COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 3 JUILLET 2002
QUAND TRICHET PRÔNE LA VERTU FAUT-IL LE LUI INTERDIRE ?
À la veille de la déclaration de politique générale de Raffarin, Trichet rappelle au gouvernement l'urgence des réformes et de la baisse des dépenses publiques.
Je dois l'avouer. J'ai toujours éprouvé une grande réserve pour ne pas parler d'aversion s'agissant de M. Trichet. Je n'en suis que plus à l'aise pour remarquer la pertinence, sinon l'opportunité de ses propos à contre-courant tenus, le 1er juillet, lors de la présentation du rapport annuel de la Banque de France.
Le citoyen Trichet s'est en effet posé en défenseur du Pacte de stabilité et il s'est prononcé en faveur d'une réduction accrue des dépenses publiques françaises et de réformes structurelles de l'économie.
"Le respect du Pacte de stabilité et de croissance, a-t-il dit, est le seul moyen que nous avons d'assurer la stabilité économique, monétaire et financière de la zone euro en l'absence d'un budget fédéral de l'Union européenne significatif".
Sans le Pacte de stabilité, "nous ne pourrions plus garantir l'équilibre du dosage des politiques budgétaires et monétaires dans la zone euro et nous prêterions le flanc aux critiques économiques des eurosceptiques", a souligné M. Trichet.
Posant en défenseur inlassable de la discipline budgétaire, il est allé plus loin dans son propos demandant à ce qu'elle soit soutenue par la classe politique.
C'est évidemment aller vite en besogne dans un système où les politiciens doivent leur élection à des gens qui n'ont pas le sentiment majoritairement de supporter l'impôt, simplement parce que la moitié d'entre eux ne paie pas l'impôt sur le revenu et que l'immense majorité ne voit dans les caisses sociales que des machines à rembourser ou à verser des allocations.
Jean-Claude Trichet a rappelé 3 conditions qui sont essentielles pour "obtenir une croissance robuste et une création durable d'emplois":
Sur le premier point, la Banque de France recommande de ramener le volume des dépenses publiques françaises à 50 % du PIB, contre à 52,6 % actuellement.
Ce point et cette statistique nous semblent extrêmement importants à souligner. Nous avons coutume de rappeler que le chiffre prétendant évaluer à quelque 45 % seulement les prélèvements obligatoires est évidemment mensonger. En avouant que la dépense publique française représente non pas 45 % mais 52,6 % du produit intérieur brut, la Banque de France en la personne de son gouverneur nous donne raison et s'inscrit en faux contre le chiffre que l'on peut lire habituellement dans la presse, sous l'estampille du Ministère des Finances.
Sur le second point, "de très gros efforts", souligne aussi Trichet, "doivent être faits en France et dans la zone euro pour améliorer l'environnement légal, réglementaire, juridique et fiscal des entreprises de manière à favoriser leur création, leur implantation, leur développement et leurs investissements, créateurs d'emplois durables".
"Plus que jamais depuis l'instauration de la monnaie unique", a-t-il déclaré, "nous devons suivre de près l'indicateur des coûts de production, qui constitue l'une des mesures de l'attrait d'un investissement effectué dans notre économie plutôt qu'ailleurs, en dehors de la France et de la zone euro. Dans ce domaine, la stratégie de la France et celle de la zone euro doivent viser à promouvoir l'implantation et le développement des entreprises de haute technologie dans le secteur industriel, des entreprises de service à valeur ajoutée élevée, des services financiers, des centres de recherche et des quartiers généraux d'entreprise, etc.".
Le citoyen Trichet a enfin plaidé pour des "réformes structurelles ambitieuses dans le domaine de l'éducation et de la formation, du marché du travail et de la protection sociale", évidemment nécessaires pour diminuer la dépense publique (et) les frais généraux de l'économie, et donc préserver sa compétitivité. Ces réformes, qui visent "à donner à l'ensemble de l'économie une plus grande souplesse et à permettre d'augmenter les gains annuels de productivité du travail" constituent une nécessité pour "promouvoir plus de croissance durable et plus de créations d'emplois durables".
Cette amélioration de la productivité a aussi cours à la Banque de France si l'on en croit son gouverneur qui a évalué à 2 500 les compressions de personnels effectuées sous son mandat, soit proportionnellement "beaucoup plus que dans les autres administrations" de notre pays.
Certains esprits chagrins pourront, certes, soupçonner que ces propos correspondent à une certaine conjoncture politique, celle du discours de politique générale du 3 juillet, et à un débat européen (1).
L'important, cependant, c'est qu'ils aient été tenus et que les dirigeants de notre pays soient fermement invités à en tenir compte.
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(1) M. Trichet voudrait bien se remettre en piste pour la succession de Wim Duisenberg à la présidence de la Banque centrale européenne.