COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 2 JUILLET 2002
MESSIER C'EST LE CONTRAIRE DE LA LIBRE ENTREPRISE
C'est précisément l'étatisme qui porte la responsabilité majeure des habitudes pourries.
Pendant toute la journée de ce lundi 1er juillet les médiats français annonçaient le départ imminent de M. Messier, monstrueux et calamiteux président de Vivendi-Universal. La chose était présentée pour un fait acquis. Cependant, le 2 juillet à 0 heure 04 la dernière dépêche de l'AFP reportait l'assaut final à un conseil d'administration fixé au 3 juillet.
C'est un entretien publié par le Figaro (2 juillet) qui donne le dernier mot : "J'ai décidé de remettre mon mandat à la disposition du conseil d'administration cette semaine malgré le soutien que m'a apporté ce conseil il y a huit jours".
Il aura donc fallu 6 ans pour qu'on réalise en France que ce prédateur mégalomane, n'avait rien d'un entrepreneur.
En 1996, pur produit des cabinets ministériels (1), il prenait le contrôle d'un groupe parfaitement représentatif du système monopolistique français, la respectable Compagnie Générale des Eaux. De structure capitalistique complexe, ce groupe, rebaptisé Vivendi puis scindé en deux composantes, lui servit de marche pied pour créer artificiellement le conglomérat médiatique Vivendi-Universal. Ce dernier est, par définition, beaucoup plus mouvant et plus incertain que la Générale des Eaux puisqu'il contrôle à la fois Canal +, et le Paris-Saint-Germain, les disques et les studios hollywoodiens Universal. Dans ce dernier domaine, cinématographique, le capitalisme monopolistique à la française s'était déjà singulièrement, et coûteusement, planté, et ridiculisé, lors du rachat de la Metro-Goldwyn-Mayer financé par le Crédit Lyonnais.
L'échec était à peu près assuré, M. Messier ne connaissant strictement rien aux divers métiers, financièrement à haut risque, de la télévision, du sport, du spectacle, de l'édition et du cinéma.
Inéluctablement sa boulimie d'acquisitions menait Vivendi-Universal au désastre que les marchés financiers ont sanctionné ces dernières semaines. Il paraît certes maintenant que les philanthropes de Seagram, l'honorable famille Bronfman, détentrice minoritaire de 6 % du capital de Vivendi-Universal trouve désormais intéressant de racheter des actions dévaluées de plus 60 %.
Et c'est là que recommencent les étonnants réflexes pervers du capitalisme monopolistique à la française.
Dans Libération (1er juillet) toute la problématique était de savoir qui est de nature à mieux défier les très méchants Nord-Américains Bronfman. Ceux-ci sont suspectés de vouloir revendre en pièces détachées le conglomérat naturel français Vivendi-Universal et ceci à d'autres méchants étrangers. Messier d'un côté, les amis du pouvoir actuel de l'autre, Jacques Friedman en tête, tirent chacun de leur côté le drapeau tricolore, comme si la marque Vivendi-Universal avait été déposée par Saint Louis.
Notoirement, en effet, les plus gros représentants du système monopolistique français, siégeant au conseil d'administration du groupe, ont fait pression, notamment depuis la réunion du 25 juin (2) à l'issue de laquelle cependant il annonçait envisager de continuer à diriger le groupe pour encore 15 ans. Il nous semble d'ailleurs assez significatif de remarquer que les gens notoirement les plus opposés à Messier sont précisément, au sein des administrateurs français, les représentants des sociétés (relativement) les moins monopolistiques : MM. Bébéar, (Axa) Espalioux (Accor) Lachmann (Schneider). Le 29 juin M. Lachmann, accompagné cette fois de l'élyséen Jacques Friedman, se serait rendu auprès de Messier pour lui demander de démissionner.
Au bout du compte, et sous couvert de raisonnements patriotiques ("S'ils veulent une stratégie à l'américaine, je ne les laisserai pas faire..."), M. Messier semble surtout se préoccuper des conditions de son éviction, de son impunité et de l'indemnisation de ses bons et loyaux services. Ceux-ci ont pourtant conduit le groupe à un endettement de 19 milliards d'euros, à une solvabilité désormais problématique et à des pertes de 13 milliards d'euros pour l'exercice 2001. On le savait depuis longtemps et cependant l'assemblée générale l'avait reconduit, et confortablement reconduit, dans ses énormes prébendes.
Ou bien le capitalisme monopolistique français renonce à ses pratiques liées à l'étatisme, à ses jeux de chaises musicales, à ses complaisances, ou bien il sera durement sanctionné par les marchés financiers.
Hélas une telle sanction ne se fera pas tant au détriment de ruineux énarques et de quelques pillards qui l'accaparent, et que l'on retrouve dans tous les conseils d'administrations. La sanction la plus dure se fera d'abord au détriment de tous les Français, au détriment des salariés français licenciés, au détriment des épargnants français ruinés, au détriment des banques françaises asphyxiées, au détriment des sous-traitants français liquidés, et finalement elle s'opérera au seul profit d'un étatisme requinqué !
C'est alors un cercle vicieux puisque c'est précisément cet étatisme qui porte la responsabilité majeure des habitudes pourries. Vivendi en France, Enron aux États-Unis, c'est, de ce point de vue, la même chose, c'est l'économie mixte.
C'est le contraire de la Libre entreprise.
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(1) Ancien élève de l'Ena, aujourd'hui âgé de 46 ans, il avait été l'un des magouilleurs chargés de définir, sous la responsabilité de Balladur entre 1986 et 1988, les privatisations monopolistiques à la française attribuant le contrôle des groupes étatisés à des intérêts privés désignés par le pouvoir et théorisés comme noyaux durs.
(2) À l'occasion duquel M. Bernard Arnaud (LVMH) quittait le navire.
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