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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 29 JUILLET 2002

IL FALLAIT DIRE NON À LA HAUSSE DES TARIFS PUBLICS MONOPOLISTIQUES

Mais il ne faudrait pas en rester là

Ce 11 juillet, M. Francis Mer, – dont le ministère exerce la tutelle sur EDF monopole étatique français, et par conséquent contrôle ses prix, – s'était publiquement résigné à une hausse "non symbolique" des tarifs de la compagnie. M. François Roussely, président d'EDF, réclamait en effet une hausse de 4,9 %.

Cette déclaration du ministre de l'Économie et des Finances pouvait alors paraître une maladresse, comparable à celle d'Alain Madelin acceptant (contre sa propre conviction) de contresigner en 1995, lors de son éphémère passage au même ministère la hausse de la TVA de 18,6 à 20,6. Cette hausse était soi-disant passagère, seulement destinée théoriquement à un assainissement rapide des finances publiques, assainissement qui, d'ailleurs ne vit jamais le jour. Les deux points de TVA n'ont jamais été restitués aux Français et ils les pénalisent lourdement, 7 ans après la décision provisoire, que subtilement les technocrates ont réussi alors à faire porter au débit de celui qui passait pour leur principal adversaire.

On est tenté de penser que la même démarche enveloppante s'opère autour de M. Francis Mer. Elle répond au commentaire rageur de l'aile étatiste de l'actuelle équipe gouvernementale étant : "Un chef d'entreprise à Bercy c'est nul."(1)

Sans doute, une partie du monde de l'entreprise est-elle favorable à "l'autonomie de gestion" d'EDF, entreprise d'État : ce sont les gens qui refusent de poser d'abord le préalable de la privatisation et de la mise en concurrence. Sans doute, aussi, une partie des personnes réputées "sérieuses", celles qui ont en vue la privatisation rampante d'EDF, commençant par une privatisation partielle, souhaite sauver cet énorme cash flow industriel. Car si EDF est encore un monopole techniquement brillant, le groupe connaît depuis quelques années une dangereuse dérive marquée par un endettement de plus en plus lourd, par un siphonage discret des ressources du système de retraites (2) propres de l'entreprise, etc.

Toutes ces considérations peuvenet impressionner. Mais nous devons saluer au contraire la réponse que lui a donnée le chef du Gouvernement M. Raffarin en refusant ce diktat de la technostructure.

Non, il ne fallait accepter ni cette hausse des tarifs de l'EDF, ni celle du timbre poste, et ceci pour plusieurs raisons.

La première raison est que la hausse inflationniste du niveau général des prix se développe précisément toujours par ce genre de mécanismes dits de rattrappage, de réévaluations des tarifs, d'indexations, etc. Or l'unification monétaire européenne interdit désormais à la France de jouer unilatéralement au jeu de l'inflation.

La deuxième raison est que la hausse demandée par EDF, comme par La Poste, ne reflète pas un problème de coûts de production. Elle aurait correspondu à une volonté d'anticiper sur des marchandages avec les bureaucraties syndicales. On aurait pu ainsi donner, par exemple, beaucoup plus d'argent aux œuvres sociales cégétistes afin d'obtenir une certaine attitude de passivité de la CGT face aux évolutions du monopole et aux décisions de la technostructure. C'est un grand jeu que l'on peut aussi observer à la SNCF, à la RATP, etc.

La troisième raison est que si on accepte des augmentations de tarifs à des monopoles publics en bénéfices, il semble impossible de refuser des subventions aux entreprises étatiques en déficit. Et on va entendre à nouveau parler par exemple du prétendu devoir d'actionnaire de l'État en faveur du feuilleton déficitaire Bull.

La quatrième raison, et la plus importante au bout du compte, c'est qu'en développant, non sans une pointe d'habileté démagogique, l'idée de sa sollicitude en faveur des Français les plus défavorisés dont la hausse du prix de l'électricité ou du timbre poste rognerait le pouvoir d'achat, le Premier ministre a fort intelligemment rappelé que la principale préoccupation de l'action économique d'un Gouvernement ne doit pas être talonnée par la pression des intérêts des producteurs : elle doit se préoccuper avant tout des consommateurs qui représente en économie ce qu'en politique on appelle le peuple.

Raffarin a donc, certes, eu raison de dire non à la hausse des tarifs monopolistiques publics. Soulignons qu'il l'a fait, le 25 juillet, en concertation avec M. Francis Mer.

Jean-Pierre Raffarin a justifié sa décision en déclarant que face à "la situation d'un grand nombre de Français, qui sont exposés à des conditions difficiles de vie, il y aurait eu là un risque d'injustice" (AFP du 25 juillet).

Mais il ne faudrait absolument pas en rester là.

Il ne faut pas que cette mesure soit, non plus, purement et simplement, une réhabilitation de l'intervention gouvernementale dans l'économie, qu'elle soit un "recul" (3). Dans ce cas cette décision deviendrait funeste et elle flatterait des tendances perceptibles au retour en force des technocrates.

En effet, si l'on se préoccupe des consommateurs, on doit se prononcer évidemment aussi, au-delà de la stabilité des tarifs publics, contre tous les monopoles, on doit se prononcer pour une meilleure concurrence, pour une meilleure information du consommateur (4), et pour une plus grande liberté de choix. On ne peut que souhaiter voir le gouvernement aller plus loin, plus vite et plus résolument dans ce sens.

Mais là, bien entendu, malgré ses déclarations en faveur de la France d'en bas, nous n'oserions pas encore soupçonner que M. Raffarin soit un populiste puisque, comme chacun le sait, être suspect d'être populiste c'est très mal vu, et cela sera sûrement bientôt défendu.

JG Malliarakis

(1) Rapporté par le Nouvel Observateur du 17 juillet

(2) Décidé bien entendu par M. Juppé en 1996.

(3) Comme la présentait déjà l'Humanité le 26 juillet.

(4) En ce sens la décision tendant à liquider l'obligation, légale en France, d'informer le consommateur français en français nous semble strictement irrecevable, même au regard du Droit européen.

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