera passé d'un score présidentiel de 19 %, le plus bas depuis 1958, à une majorité gouvernementale sinon la plus large depuis 1815, du moins la plus solide depuis très longtemps. La popularité du gouvernement Raffarin, 64 % dit-on, confortée par un mois de présence de M. Sarkozy au ministère de l'Intérieur, n'a d'égale dans les annales récentes que l'impopularité acquise par le Premier ministre Juppé entre 1994 et 1997.

Mais toutes ces observations relèvent de l'ordre purement politique et conjoncturel.

Structurellement, institutionnellement, sourdement, il apparaît au contraire que la crise non seulement demeure mais s'aggrave. Cette crise se retrouve dans le taux record des abstentions : 35 % contre 28 % pour le 1er tour du scrutin présidentiel.

Du point de vue de l'observation pure de la technique de gouvernement, ou de l'art du judo, on pourra admirer la prouesse et le métier des judokas qui ont transformé la déroute du 21 avril en victoire non moins spectaculaire.

Du côté, au contraire, des oppositions systématiques, celles de la gauche socialiste, celles de la droite nationaliste et de quelques autres, on entendra des protestations. Elles pourront être tenues pour criailleries insignifiantes puisqu'elles sont le lot habituel des battus. Tel parti ayant exercé le pouvoir sans partage pendant 5 ans se voit renvoyé à ses chères études : il pourra bien laisser son chef groggy ânonner un discours automatique, comme l'a fait M. Hollande au soir du scrutin. Tel autre, ayant perdu 7 points en 7 semaines, peut assurément accuser ses adversaires de les lui avoir volés. Ils ne seront ni écoutés ni entendus.

Restera cependant un problème entier : celui de la représentation du peuple. C'est, par définition, un problème fondamental dès lors qu'on se situe dans une démocratie représentative. On ne peut pas le négliger.

Une certaine gauche persistera à poser ce problème en terme de classe ouvrière. D'autres pourront aussi ironiser en brodant sur le fait qu'un peuple comptant autant de fonctionnaires en arrive quand même à voter à droite. Libération (8 juin) publiait également un dossier déplorant la petite place faite aux candidats issus de l'immigration. On reparlera, pourquoi pas, de la prétendue parité (1). Enfin, les Échos (4 juin) recensaient que, sur quelque 8 400 candidats, 300 représentaient le monde de l'entreprise. Très peu siégeront, de toutes manières…

Non l'Assemblée ne sera qu'une émanation lointaine de l'opinion populaire et de la vie nationale.

On doit espérer que la classe politique n'oubliera pas la gifle méritée reçue le 21 avril et qu'elle en retiendra la leçon.

Ce n'est absolument pas assuré.

Le discours du Premier ministre était, certes, habile dans le registre de la modestie. Restera, à l'action du gouvernement et au travail de la majorité parlementaire si confortable qu'on nous laisse présager, de se couler effectivement dans les principes si agréablement affirmés le 9 juin par le chef victorieux de cette nouvelle majorité.

On aimerait être certain que la voix de la France d'en-bas sera encore audible après le 16 juin. Il faudra sans relâche la faire entendre puisque M. Raffarin nous a assuré que lui, chef du gouvernement, tiendrait les promesses, toutes les promesses a-t-il dit, de la campagne électorale du chef de l'État.

• JG Malliarakis •

(1) Au titre de la parité et de l'immigration, certains remarqueront aussi, 40 ans après les circonstances tragiques de l'époque où Mlle Sid-Cara cessa d'être un ministre de la République " une et indivisible de Dunkerque à Tamanrasset ", que c'est la droite, la gauche n'y ayant pas songé, qui a fait de la fille d'un ouvrier algérien (citoyen français depuis 1945) un ministre français.

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