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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 22 JUILLET 2002

COMBIEN DE TEMPS LES MINISTRES SUSPECTS D'ÊTRE RÉFORMATEURS TIENDRONT-ILS ?

On n'a jamais vu les nœuds gordiens tranchés par des ronds de cuir.

La rumeur commence à s'en enfler. Elle est passée du Nouvel Observateur du 17 juillet au Figaro du 20 juillet. Et, l'Agence France Presse la propageant à son tour, elle prend un caractère solennel, presque officiel.

Il y aurait au sein du gouvernement une coupure autour des deux ministres en charge des finances de l'État : l'ancien dirigeant du groupe sidérurgique Arcelor, M. Francis Mer, ministre de l'Économie et son ministre délégué au Budget, M. Alain Lambert.

Écartons tout d'abord la prise en considération des divergences d'expression, de style, peut-être même de sensibilité entre les deux personnages. M. Lambert, sénateur-maire d'Alençon, d'affiliation centriste a certes sa démarche à lui ; auteur de rapports substantiels et même kilométriques sur l'assurance française il est parfaitement au fait des difficultés de la France à s'adapter à la culture de la concurrence.

On s'est beaucoup employé, à l'occasion de la présentation et du vote du collectif budgétaire à mettre en contradiction les membres de phrases de l'un aux bribes de déclarations de l'autre. Le jeu ridicule et pervers avait un caractère intentionnellement déstabilisateur : que fallait-il entendre par pérennisation dans le Budget 2003 de la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu du Collectif 2002. On comprend que le ministre délégué au Budget ait fini par rappeler que l'AFP n'était pas le vrai lieu du débat budgétaire.

Chose significative : on s'est plu depuis plusieurs semaines à opposer à la volonté des deux ministres la sourde intentionnalité prêtée à leur énorme et anonyme administration. À l'idée avance par M. Mer ou par M. Lambert, personnes physiques appuyées par une majorité de 400 élus du peuple, on rétorque par tel ou tel avis émanant de "Bercy", c'est-à-dire de personne, c'est-à-dire d'un Léviathan aggloméré de milliers de fonctionnaires, c'est-à-dire de la Direction du Trésor ou de celle de la Prévision.

Cela nous ramène 7 ans en arrière, quand Alain Madelin fut l'éphémère ministre des Finances du gouvernement Juppé. Il tint 2 mois puis céda la place à M. Arthuis, lui-même discret pendant les 2 années qui suivirent et qui amèneront la droite à sa déroute de 1997. Après quoi M. Arthuis commit un livre fort utile décrivant la solitude du ministre face à son étouffante et liberticide structure conservatrice.

Paul Valéry disait à juste titre : "L'histoire est la science des faits qui ne se répètent pas".

Raffarin n'est pas Juppé, Mer et Lambert ne sont pas Madelin. La position de la France en Europe a beaucoup rétrogradé depuis la première élection de Chirac en 1995. Les données ne sont donc pas exactement les mêmes. Partis 399 le 16 juin, les députés UMP n'ont peut-être pas envie, non plus, de se voir leurs effectifs divisés par deux comme en 1997 à la prochaine échéance électorale qui pourrait bien intervenir avant 2007.

Une chose cependant est certaine et constante.

La structure techno-conservatrice française, incontestablement renforcée par la loi constitutionnelle et la pratique politique depuis 1958, constitue le véritable obstacle aux réformes dont la France a aujourd'hui besoin.

Pour agir à la hauteur d'enjeux européens indispensables, la France doit sortir de son asphyxiante et prétentieuse énarchie pour diminuer aussi bien les charges sociales que les taux d'imposition, voire pour éliminer symboliquement certains impôts pervers et démagogiques.

On n'a jamais vu, depuis l'Antiquité, que les nœuds gordiens soient tranchés par des ronds de cuir.

En bien comme en mal c'est la fonction des ministres que d'imposer des réformes, y compris contre le désir de leurs administrations.

JG Malliarakis

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