COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 28 AOÛT 2002
NON M. FILLON LES RÉFORMES DE LIBERTÉ CELA NE S'IMPROVISE PAS !
"La politique n'est pas l'art du possible, mais l'art de rendre possible ce qui est nécessaire" (Richelieu).
En recevant les porte-parole des bureaucraties syndicales et patronales ces 27 et 28 août, M. François Fillon, ministre du Travail et de la sécurité sociale, a lancé ce qu'on appelle conventionnellement la rentrée sociale.
Les premières réactions enregistrées à la suite de ces entretiens permettent, sans doute, de décerner deux petits bons points à l'élégant disciple et continuateur de Philippe Séguin et à son ondoyant discours :
1° Ce qu'il semble suggérer donne l'impression d'irriter fortement le camarade Thibault, chef indéboulonnable de la CGT.
Quelqu'un ou quelque chose qui disconvient à l'appareil stalino-cégétiste ne saurait être entièrement mauvais.
2° Comme une seiche secrète un nuage d'encre protectrice, Filon demeure assez ténébreux quant aux objectifs réels assignés à la négociation. Il a probablement tiré certaines leçons de l'expérience désastreuse de 1995, où le discours psychorigide et l'arrogance technocratique de M. Juppé et de son mirifique Plan, annoncé en fanfare le 15 novembre, salué triomphalement le 16 par les médiats et les éditorialistes conformistes, a provoqué 2 mois de désordres stériles pour la Réforme et ravageurs pour le Pays.
C'est donc, là aussi, un bon point que de ne pas vouloir faire comme M. Juppé.
Seulement voilà. Ce n'est pas suffisant. Un certain nombre de réformes sont urgentes et le gouvernement le sait. Au lieu de le faire savoir très clairement à l'opinion, au lieu de mobiliser tous ceux qui entendent alléger effectivement le pays de son pénible tribut, hérité de 20 ans de socialisme et de 40 ans de technocratie, le pouvoir donne l'impression de tergiverser, de vouloir s'arranger avec un Blondel et peut-être de tendre à s'accorder avec un Thibault.
Entre la psychorigidité d'hier et l'improvisation, au moins apparente, d'aujourd'hui, il y a place pour une attitude différente démontrant les avantages résultant d'espaces de libertés plus larges et de contraintes administratives moins rigides.
L'affaire des 35 heures est, à cet égard, significative. Ou bien on laisse encore croire que la réduction impérative du temps de travail a créé des emplois, et alors la démagogie des bureaucraties syndicales pourra se développer en toute impunité. Ou bien on est convaincu, expérimentalement ou logiquement, du contraire et on le fait comprendre. On ne parviendra pas à ce résultat auprès de M. Thibault, qui de toutes manières ne comprend que ce qu'il est décidé à faire prévaloir, et qui n'a guère l'expérience de ce qu'est une entreprise concurrentielle (1). Du moins, pourra-t-on s'adresser aux 14 millions de personnes actives salariées et aux 4 millions de travailleurs indépendants qui nourrissent la France. On peut aussi espérer en convaincre une partie des fonctionnaires et des personnels à statut, des retraités qui votent et des jeunes Français qui se préparent à prendre la relève.
Non, par conséquent la réforme ne s'improvise pas : elle se prépare d'abord dans les esprits.
Dans Les Échos (28 août) on pouvait lire cet étrange titre de première page : "35 heures : la réforme se fera par étapes." Mais voilà tout de même une curieuse aventure que ce Tour de France dont nul ne sait où se situera la ligne d'arrivée, ni même dans quel sens il franchira les Pyrénées du SMIC, les Alpes de la RTT ou l'épreuve Contre la montre des charges sociales et fiscales.
Un sourd débat semble même opposer (2), au sein du gouvernement Raffarin, ceux qui entendent tenir les promesses électorales argumentées de baisse de la fiscalité, et ceux qui prétendent prendre argument ou prétexte des incertitudes de la croissance, sans doute pour contribuer plus assurément à la ralentir.
On a pu lire à ce sujet, en date du 22 août, un texte bien révélateur de la vieille murène centriste Méhaignerie (3). ce suprême habile développe hypocritement (dans Le Monde comme par hasard) la logique des doutes qu'il entretient, ce bon apôtre, à propos du taux de 3 % assigné pifométriquement à, la croissance prévisionnelle.
Si la supériorité de la liberté sur la bureaucratie s'indexe, en France, sur le cours du baril de pétrole (4), nous sommes en effet exposés à attendre encore longtemps notre émancipation sociale.
En bon élève de l'école étatique française, M. Fillon aime probablement les citations de Richelieu. Nous lui dédierons donc l'apophtegme cardinalice définissant la politique qui "n'est pas l'art du possible, mais l'art de rendre possible ce qui est nécessaire".
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(1) Sa carrière a été lancée lors du prétendu mouvement social de novembre et décembre 1995 en tant que jeune porte-parole des cheminots décidés à maintenir coûte que coûte le régime spécial de retraites des agents de la SNCF. Puis la direction du parti communiste en a fait le chef de la CGT, élu de pure forme, seul candidat, lors du congrès de Strasbourg.
(2) en dépit des démentis véhéments mais peu convaincants de M. Copé devant la presse ce 27 août.
(3) Pour récompenser ce grand finaud de ses multiples retournements la nouvelle majorité a accepté de faire, de ce financier d'un genre très particulier, le patron de la très stratégique Commission des finances de l'Assemblée nationale, succédant à Emmanuelli.
(4) comme il est hélas d'usage de le faire sur la scène internationale s'agissant des Droits de l'Homme.
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