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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 1er AOÛT 2002

PRIVATISATIONS ET CHANTIERS SOCIAUX

Même pour le séduisant séguiniste M. Fillon, l'état de grâce de l'été durera moins de 100 jours.

Quand un nouveau pouvoir, ayant sans doute compris qu'il dispose d'un " état de grâce " limité dans le temps, procède à des réformes rapides et urgentes, il n'y a certainement pas lieu de philosopher sur la simultanéité de telle ou telle décision.

Il n'empêche, cependant, que l'on se trouve agréablement sollicité par le rapprochement, le 30 juillet, de l'annonce par M. Fillon, ministre du Travail, de la réforme des emplois jeunes et des exonérations de charges sociales et par celle de la privatisation d'Air France.

Ces deux programmes ne sont évidemment pas de même nature. Mais dans un cas comme dans l'autre on se trouve devant un écheveau, assez stupéfiant, de dispositifs destinés à soutenir l'emploi et d'avantages sociaux.

Sous prétexte de soutenir l'emploi il existe par exemple 34 dispositifs d'exonération des cotisations patronales. Ceux-ci coûtent à la puissance publique près de 15 milliards d'Euros par an (année 2002) : plus de 1 % du PIB, soit un bon 1/3 des déficits nationaux. Voilà une piste de réduction de ces mêmes déficits qu'il serait courageux d'explorer.

Rappelons à ce sujet que les effets sur l'embauche durable et sur la création d'activités de ces 15 milliards d'Euros prélevés sur l'épargne des Français (puisqu'ils sont financés par l'emprunt) sont parfaitement négligeables. Sur les 34 dispositifs, les deux plus coûteux sont les mesures Aubry (8,8 milliards d'euros) destinées au "financement des 35 heures" et la ristourne Juppé (5 milliards d'euros) portant sur les cotisations patronales assises sur les salaires compris entre 1 et 1,3 fois le SMIC. Ceci n'a pas créé d'emplois réels.

Le lancement d'un nouveau type de contrat, c'est-à-dire d'un nouveau mode d'exonération en faveur de ceux des jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune qualification (ils seraient en tout, officiellement, plus 60 000 chaque année) ne les rendra pas plus employables. Le volet formation demeure en effet très flou et l'une des qualités du projet est d'être très modestes dans ses objectifs au départ. Il prendra le relais des emplois-jeunes inventés par Mme Aubry (du moins c'est ce qu'a promis M. Fillon au parlement) mais hélas, dans un premier temps, ce sera un 35 dispositif.

L'usine à gaz de l'aide à l'emploi, alimentée par des tuyauteries financières de plus en plus opaques, ne semble pas se simplifier…

Bien différent apparaît le dossier de la privatisation d'Air France. On doit se féliciter du principe même de cette décision. Mais il est un peu hardi d'écrire que "La Bourse de Paris a salué par une progression de 4,09 % du titre" (Les Échos du 31 juillet en remière page) alors que la veille le CAC 40 devait progresser de 7,04 % dans ce contexte boursier extrêmement chaotique accusant des pertes de 26 % depuis le 1er janvier.

Actuellement, l'État, détenant actuellement 54 % des parts de la compagnie dont 13 % appartiennent aux salariés : il y aura non seulement vente de titres sur le marché financier mais encore changement de statut social.

Les avantages sociaux, cotisationnels (1), matériels et pécuniaires du personnel sont considérables. Leur évolution ou leur rachat n'a rien à envier en complexité au statu quo. M. Jean Cyril Spinetta avait été nommé en 1997 par Gayssot pour empêcher l'évolution vers le privé (2) : on peut présumer qu'il n'ignore rien du dossier.

Ainsi donc rien n'est moins simple que l'effort social de simplification.

Il requiert une volonté extrêmement ferme et un choix doctrinal constant en faveur de plus de libertés et plus de responsabilités. Rien ne semble assurer que la totalité de l'équipe gouvernementale soit habitée par cette conviction. En particulier M. Fillon, actuel ministre du Travail chargé de la sécurité sociale, en dépit de déclarations récentes plus ondoyantes, semble très éloigné des convictions libérales prêtées, par exemple, au Premier ministre, M. Raffarin. On n'a pas évolué impunément pendant toute sa carrière dans le sillage de Philippe Séguin sans en être encore un peu imprégné.

Le nouveau pouvoir est à pied d'œuvre mais qu'on le mesure clairement, il a l'été pour agir. L'été dure en général 3 mois. C'est en tous les cas moins de 100 jours et pas un jour de plus.

JG Malliarakis

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(1) Les employés d'Air France, actuellement, "n'ont pas besoin de cotiser à l'assurance chômage".

(2) Dont Christian Blanc, son prédécesseur, s'était fait courageusement le défenseur .

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