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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 6 AOÛT 2002

L'ÉTATISME REDISTRIBUTEUR POLLUE ENCORE LA NOUVELLE MAJORITÉ

L'État doit se concentrer sur ses vraies missions : sécurité, liberté, défense et recherche de l'égalité entre les Français." (Jean-Louis Debré). Ci-dessus, posant pour Le Parisien, le 4 personnage de l'État semble dire : échec et mat à ses adversaires. En fait, il collectionne les républiques...

Un vigilant chroniqueur du ouèbe (1) s'indigne et alerte ses correspondants à la lecture des propos de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, tels qu'ils ont été rapportés et légèrement déformés par Associated Press qui lui prête la déclaration suivante : "L'État doit se concentrer sur ses vraies missions : sécurité, liberté, défense et recherche de l'égalité entre les hommes".

Et, à juste titre, notre sympathique correspondant s'en inquiète

Comme souvent d'ailleurs les propos sont modifiés par les médiats car M. Debré n'a pas exactement déclaré cela. Il s'agit d'un entretien publié par le Parisien-Dimanche du 4 août. On gagne toujours à se reporter au texte exact et au contexte. Ça commence par : Trouvez-vous normal l'augmentation de 70 % du traitement des ministres ? Réponse : Cette question aurait dû être réglée par le précédent gouvernement. Et le titre choc est : "La Corse, c'est la France !" Répondant à la question "Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de vendre les bijoux de famille en lançant la privatisation d'Air France ?" M. Debré junior affirme : "Qu'ils se trompent ! Il s'agit tout simplement d'adapter certaines entreprises à la concurrence internationale. L'État doit se concentrer sur ses vraies missions : sécurité, liberté, défense et recherche de l'égalité entre les Français."

On le voit : M. Jean-Louis Debré, qui passe pour un sot, se révèle plus habile dans son propos que son débit maladroit et son regard absent le laisseraient parfois présager.

On remarque ainsi qu'il ne parle pas de "l'égalité entre les hommes" mais de "l'égalité entre les Français."

Rhétoriquement cela a un peu plus l'apparence de la recevabilité. Nous sommes, en tout cas, habitués à ce langage. On peut lire quelque chose d'approchant sur tous les monuments publics républicains et il paraît que le principe d'égalité serait en quelque sorte le socle du Droit français. Comme les animaux d'Orwell tous les Français sont égaux devant la loi même si certains sont plus égaux que d'autres (2).

De l'égalité entre les Français à l'égalité entre les hommes il n'y a, cependant, qu'un pas à franchir et l'Assemblée constituante française de 1789 a mis exactement 24 jours pour y parvenir entre le 4 et le 26 août. Après avoir aboli (en principe) les privilèges c'est-à-dire les lois particulières, après avoir dépassé, parmi les nombreux textes en lice, le premier projet de Sieyès suggérant simplement que "tout citoyen est également soumis à la loi" (3) l'assemblée vota, du 20 au 26 août, la fameuse déclaration proclamant en son article 1er que les Hommes naissent et demeurent laissent libres et égaux en droit. Les Hommes : pas seulement les Français.

Cette déclaration se veut universelle et elle emprisonnera perpétuellement les héritiers du jacobinisme et du bonapartisme dans la contradiction entre leur chauvinisme caractériel et leur universalisme théorique. Elle les incite à s'acharner dans la poursuite d'une égalité déclaratoire supposée demeurer telle qu'au jour de la naissance.

Or cette poursuite se révélera d'autant plus coûteuse qu'elle est vaine, par définition.

Il me semble personnellement qu'Antoine de Rivarol a définitivement répondu à la déclaration de 1789 en disant : les hommes naissent nus mais ils vivent habillés. Mais cela laisse entier débat fondamental : si les hommes, ou les Français, sont égaux en droit, doivent-ils à tout prix, être identiques en fait ?

Si on pense nécessaire de s'acharner à égaliser les conditions, en considérant qu'il est indigne d'être pauvre (et malade, et laid, etc.) et qu'il est injuste d'être riche, beau et bien portant, et que c'est de la faute des riches si les pauvres sont pauvres, les malades sont malades, les laids sont laids, etc. on est, en gros, voué à être un homme de gauche et on se reconnaît plus ou moins, alors, dans la majorité législative qui gouverna la France de 1997 à 2002. Sauf erreur, cette gauche égalitaire française a été renvoyée dans l'opposition par la majorité des Français entre le 21 avril et 16 juin derniers.

Mais M. Jean-Louis Debré et ses pareils ont-ils renoncé à l'égalitarisme ?

Manifestement non. Leur parti arbore symboliquement le Bonnet phrygien des sans culottes révolutionnaires pour bien signifier cet égalitarisme.

Ils en font même une fonction régalienne de l'État.

Or, ceci annule par définition le concept même de fonctions régaliennes puisque la correction des inégalités suppose la redistribution, et la mise en place de mesures sociales démocrates de plus en plus coûteuses. La volonté étatique de redistribution coûte, en gros, 3 fois aujourd'hui le coût des fonctions régaliennes, au point de compromette de plus en plus l'exercice de ces dernières en France.

Il faudra donc bien qu'un jour ou l'autre M. Jean-Louis Debré et ses amis disent clairement s'ils ont choisi, ou non, entre les tâches de sécurité, de liberté, et de défense et ce qu'il appelle la recherche de l'égalité.

JG Malliarakis

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(1) M. Philippe Robert dans son bulletin du 4 août.

(2) Que ceci soit l'occasion de recommander une fois de plus la lecture, et même la diffusion de ce remarquable conte philosophique de George Orwell qu'est la Ferme des Animaux.

(3) Article 14, texte du 20 juillet. Cf. Stéphane Rials La Déclaration des Droits de l'Homme, Pluriel, 1988, p. 604.