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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 23 JUILLET 2002

QUELLE HORREUR : UN POPULISTE !

Fortuyn, Haider, la Ligue Nord... Populiste en français cela semble vouloir dire : tout ce qui déplaît à l'établissement.

La formation ce 22 juillet du gouvernement néerlandais, solennellement intronisé par la Reine Béatrix et dirigé par M. Balkenende, porte à 5 sur 15 le nombre d'États-membres de l'Union européenne comptant des ministres qualifiés de populistes.

Comme ce mot se trouve systématiquement repris par toutes les rédactions bien pensantes, du Figaro au Monde en passant par Libération, l'officieuse AFP et les radios d'État, on est en droit de se demander un peu plus précisément ce qu'il signifie.

Cela doit d'abord se définir au regard de la langue française. En allemand, par exemple, le mot voelkisch désigne à la fois le peuple et la nation, le demos et l'ethnos de la langue grecque. Les partis voelkisch en Allemagne et en Autriche sont aussi bien considérés comme " nationaux " et comme démocrates chrétiens et le parti de J...rg Haider associé au gouvernement autrichien se garde bien de se dire voelkisch, cette appellation étant celle du parti catholique comme d'ailleurs le mot popolari en Italie, ou le parti français dit de l'Action Populaire désignant au début du xx siècle les catholiques ralliés à la république.

Dans la France des années 1980, on a commencé à qualifier de populistes à la fois le parti radical tel que Bernard Tapie tenta de le faire renaître de ses cendres, et le front national de Jean-Marie Le Pen, titulaire actuel de l'épithète populiste.

Populiste en français semble donc vouloir dire tout ce qui déplaît à l'établissement.

Quand fut formé le gouvernement autrichien voulu par le suffrage universel, coalition des conservateurs catholiques et des libéraux de Haider qualifiés de " populistes ", les dirigeants français et belges imaginèrent de mettre l'Autriche au ban de l'Europe. Ils n'y sont pas parvenus et depuis lors, l'Italie, le Danemark, le Portugal et maintenant la Hollande ont incorporé dans leurs équipes gouvernementales de méchants hérétiques.

À bien observer l'actuel gouvernement de La Haye, savamment dosé sur 68 jours de tractation il est assez clair que les 43 députés du parti démocrate chrétien, CDA, comptent plus que les 26 élus du parti qualifié de populiste, LPF, Liste Pim Fortuyn, décapité le 6 mai par l'assassinat odieux de leur fondateur et rassembleur. Il n'empêche que les 4 ministres très importants et les 5 secrétaires d'État, sur 14, attribués aux populistes l'ont été au profit de personnalités plutôt remarquables issues de l'entreprise et de la société civile.

Il paraît que dans les 5 pays considérés les fameux populistes seraient favorables à une politique beaucoup plus restrictive vis-à-vis de l'immigration clandestine, à l'application de la loi pénale et à la diminution de la pression fiscale : quoi de plus affreux ? (1)

Pour pouvoir juger des méfaits virtuels des populistes, d'un bout à l'autre du continent, il faut sans doute s'interroger sur la légitimité de ce qui précisément s'y oppose, c'est-à-dire l'établissement.

En fait ce mot traduit en français ce qu'en Angleterre et aux États-Unis on nomme " establishment " : l'ensemble des institutions ne procédant pas de l'élection, allant de la vénérable Chambre des Lords jusqu'au Council on Foreign Relations et au New York Times. Jusqu'à une date récente le terme français correspondant était celui, aujourd'hui désuet, de synarchie.

On comprend que le populisme fasse éventuellement horreur aux technocrates, aux héritiers de la synarchie et aux énarques français. Mais on comprend mal comment ce populisme vague, virtuel et multiforme pourrait bien être considéré comme moins démocratique que l'établissement ?

JG Malliarakis

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(1) Il importe peu, bien évidemment, que cela puisse correspondre à la volonté de l'opinion populaire. Dire aujourd'hui que la démocratie pourrait être le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple, c'est faire fi du droit des énarques. C'est le commencement du populisme. Cela n'est bon que pour la France d'en bas.