COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 19 JUIN 2002
POUR QUE L'EUROPE SE FASSE DANS LE CIEL
les Européens devront défendre sur terre l'Europe des libertés.
La grève spectaculaire, et finalement scandaleuse selon nous, des aiguilleurs du ciel français, grecs et italiens, souligne un certain nombre de caractéristiques d'une situation qui s'impose à l'Europe en général, et à la France en particulier.
Tout d'abord on doit bien se persuader, si archaïque soit-elle, que l'idéologie post-marxiste est loin d'avoir perdu sa volonté de nuisance et sa capacité de paralysie, qui persistent l'une comme l'autre à tenter de freiner la marche en avant de nos sociétés.
En aucun cas on ne doit accepter que ce mouvement soit présenté pour social.
Les arguments même invoqués en faveur de cette grève sont totalement de mauvaise foi et entachés d'idéologie.
D'une part, on entend les gens de la CGT, osant parler de sécurité, agiter les faire-peur habituels. Leur rhétorique est évidemment dérisoire et contradictoire. Mais elle se raccroche à des campagnes bien connues, notamment celle qui se développe autour du délabrement des chemins de fer britanniques, dont sont mises en exergue les difficultés en prétendant qu'elles découlent de leur privatisation (1). En revanche quand un train belge d'État ou un train indien d'État déraille, personne n'ose mettre en cause le facteur collectiviste. De même lorsqu'un ascenseur de HLM, à Amiens ou à Strasbourg, se révèle dangereux, personne n'ose jamais critiquer ni la Loi Loucheur de 1928 (2), ni la Caisse des Dépôts et consignations ni le promoteur public. Ces institutions sont pourtant sérieusement impliquées dans les désastres de l'urbanisme social français.
L'image d'une insécurité qui serait liée aux privatisations demeure un cliché répétitif agité par l'idéologie et la propagande cégétistes.
Or, s'agissant du ciel européen, le mensonge devrait être pénalisé, car il se trouve pris la main dans le sac. À l'évidence, on doit considérer qu'un vol Dublin-Tarbes, Francfort-Héraklion, ou Manchester-Florence gagnera en sécurité et en régularité du fait du ciel unique. Et, au contraire, c'est l'appropriation fractionnée du ciel européen par des bureaucraties qui constitue un archaïsme de plus en plus dangereux. Le public a là une occasion évidente de mesurer le taux du bourrage de crâne cégétiste et attaqueux (3).
Les attaqueux, d'autre part, osent employer des termes comme privatisation du ciel, s'agissant de l'européanisation de l'espace aérien européen, et stigmatiser ce qu'ils désignent sous le nom de logiques marchandes. Ce dernier adjectif est bien significatif des phobies ridicules et rétrogrades des attaqueux. Et il nous semble vraiment dommage qu'une certaine droite bien intentionnée se laisse piégée par de tels concepts.
L'Europe institutionnelle, enfin, se voit ici confronté à une autre épreuve de vérité. On attribue l'européanisation du ciel européen à une technocratie bruxelloise, on la personnalise autour de la Commissaire européenne espagnole Mme de Palacio, on se focalise sur le concept de Directive. On ne veut toujours pas passer au stade supérieur de la norme juridique européenne, c'est-à-dire à des décisions européennes qui soient enfin votées clairement par le parlement européen de Strasbourg, après des débats honnêtement médiatisés. De telles décisions existent mais elles n'avancent que dans l'obscurité, car nos médiats hexagonaux refusent de prendre en compte et de révéler aux Français (4) le fait que le parlement de Paris ne décide plus que de 40 % environ de la législation applicable en France.
Si on observe tant soit peu les résultats des élections on remarque, pourtant, l'effondrement global de ce qu'on appelle le souverainisme dans l'opinion française. Les stratèges du souverainisme, dans l'état major des divers partis qui s'en sont prévalu, ont confondu le rejet de la classe politique et le malaise du système, avec les discours des adversaires de Maastricht et de la construction européenne.
Apparemment les Français ont été mieux informés sur ce point que leurs élites dirigeantes technocratiques et que ceux qui parlent dans les médiats.
Sans revenir sur les polémiques (très hypocrites) qui se sont développées entre le 21 avril et le 5 mai, on remarquera simplement, au hasard, que le chevénementisme s'est effondré, que le RPF s'est volatilisé et que le parti communiste n'existe plus que comme satellite du parti socialiste. Voilà où en sont les adversaires de l'idée européenne dans l'opinion française. Du référendum sur Maastricht de 1992 aux élections de 2002, les antieuropéens sont passés de 49 % à 29 %. Alors même que le vote protestataire progressait ils perdaient 20 points en 10 ans.
Il faudra bien en tirer les conclusions qui s'imposent pour l'avenir et comprendre que désormais lutter pour les libertés c'est lutter pour l'Europe des libertés.
(1) En réalité, les British Railways étaient déjà un tas de ferraille lorsque le gouvernement les a revendus au secteur privé en persistant à leur imposer des obligations de service public.
(2) Sur le contexte de laquelle il faut consulter Beau de Loménie "Les Responsabilités des Dynasties Bourgeoises" tome IV "Du Cartel à Hitler".
(3) Nous profitons de la circonstance pour saluer la création langagière du mot attaqueux par M. Hervé Duray, chroniqueur au Québécois Libre, auquel nous sommes redevables de l'introduction dans la langue française de ce mot aussi nouveau et aussi heureux que l'objet qu'il désigne est fâcheux.
(4) En commençant, peut-être, par en informer les journalistes français.
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant