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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 31 JUILLET 2002

La suppression des déficits point de départ d'une Europe des Libertés

Point de friction franco-allemande aujourd'hui, point de réconciliation européenne demain.

Ce 30 juillet, lors de la 79e rencontre institutionnelle franco-allemande à Schwerin, les dirigeants de nos deux pays ont annoncé un agenda de politique européenne. Celui-ci a vocation à "surmonter constructivement les différences" d'ici décembre. C'est à ce moment que se conclura la présidence danoise devant avoir réglé la question de l'élargissement et que les élections allemandes du 22 septembre auront permis de redéfinir la majorité gouvernementale à Berlin.

Parmi ces difficultés franco-allemandes, il y a la question de la politique agricole qui fait se chiffrer à plus de 47 milliards d'euros les dépenses agricoles de l'Union européenne (1) dont on doit quand même rappeler que l'Allemagne en est le principal contributeur et que les organismes agricoles français en sont les plus gros allocataires.

En même temps, le 26 juillet, l'annonce selon laquelle la Commission Européenne envisage désormais de sévir à l'encontre des déficits portugais (2) ne doit pas nous tromper : au-delà du gouvernement de Lisbonne et de son taux de déficit évalué cette année à 4,6 % du PIB ce sont les deux États piliers de la construction européenne des 40 dernières années, l'État fédéral allemand et l'État centraliste français qui seront visés — étant dans le même cas.

Il y a quelque 10 ans, cherchant à évaluer les perspectives d'évolution institutionnelle de l'Europe, on pouvait penser (et j'écrivais) qu'en regard du couple franco-allemand avait vocation à se construire d'abord une entente anglo-italienne, puis un rapprochement germano-britannique. À l'époque (1992), l'Angleterre était encore gouvernée par les tories et la perspective d'une évolution de l'Italie vers la droite libérale ne se dessinait pas clairement. De même, l'Espagne était encore à la fois relativement marginale et plombée par le socialisme de Felipe Gonzalez (plus de 20% de chômeurs) . Ce qui s'est accompli, depuis, a dépassé les perspectives alors prévisibles. À partir de 1997, le retour des travaillistes anglais a paradoxalement renforcé l'héritage libéral et le legs par 15 ans de thatchérisme dans la mesure où le New Labour de Tony Blair n'a pas voulu abolir ce qui avait redressé le Royaume Uni. En Italie, les gouvernements de centre gauche ont laissé la place à la coalition Berlusconi ; et enfin l'Espagne du gouvernement Aznar complète cette entente anglo-italienne.

L'Allemagne et la France, en revanche, demeurent les derniers grands États tributaires du système social démocrate.

Certes, les étranges scrutins échelonnés du 21 avril au 16 juin 2002 ont dessiné une nouvelle majorité. Et l'on entend le gouvernement de Paris parler de baisser les charges des entreprises : ce 30 juillet le très élégant ministre du Travail, M. François Fillon, a tenu sur ce terrain un langage ambigu. " Diminuer les charges sur les bas salaires " est une vieille doctrine de la droite française depuis 10 ans. On l'a entendu développé par MM. Giscard, Balladur et même Juppé.

Mais le drame de cette doctrine est qu'elle ne s'attaque :

1° Ni aux dépenses démagogiques de redistribution. Le transfert de charges devient alors une exonération financée par l'impôt.

2° Ni aux déficits des administrations publiques.

Nous reviendrons bientôt sur cette doctrine.

Étant ressenties comme des " cadeaux " aux entreprises, les exonérations de charges entravent plus qu'elles ne préparent la voie à l'assainissement des finances publiques.

On trouve en Allemagne des rigidités analogues, encore que le débat soit un peu moins tronqué. Une partie de l'opinion allemande est préparée à des réformes libérales et, dès 1994, le chancelier Kohl avait par exemple (quoique timidement) ouvert la porte à la concurrence dans l'assurance maladie.

On va certainement entendre pousser des hauts cris contre cette contrainte réputée bruxelloise, au nom du droit des États, dès lors que la jurisprudence portugaise tendrait à s'appliquer à la France et à l'Allemagne.

En réalité, cette contrainte bruxelloise est encore très douce dans l'application de règles européennes liées à l'existence d'une Monnaie unique. Dans la plupart des dossiers, l'Europe exerce une tutelle très légère et très patiente, surtout lorsqu'il s'agit des grands États.

S'agissant des déficits persistants de certains pays, on rappellera surtout qu'ils ne sont pas fortuits. Depuis plus de 10 ans que l'accord de Maastricht a été signé, la France qui a (pour le moins) contribué à le rédiger a été le plus lent parmi les 15 États Membres à s'appliquer à elles-mêmes les règles relatives à la réduction du déficit. Si on la compare aux pays de l'Europe du Sud, qui étaient tous ultra déficitaires et inflationnistes au début des années 1990 on se rend compte qu'en taux de déficit ces pays de l'Europe du Sud se trouvent désormais dans une meilleure situation que la France et que, d'autre part, leur réduction a été entre 3 et 9 fois plus rapide, y compris globalement le Portugal.

Le déficit français n'est pas le signe de la "liberté" de l'État : il est la mesure du poids de contraintes et d'interventions que cet État impose à ses citoyens et contribuables, et pas seulement à ses entrepreneurs.

Liquider les déficits sera donc une avance majeure sur le chemin de l'Europe des libertés.

JG Malliarakis

 

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(1) sur un budget européen de 98 milliards d'euros.

(2) et de lancer une procédure contre le Portugal.

(3) Au besoin, nous invitons les lecteurs de bonne foi à se reporter au calendrier de la gradation de sanctions.

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