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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 25 JUIN 2002

LE CHOC DE DEUX DROITES

Il s'agit de savoir si oui ou non le nouveau pouvoir entend redonner au parlement sa fonction constitutionnelle.

Au moment d'élire le président de l'Assemblée nationale, qui reviendra naturellement à un membre du plus important groupe parlementaire, celui de l'UMP, les 399 députés de droite se partagent entre deux candidats. Il y a M. Édouard Balladur, d'une part, M. Jean-Louis Debré, d'autre part. Manifestement tout les sépare. C'est le choc de droites.

On remarque d'ailleurs que l'un des candidats (M. Debré) s'adresse au groupe UMP et à lui seul, s'appuyant sur une partie du groupe représentative des anciens du RPR et que l'autre (M. Balladur) s'adresse conformément à l'esprit de la Constitution, à l'ensemble de l'assemblée.

Cette rivalité n'est pas seulement une " bataille du perchoir " comme l'écrit Le Figaro (24 juin) lequel semble à peine regretter qu'elle " s'envenime " Il ne s'agit pas seulement de savoir qui sera le 4 personnage de l'État, qui disposera des moyens matériels considérables alloués à l'Hôtel de Lassay, et pas seulement de leur frais de représentation.

Il s'agit de savoir si oui ou non le nouveau pouvoir entend redonner au parlement sa fonction constitutionnelle. Certains pourraient s'étonner en France, plus de 130 ans après la fin désastreuse du Second Empire, plus d'un siècle après le suicide du brave général Boulanger sur la tombe de sa maîtresse, nous en sommes encore à une opposition radicale, permanente, quoique feutrée entre les héritiers du bonapartisme et les continuateurs de l'orléanisme.

En fait nous n'en sommes jamais sortis !

M. Debré Jean-Louis représente comme son père, généralement considéré comme le père de la 5 république, la caricature du bonapartisme français. N'oublions pas cependant que Michel Debré n'a pas rédigé seule la constitution de 1958, dont le texte même et les dispositions essentielles doivent beaucoup plus sur le plan juridique à René Capitant, juriste beaucoup plus obsédé par la constitution allemande de Weimar que par la pratique autoritaire des deux Bonaparte. Certes M. Michel Debré Premier ministre (1959-1962) aimait à se faire saluer par la Marche consulaire de Marengo, mais René Capitant théorisait lui-même son texte comme une variante du parlementarisme.

Techniquement donc, il existe dans les mécanismes juridiques de la 5 république une potentialité permanente d'évolution qui pourrait conduire à un mode gouvernement plus respectueux de la séparation des pouvoirs, plus attentif aux droits de la représentation nationale, plus soigneux s'agissant de la qualité du travail législatif.

Cette évolution serait nécessaire ; sans être lui-même un surhomme ni une réincarnation de Solon, M. Édouard Balladur représente conceptuellement une virtualité d'espoir relatif d'une démarche de nature à rapprocher la France du statut de démocratie (2). Son rival Debré au contraire représente la certitude inverse, seulement tempérée par sa médiocrité personnelle, habituelle s'agissant du personnel bonapartiste auquel on peut faire confiance sur un point : il passera plus de temps à sabrer le champagne qu'à faire son travail. Ce sera la résistance d'opérette sur le mode du film Casablanca.

Il serait cependant dommage que ce danseur de tango occupe un siège que certes MM. Emmanuelli ou Forni n'ont pas rehaussé, mais qui a dans les 40 dernières années été le plus souvent occupé par des gens plus subtils, à droite comme gauche.

À vrai dire hélas le fait même que l'UMP a laissé un Debré briguer cette présidence augure mal, avant même l'ouverture de la session parlementaire, de la qualité du travail législatif, et donc de l'éventualité des Réformes qui pourront être opérées dans les 5 prochaines années.

JG Malliarakis

 

(1) Il s'agit évidemment de l'une des évolutions possibles. L'autre ressemble fort à cet ersatz de fascisme technocratique mou auquel les godillots du pouvoir nous ont habitués depuis près d'un demi-siècle.

(2) À noter aussi que cette virtualité, ou cette velléité, de tradition orléaniste, s'insère dans une démarche de Réforme et d'évolution en profondeur de notre pays, dont nous soutenons qu'elle est nécessaire. Nous avons pu juger, certes, trop lent le réformisme du gouvernement Balladur (1993-1995), mais après l'élection de dupe de 1995, la France est passée de la réforme lente à l'absence de réformes, au point que le gouvernement Juppé (1995-1997) avait réussi l'exploit de nous faire regretter Balladur.

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