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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 2 AOÛT 2002

RESPONSABILISATION DES FAMILLES

"L'esprit de l'Ordonnance de 1945, on ne doit pas le changer" (Badinter au Sénat le 25 juillet).

Mme Guigou, qui fut successivement, mais sans guère plus succès dans la seconde fonction que dans la première, ministre socialiste de la Justice puis ministre socialiste du Travail, a déclaré souhaiter, ce 31 juillet, que le gouvernement "réussisse" sur la sécurité, et en matière de délinquance des mineurs.

"Si ce gouvernement ne réussit pas dans le domaine de la sécurité, après les engagements qu'il a pris, nous aurons au bout du compte encore plus d'abstentionnistes, encore plus d'extrémistes aux prochaines élections, et, ose-t-elle dire, je ne le souhaite pas" (1).

Mme Guigou ne manque évidemment ni d'audace ni de cet humour glacial qui lui ont valu son immense popularité.

Mme Guigou, fait semblant d'admettre que la gauche "n'avait pas été suffisamment efficace pour endiguer la montée de l'insécurité liée à la délinquance des jeunes".

Mais voilà cette citoyenne fait aussi semblant de s'interroger sur "l'efficacité des dispositifs" proposés par le gouvernement. "Il ne suffit pas de dire que les jeunes, on va les enfermer, il faut pouvoir les réinsérer dans la société". Et elle trouve "assez grave qu'il n'y ait pas une seule fois le mot réinsertion dans le projet de loi Perben".

Au Sénat, le 25 juillet, M. Badinter était monté au créneau sur le registre :"l'esprit de l'ordonnance de 1945, on ne doit pas le changer" (2).

Mais au fait quel est donc "l'esprit" de cette ordonnance ? Quelle est même sa valeur juridique quand on sait qu'un nombre considérable de lois, votées et échelonnées entre 1951 et 1995, a, maintes fois et impunément, transformé des dispositions substantielles du texte rédigé et signé de manière autoritaire et expéditive dans le contexte si particulier de la fin de la Guerre ?

Un autre esprit a été, lui, maintes fois, et clairement modifié. On peut même dire qu'il s'est vu carrément foulé au pied durant la même période, qui nous sépare de la Libération et de ses fameuses ordonnances réputées fondatrices : nous voulons parler de l'esprit de la politique familiale. Pratiquement aujourd'hui les allocations dites familiales, qui sont devenues le parent pauvre de la protection sociale, se sont tellement diversifiées et ont tellement perdu de leur substance qu'elles ne sont plus réellement familiales que pour le 1/3 de leur montant (soit à peine le 1/10e des dépenses de la branche vieillesse).

Or, symboliquement l'article 20 de l'actuel projet Perben, tel qu'amendé par les députés élus le 16 juin par le peuple français, prévoit de suspendre le versement des allocations des familles dont l'enfant mineur se trouvera dans un centre éducatif fermé, donc aux frais de la société .

Cela paraît d'autant plus logique que diverses dispositions juridiques antérieures allaient, de longue date, dans ce sens (3). On rappellera, au besoin, que matériellement les parents qui supportent au-delà de l'âge de 20 ans les études supérieures de leurs enfants (4) cessent de percevoir des allocations familiales.

Il est assez triste d'apprendre dans de telles conditions que le mouvement bien pensant des Familles rurales (5) a cru bon de publier le 1er août un communiqué, déplorant "la suspension des allocations familiales" aux parents d'un enfant mineur délinquant. Selon cet excellent mouvement cet amendement au projet de loi pour la justice "ne résoudra rien" parce que cela déresponsabilisera les familles.

Sans méconnaître le caractère délicat de TOUTE politique de lutte contre la délinquance de mineurs de plus en plus jeunes, nous sommes fondés à penser légitimement, au contraire, que symboliquement cette menace même contribuera bel et bien à les responsabiliser. Et c'est cette responsabilisation qui peut contribuer à résoudre cette situation dramatique.

Le mouvement bien pensant des Familles rurales affirme qu'il est "peu probable que cette mesure contribue au réinvestissement des parents dans leur rôle éducatif", dès lors que la famille "se trouve dans une situation difficile".

Pour Familles rurales, "la solidarité de tous envers toutes les générations est une valeur essentielle de la politique familiale. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et il est du rôle des pouvoirs publics de les accompagner, en particulier lorsqu'ils sont en difficulté".

Nous nous permettons de demander ce que peut impliquer dans l'esprit des dirigeants de Familles rurales la phrase selon laquelle "les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants" sauf à suggérer qu'alors ils portent une responsabilité, au moins partielle, dans le cas amenant la société à réparer les lacunes, socialement dommageables, de leur éducation…

Qu'il s'agisse des anciens ministres socialistes de la Justice ou des organisations du type de Familles rurales il y a là un double langage et un manque de sincérité trop évidents pour ne pas être relevés et dénoncés.

Défendre la liberté c'est d'abord réhabiliter le sens des responsabilités.

JG Malliarakis

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(1) Sur France Inter le 31 juillet.

(2) JO des débats.

(3) Nous recommandons la lecture de l'ensemble des rubriques du Code pénal dépendant de l'article 227. Et nous posons simplement la question : ces dispositions sont-elles réellement appliquées, par exemple, parmi d'autres, celles qui ont trait à l'incitation de mineurs de 15 ans à la mendicité (article 227-19) ?

(4) Or les études supérieures se révèlent moins coûteuses pour la collectivité et elles le sont infiniment plus pour les familles que le traitement de la jeunesse délinquante dans des centres fermés…

(5) Familles rurales est officiellement le plus gros mouvement familial français.

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