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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 20 JUIN 2002

POUR LES TROTSKISTES À LA BOVÉ LA RÉPUBLIQUE A TOUJOURS ÉTÉ VRAIMENT BONNE FILLE

José Bové membre fondateur du Mouvement Attac.

Dès l'étrange mois d'août 1999, qui vit l'apparition du phénomène Bové sur la scène médiatique, nous avions souligné à l'avance l'instrumentalisation de la Confédération paysanne par le ministre de l'Agriculture de l'époque M. Glavany.

Quels que soient en effet les torts et les erreurs de la galaxie FNSEA, c'est encore elle qui représente le plus de monde dans les quelque 25 professions et les 22 régions agricoles françaises.

Si on souhaite, et cela est légitime, diversifier le débat, la gauchiste Confédération paysanne ne représente guère plus que les opposants de droite qui furent autrefois à la Fédération française de l'Agriculture, puis, avec les années 1990, à la Coordination Rurale. Les dernières élections en Chambres d'Agriculture ont même vu la Confédération paysanne, malgré tout le battage médiatique fait autour des exploits de M. Bové, reculer et perdre les quelques implantations départementales qu'elle détenait dans l'ouest, et ceci, en dépit de son alliance avec les communistes du Modef.

Mouvement éminemment médiatique, le gauchisme agricole était l'allié du gouvernement socialiste depuis que Mme Cresson (1) eut cru bon de signer en sa faveur un décret de représentativité. Son séjour de 22 mois à ce ministère, traditionnellement si masculin, fut en effet caractérisé par une opposition constante avec la FNSEA. Et c'est uniquement pour contrer cette dernière qu'on alla inventer arbitrairement une structure d'inspiration et d'implantation gauchistes.

Cette Confédération paysanne était à bout de souffle en 1999 quand M. Glavany se heurta, au printemps, aux gens de la FNSEA sur la question apparemment technique de la modulation des aides agricoles européennes. Les syndicats d'exploitants français affiliés à la FNSEA souhaitent que les aides compensent tout simplement les pertes de revenus liés à la conjoncture et à la concurrence. Alors, évidemment, la gauche soutient que ces compensations profitent aux titulaires de gros revenus (2). Et de dénoncer classiquement les méchants du film, les fameux gros céréaliers du Nord de la Loire (3). Ce type de raisonnement, très couramment diffusé ne tient évidemment pas compte ce que c'est, pour un producteur d'assister à une baisse de ses prix de vente de 120 F à 60 F le quintal, dès lors qu'il ne dispose d'aucune liberté de gestion sur ses propres charges : cela représente beaucoup plus encore qu'une diminution de revenu net de 50 % qui serait imposée à un salarié dont le loyer ou l'endettement demeurerait inchangé…

Nos Marie-Chantal socialistes se prenant pour Marie Shelley ont donc inventé un Frankenstein agrarien, dont la représentativité administrative était un fait acquis sur le papier depuis 1982, mais dont l'implantation réelle se limitait alors au Finistère aux Cotes d'Armor et aux Dom-Tom.

Par la provocation de Millau, par un embastillage essentiellement théâtral, par des procès montés en mayonnaise, on a fait croire que les (4) paysans du Larzac étaient de retour comme aux beaux étés des soixante-huitards. Cela fut très efficace auprès des babas cool nostalgiques de 1968, beaucoup moins auprès des paysans. Mais qu'importe le peuple réel du moment que l'on peut parler au nom des travailleurs virtuels !

Aujourd'hui on gère les retombées de jugements délibérés et notifiés avant les élections. 3 mois théoriques de prison entre les remises de peine les beaux jours d'une préventive glorieuse et l'inévitable amnistie présidentielle, cela fera moins ne pratique dans la Bastille de Villeneuve-les-Maguelonne (5).
Gageons qu'on ne pleurera pas l'incarcération de ce pseudo chevalier des temps modernes trop longtemps au-delà du bal du 14 juillet.

Pour les trotskistes à la Bové, la république a toujours été vraiment bonne fille.

JG Malliarakis

(1) Ministre de l'Agriculture dans le gouvernement socialo-communiste Mauroy de 1981 à 1983.

(2) On retrouve ici la dialectique selon laquelle les baisses d'impôts profitent à ceux qui payent des impôts.

(3) Nous nous souvenons ainsi d'une réjouissante émission de télévision du service public où on accusa M. Laigneau président de la Coordination Rurale, et modeste éleveur gersois, de représenter les gros céréaliers de son département, où les emblavures sont pourtant peu nombreuses, et d'assez petite taille.

(4) Voilà un pluriel que je trouve toujours singulier.

(5) Beaucoup moins longtemps en pratique que pour le malheureux Christian Poucet.