COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 18 JUIN 2002
LE POIDS DES COMPTES SOCIAUX DANS LE DÉSASTRE DES FINANCES PUBLIQUES FRANÇAISES
Il faudra renoncer à la logique étatiste du plan Juppé ou bien s'écarter gravement des promesses électorales de la majorité et des engagements européens de la France.
Quand on regarde furtivement les problèmes qu'un journal économique aussi sérieux que Les Échos (17 juin) présente pour essentiels à résoudre pour le gouvernement Raffarin (1) on voit de bien jolis graphiques : évolutions du chômage, du solde budgétaire de l'État, des prélèvements obligatoires. Toutes ces statistiques émanent directement de l'administration. Elles sont exprimées en % de la population active, en milliards d'euros ou en % du produit intérieur brut. Et tout cela donne une impression presque rassurante.
Ainsi le déficit budgétaire serait passé de 49 milliards d'euros en 1995 à 30 milliards en 2002, avec un taux de prélèvements seulement en " hausse légère " passant de 43,7 à 44,9, après une pointe à 45,6 en 1999. Ces chiffres sont bien consolants. Entre 1996, la grande année du gouvernement Juppé, et 2002, fin sans gloire du gouvernement Jospin, la statistique qui sera tenue pour essentielle sera celle du chômage. Et comme le chômage est en recul global de plus de 3 points, passant de 12,5 à 9,1, tout le monde peut se dire satisfait.
Nous pourrions nous contenter aussi d'attendre bien sagement le 30 juin, puisque ce sera la date ultime de remise de cet audit des finances publiques, effectué par deux magistrats de la Cour des Comptes au-dessus de tout soupçon, MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse.
Et curieusement, cependant, on se réunit dès le 19 juin pour examiner la crise financière de l'assurance chômage. En effet, un déficit de l'ordre de 3 milliards d'euros va contraindre les partenaires sociaux à remettre en cause leur accord sur la réforme de l'Unedic applicable depuis le 1er janvier 2001.
La baisse des cotisations salariales qui était prévue au 1er juillet ne pourra même pas intervenir : mais pourtant cela ne renflouera les caisses qu'à hauteur de 0,3 milliard. Le gouvernement français sera donc confronté à un choix bien connu dans lequel il sera, à son tour, bien obligé de trancher : ou bien la hausse des cotisations ou bien la baisse des indemnisations.
Ce choix est d'autant plus lamentable que de nombreux métiers connaissent actuellement en France pénuries de main d'uvre, au point qu'on estime à 58 % le nombre des entreprises qui souhaiteraient embaucher mais ne le peuvent pas faute de personnel qualifié.
Les vrais problèmes du chômage résultent plus de l'hyper réglementation française : aussi bien des 35 heures que des charges sociales, ou du mélange de refus idéologique et d'incompétence de l'Éducation nationale monopolistique s'agissant de préparer les jeunes Français à l'employabilité en entreprise ou à la création d'initiatives individuelles.
De tels problèmes ne seront résolus ni par la hausse du Smic de 2,2 %, ni par les entretiens de M. Fillon avec la CFTC ou la CGC, mais par un long travail de reprise en profondeur, et d'allégement de cette hyper réglementation.
L'urgence de certains choix va faire apparaître que c'est la dérive des comptes sociaux qui explique le désastre lancinant des finances publiques françaises, problème qui va se débattre de plus en plus au niveau européen.
En particulier, ce n'est pas le simple solde de ces comptes qui obère l'assainissement général et en caractérise le désastre. On va passer, sur de simples dépassements des dépenses maladie et une stagnation de recettes, d'une réalisation de = 0,2 à un résultat de 0,4 ou de 0,5 (3). Cet écart de 0,6 s'ajoutera à la prévision d'un déficit budgétaire de l'État français à 2,6, prévision qui n'est nullement une calomnie des méchants étrangers comme on cherche à la faire croire aux Français mais qui provient de source française officieuse. 2,6 + 0,6 = 3,2. Cela place les déficits publics français d'ensemble au-dessus des simples critères de convergence fixés à Maastricht en 1991. Ne parlons même pas du pacte de stabilité signé à Amsterdam en 1997 et de la volonté des Européens de supprimer les déficits publics à l'horizon 2004.
Ce qui plombe les comptes sociaux tient D'ABORD à la masse énorme de cette prétendue loi de financement de la sécurité sociale (4) masse ingouvernable, mais que la réforme constitutionnelle de février 1996, faisant suite au plan Juppé de novembre 1995 a confié à la responsabilité d'un État dont le budget propre, pourtant fort lourd, demeure inférieur en volume à celui de la sécurité sociale (5).
Il faudra donc, très rapidement hélas, ou bien renoncer à la logique étatiste du plan Juppé ou bien s'écarter gravement des promesses électorales de la majorité et des engagements européens de la France.
(1) Ce cabinet a été, après 40 jours d'action virtuelle, légèrement retouché et élargi à 38 ministres, dont plusieurs authentiques Européens.
(2) Non pas depuis le retournement de conjoncture de l'automne 2000, mais peut-être depuis 20 ans que le Budget de l'État supporte, de manière de plus en plus contraignante, les pertes sociales.
(3) Solde exprimé artificiellement en % du produit intérieur brut.
(4) Loi dont le principe a été inventé en 1995-1996 par MM. Juppé et Barrot.
(5) Tout en étant lui aussi tributaire de dépenses sociales caractérisées par les engagements directs de l'État résultant des régimes de retraite de la fonction publique.
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