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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 11 JUILLET 2002

LA FRANCE GRAVEMENT ISOLÉE SUR LA PAC

L'ancienne PAC était mauvaise, la nouvelle sera pire.

Le commissaire français, M. Pascal Lamy, s'en fait néanmoins le défenseur

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Une fois de plus, la France se trouve en mauvaise posture dans le concert européen sur la question de la Politique agricole commune. Et elle l'est particulièrement du fait du projet de réforme avancé, ce 10 juillet, par le commissaire européen chargé de l'agriculture M. Franz Fischler qui se trouve soutenu par les principaux partenaires actuels de l'Union européenne.

Comme chacun devrait le savoir, un tel projet vient par définition de la Commission qui le propose. Il transite donc par le Conseil des ministres qui s'en empare et le négocie. Il peut même aboutir à un vote d'approbation du parlement, le cas échéant, qui intervient essentiellement alors pour dire : oui.

Au sein de la Commission, la France a nommé 2 membres, sur un total de 25. Le plus actif sur le dossier est M. Pascal Lamy, ancien bras droit de Jacques Delors, qui, pratiquement, soutient la réforme avec des arguments conformes à ce que l'on peut lire pratiquement tous les jours, sinon dans La France Agricole (1), du moins dans Le Monde ou Libération, et aussi dans Le Figaro.

M. Lamy n'a simplement jamais été confronté, dans sa vie, au suffrage populaire. Il est largement inconnu du peuple français. Mais il prétend nonobstant s'appuyer sur l'opinion du peuple pour justifier la nouvelle évolution de la PAC (2). Parmi ses arguments on relèvera d'ailleurs qu'il s'agit simplement de continuer sur une pente déjà définie en 1992 avec le projet dit Mac Sharry, puis en 1999 lors du Conseil européen tenu à Berlin. On en fera plus qu'appliquer ces principes adoptés alors. On transformera les anciennes aides technocratiques soutenant la production agricole en aides socialistes supposées soutenir le revenu des agriculteurs et maintenir à la terre les 7 derniers millions de fermiers européens que compte encore l'Europe des Quinze.

Tout cela coûte au budget de l'Europe 42,9 milliards d'euros par an, dont 9,4 milliards sont alloués aux organismes agricoles français.

C'est évidemment considérable ; cela représente encore 40 % du Budget de l'Union européenne (3) Et la raison véritable de la réforme en cours tient à l'élargissement aux 10 États d'Europe centrale et orientale prévu pour 2004, et dont les agricultures devront recevoir une part de ces subventions. Le principal contributeur, qui se trouve être l'État fédéral allemand, ne veut plus multiplier ses propres versements, et divers pays, notamment l'Angleterre, la Suède et les Pays-Bas soutiennent, pour des raisons fort compréhensibles, un point de vue analogue.

L'ancienne PAC était mauvaise, la nouvelle sera pire.

Elle imposera en effet une réglementation politiquement correcte, écologiquement conforme (4), socialement vertueuse. Mais elle transformera définitivement les agriculteurs en assistés folkloriques, de plus en plus paupérisés. Déjà, rappelons-le, la population active agricole représentait à peine 4,5 % des actifs et 1,8 % des revenus. Ce qui veut dire que leur revenu moyen est, d'ores et déjà, 2 fois moindre que celui de la moyenne des Européens. Cela s'aggravera non pas malgré mais à cause de la Redistribution.

La France n'échappe pas à la règle. Son ministre actuel M. Gaymard, technocrate comme les autres, défenseur émouvant de l'élevage de montagne (5) pourra bien arguer de l'exception agricole française. Les actifs agricoles français représentent 4,3 % de la population active : c'est un peu moins que la moyenne continentale. Ils perçoivent 2,4 % des revenus de la nation, cela est peu de chose. À peine 1 million de personnes dont 500 000 exploitants.

La France va ainsi de trouver triplement pénalisée :

1° depuis 40 ans elle avait inspiré et conduit la politique agricole européenne. Celle-ci étant, au total, un coûteux désastre, ceci rejaillit sur la crédibilité générale des conceptions françaises en Europe.

2° En comparant les statistiques, on constate sans difficulté que, — la France ayant, en 1999, un taux de population agricole à peine égal à la moyenne européenne (4,3 contre 4,5 %), et la part du revenu agricole y étant très supérieure au pourcentage européen moyen (2,4 % contre 1,8 %) — les agriculteurs français, qui sont les plus aidés d'Europe, sont en même temps, relativement, les moins défavorisés. Dans de telles conditions, principale bénéficiaire de la PAC, dont elle absorbe à elle seule 22 % du Budget, la France se trouve sur la défensive.

3° Enfin, la France se trouve isolée dans cette négociation. Elle s'est coupée de l'Allemagne (6) où ni l'actuel gouvernement, ni l'opposition représentée par M. Stoiber ne semblent disposés à renouer les liens franco-allemands qui pendant plus de 30 ans avaient fait avancer la construction européenne.

Nous sommes donc en face d'un triste bilan. Et nous le devons en grande partie aux liens privilégiés que certains politiques français entretiennent avec la nomenklatura agricole et avec la galaxie FNSEA.

JG Malliarakis

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(1) Qui est hebdomadaire…

(2) "L'opinion publique vis-à-vis de l'agriculture a changé. Si vous lisez les sondages, si vous écoutez ce que disent les gens, ce que les citoyens européens veulent aujourd'hui, c'est la sécurité alimentaire et une agriculture respectueuse de l'environnement, et nous devons en tenir compte", a affirmé M. Lamy à Tokyo le 9 juillet.

(3) Cela en représentait pratiquement encore 60 % il y a 15 ans.

(4) M. Berlusconi a osé dire un jour à des partenaires du nord de l'Europe : "comment, vous, qui ne savez pas faire du prosciutto, osez-vous nous imposer votre réglementation alimentaire ?" M. Berlusconi est un affreux (ultra) libéral.

(5) Il est élu de la Savoie.

(6) Le ministre de l'Agriculture, la délicieuse Renate Kuenast est une écolo de la nuance la plus psychorigide. Elle se félicite donc que "la protection de l'environnement, des animaux et du consommateur soient enfin en harmonie avec la politique agricole".

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