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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 26 JUILLET 2002

EXERCER LES LIBERTES SOCIALES

Résumé d'une intervention à l'Université d'Été de l'Anjou

(ci-dessus Waldeck Rousseau président du Conseil en 1901)

Le drame de la France, depuis plus de 200 ans maintenant, est de se croire le pays de la liberté alors que nous vivons dans un pays totalement tributaire non seulement de la pensée unique, de sa censure et de ses autocensures : cela, nous le savons, mais aussi de la tutelle administrative dans tous les domaines, de l'intervention étatique, du centralisme et des réseaux de pouvoir. Or, contrairement aux Russes, parfaitement conscients entre 1917 et 1991, du caractère terroriste du régime qui leur était imposé, nous n'avons en général guère conscience de notre servitude et nous n'en tirons pas les conséquences.

Le poisson pourrissant par la tête, il faut d'abord s'interroger quant à la responsabilité des élites. Cette responsabilité s'articule aussi bien sur l'histoire que sur la sociologie.

Historiquement, c'est à l'évidence Emmanuel Beau de Loménie auquel nous devons le plus monumental, l'incontournable récit, pittoresque et tragique de ce qu'il appelle les Responsabilités des Dynasties Bourgeoises. On ne saurait résumer cette œuvre colossale et. Je renvoie donc à cette lecture terrible des 5 tomes qu'il commença à écrire sous l'Occupation, s'interrogeant sur les causes et la nature de l'effondrement de 1940 et dont la parution s'étala sur 30 ans, de 1943 à sa mort en 1974 à la veille du triomphe éphémère du rejeton Giscard d'Estaing.

Ce qu'Emmanuel Beau de Loménie observe, avant tout, au long de ces deux siècles de décadence française, c'est la manœuvre systématique et cynique de ceux qu'il appelle les Grands Habiles : les gens qui à la fin du XIX siècle s'appellent le centre gauche, les gens qui constitueront au début de csiècle le parti dit de l'Alliance démocratique, les gens qui avaient fondé l'École libre des sciences politiques, les gens qui manipuleront pendant toute la Troisième République les troupes du parti radical. Waldeck Rousseau (1846-1904) président du conseil qui fit voter la loi de 1901 était le prototype de ces grands habiles.

Leur suprême habileté c'est l'alliance du gros argent avec l'idéologie de gauche.

Mais peut-être serait-il bon, aussi, de s'interroger sur la passivité des autres élites, celles qui ne tiennent pas substantiellement leur force de l'interaction entre l'argent et le pouvoir. C'est à elles d'abord que l'on doit s'intéresser et s'adresser : pourquoi demeurent-elles si naïves et si passives ? Quand et comment ont-elles abdiqué ?

Liberté et responsabilité sont indissociables.

On perd tout espace de liberté et peut-être aussi tout droit à la liberté quand on fuit les responsabilités. Faut-il vous rappeler la fable de La Fontaine, Le Chien et le Loup. Aujourd'hui, on réhabilite peut-être ce qu'il y a de pire dans l'image du loup et 400 malheureux moutons du Mercantour viennent de payer pour cette folie, mais ce n'est pas le loup qui nous intéresse c'est l'homme libre.

Reconquérir les libertés sociales c'est donc d'abord aujourd'hui en France rétablir le sens des libertés humaines, l'éthique la liberté au sens réel et non au sens frelaté issu de la Révolution jacobine.

La liberté humaine me semble l'essence du christianisme. (1)

Il n'est pas étonnant par conséquent que la France, pays le plus scandaleusement laïciste d'Europe hier, pays ingénument laïciste et matérialiste aujourd'hui, soit en même temps le pays européen qui renonce le plus au sens concret des libertés humaines, malgré ses gargarismes de fausse liberté, malgré le graphitum trilogique bien connu de Liberté-Égalité-Fraternité, tagué sur les édifices publics.

Concrètement les libertés sociales s'articulent sur les propriétés et le droit des contrats, et cela s'exprime en particulier par la liberté d'association.

Pratiquement la liberté d'association a été abolie en France en 1791, et c'est une erreur de croire qu'elle aurait été restaurée en 1901 par la fameuse Loi on a célébré si étrangement le centenaire en 2001.

Dans la pratique en effet, dans le droit des associations, ce qui est libre en France c'est la constitution et la vie de petites associations misérables (2), privées de ressources et d'autonomie financière. Toutes les associations dotées d'un patrimoine se trouvent sous la tutelle de l'État.

1° Ou bien ce patrimoine est à l'origine de l'association, et c'est ce qui caractérise la fondation. Alors la Loi de 1987 la place sous la tutelle obligatoire de l'État et de la Fondation de France. En pratique les fondations françaises ne disposent d'aucune liberté.

2° Ou bien les ressources de l'association proviennent de subventions et alors au contrôle de l'État s'ajoute un détournement discret, légalisé mais systématique des deniers publics.

3° Ou bien l'association est purement ou simplement une émanation de l'État et alors c'est l'administration qui se sert alors abusivement de la Loi de 1901, détournée à son profit exclusif, tout simplement pour contourner les règles du droit public.

4° Ou bien enfin, l'administration a concédé une notion d'utilité publique à une association qui lui convient et qu'elle autorise à exercer une liberté surveillée. C'est le seul cas ressemblant à la liberté.

Mais, au bout du compte, ces associations d'Utilité publique (ou reconnues pour telles par l'administration) sont 15 ou 20 fois moins nombreuses que leurs homologues britanniques les charities.

L'exercice des libertés sociales suppose donc en France une réforme globale et complète du droit d'association permettant de faire vivre véritablement, enfin, aussi bien les associations civiles que les fondations, les fiducies, les confréries et les ordres religieux (3), les organismes sociaux libres et pas seulement leurs administrations contentieuses.

Voilà la première étape sur le chemin de la France des Libertés. Il est d'autant plus urgent d'y parvenir que les autres pays européens disposent d'institutions qui, désormais, peuvent agir librement en France, qu'il s'agit du Trust au sens anglais du terme, de la Treuhand ou simplement même de l'association de droit allemand, ou de l'ASBL belge, etc.

Il est significatif que nos compatriotes Alsaciens et mosellans ne veulent pas de la loi de 1901, préférant la législation allemande.

Avec l'Europe, la France ne peut plus se mentir à elle-même : fuite des cerveaux, fuite des capitaux sont bien le signe tangible d'une fiscalité asphyxiante. Tout le monde le sait, même le chef de l'État.

Si dans le domaine des libertés d'associations personne ne nous copie c'est peut-être bien que nous sommes devenus le dernier pays de l'est.

JG Malliarakis

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(1) Contrairement à une idée fausse de la religion, elle s'inscrit dans toute l'œuvre de ses constructeurs. Dès le fameux discours de Moïse sur les deux voies, évidemment repris dans l'Évangile et qu'on retrouve dans la culture catholique avec la méditation des Deux Étendards, dans Ignace de Loyola, il nous est précisément proposé le Bien et non le Mal. Le déterminisme de la prédestination, dans l'islam ou dans une certaine lecture du calvinisme, ou le déterminisme matérialiste chez Marx, c'est évidemment le contraire : nous cessons d'être libres et responsables.

(2) Ces associations sont plus de 800 000 et elles mobilisent plusieurs millions de vrais bénévoles. En disant qu'elles sont misérables nous n'entendons pas les humilier mais au contraire nous prenons ici leur défense !

(3) Le caractère de persécution religieuse de la loi de 1901 n'est pas l'objet du présent article mais on comprend mal les dispositions essentielles de cette loi si on ne la replace pas dans son contexte historique. Rappelons pour mémoire que l'organisation matérielle et pratique de l'Église catholique en France est incompatible avec la loi de 1901 et que les associations diocésaines ne fonctionnent qu'en vertu d'une tolérance admise par le Conseil d'État en 1921, après 20 ans de vide juridique pour ne pas parler d'illégalité.

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