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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 5 AOÛT 2002

LES SURPRENANTES COMPLAISANCES ÉTATIQUES AUTOUR DES SECTES

De Lebranchu à Perben la question des dysfonctionnements du service public de la Justice en France reste posée.

Cela fait bientôt 20 ans qu'en France règne un imbroglio juridique incompréhensible autour des sectes en général et de la Scientologie en particulier. Depuis 1982 le rapport Vivien a désigné cette organisation pour l'une des représentantes les plus dangereuses (1) du phénomène sectaire voisinant avec la pseudo religion de Moon et la caricature hindouiste de Krishna.

La principale caractéristique de la Scientologie, ce qui la distingue de tout ce que l'on appelle globalement et pêle-mêle des sectes, c'est qu'elle ne vise ni particulièrement les doux dingues en mal de spiritualité frelatée (clients habituels des Sectes) ni non plus l'objectif de constituer une religion de rechange. C'est très tardivement, et seulement pour des raisons de tactique, et aux États-Unis, afin de se protéger du droit du 1er amendement de la Constitution américaine, que la Scientologie a fait semblant de s'instituer et de s'intituler Église.

Pour faire court, et contrairement à toutes les Églises chrétiennes et même au bouddhisme, la Scientologie n'a aucun caractère compassionnel. La meilleure façon d'aider, dans son système, c'est d'enseigner à s'aider soi-même et à devenir plus fort. Cette doctrine n'est peut-être pas entièrement absurde en elle-même, on la trouve aussi bien chez La Fontaine, chez Nietzsche ou Lao-Tseu : ici elle est poussée à l'extrême.

La Scientologie est une marque déposée : ce n'est certainement pas une Église, ni une religion, au sens le plus courant que l'on peut attribuer à ce mot.

Depuis 20 ans, les poursuites contre la Scientologie ont toutes échoué parce qu'elles se fondent sur certaines notions insuffisantes de notre Code Pénal napoléonien, cartésien et, à tant d'égards, matérialiste telle que l'escroquerie, l'abus de confiance, l'exercice illégal de la médecine etc. dont il est évidemment très délicat d'affirmer qu'institutionnellement ses responsables les commettraient, automatiquement et pour ainsi dire statutairement.

En tous cas, ces gens (2) ne font pas plus de fausses promesses que les politiciens et d'ailleurs ils ne vendent pas plus de paradis que les autres. Se situer sur ce dernier terrain c'est faire un extraordinaire cadeau non seulement aux Scientologies mais aux ennemis du phénomène religieux en général (3).

Toujours est-il, que, ce 26 juillet, Mme Bismuth-Sauron, juge d'instruction à Paris a accordé une victoire de procédure aux Scientologues, victoire de procédure dont ils se sont immédiatement emparés pour la transformer en victoire juridique.

Le 12 juillet déjà la procédure de 1983 avait été déclarée close. Le 26, l'ordonnance de Mme Bismuth constatait la prescription de l'action publique dans l'autre dossier parisien en cours, ouvert en 1989, pour des faits qualifiés d'escroquerie.

On se souvient qu'en 1998 une incroyable disparition des pièces de procédures avait éclaboussé la machine judiciaire française et que pendant 3 ans, jusqu'à sa relaxe le 13 décembre 2001 par le Conseil Supérieur de la Magistrature, Mme Moracchini qui instruisit le dossier pendant 10 ans avait été soupçonnée de complaisance vis à vis de la Secte.

Aucun acte de procédure n'avait été accompli depuis le 4 février 1993 et la Cour avait considéré en 1999 dans un arrêt du 29 septembre que la disparition des pièces constituait bel et bien un obstacle de droit "imputable au service public de la justice".

Aujourd'hui, devant la paralysie de l'institution judiciaire il faudra bien se résoudre à légiférer afin de trancher de la question selon laquelle il est permis à cette psychanalyse de bazar, appuyée sur les écrits aberrants de Lafayette Ron Hubbard, très coûteuse pour ceux qui s'y adonnent, est ou non licite en Europe (4), si elle est ou si elle n'est pas une escroquerie en elle-même, si elle est ou si elle n'est pas une atteinte totalitaire à la liberté humaine.

Puisqu'on entre actuellement en voie de chasse aux sorcières contre un petit mouvement de 60 adhérents, sous prétexte de l'attentat du 14 juillet, commis par un fou, il serait raisonnable de s'interroger sur la vraie nuisance d'un réseau de 60 000 adeptes et de quelques autres.

JG Malliarakis

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(1) Il est important de constater que, jusqu'ici, la source la plus couramment invoquée en matière sectaire, y compris dans le cadre de rapports parlementaires, est l'administration anonyme des Renseignements Généraux.

(2) Que je tiens personnellement pour repoussants.

(3) Car les sectes, qui sont de grossières contrefaçons, caricaturant les religions, semblent plutôt devoir être rangées au nombre des adversaires du fait religieux traditionnel. Que l'avocat de la Scientologie soit Me Olivier Metzner lève les derniers doutes qu'on pouvait éprouver à ce sujet.

(4) Puisque l'Europe institutionnelle se veut axée sur la défense du consommateur, ne pourrait-elle pas légiférer dans ce sens, en analysant la qualité du service rendu de la fameuse "Dianétique" autour de laquelle on a vu tant de publicité  ?

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