COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 2 SEPTEMBRE 2002
LES ALLÉGEMENTS DE CHARGES N'ONT JAMAIS ÉTÉ QUE DES ARTIFICES
La Loi Veil (à g.) sur la sécurité sociale de juillet 1994 oblige l'État à les compenser. Ces allègements risquent donc de devenir la plaie des finances publiques. (à dr. M. Raffarin recevant le rapport Nasse)
Pendant des années, au moins depuis 10 ans, on a entendu les hommes politiques de droite chercher maladroitement à se faire écho d'une vraie préoccupation grandissante des responsables d'entreprises français. Dans les années 1980, un thème fréquent avait été la complexité dommageable de réglementations. Et on imagina de répondre par le simple slogan de la simplification administrative. Dans ce même esprit, les années 1990 avaient vu la montée d'un très fort mécontentement contre la lourdeur des charges sociales.
On a cru y répondre en proposant l'allégement sélectif et subventionné en faveur des bas salaires.
C'est contre cette forme d'allégement, sélectif et subventionné, que nous entendons mettre ici en garde. Il transfère les charges. Loin de les alléger, il en alourdit les effets.
Ne négligeons pas la part de bonne volonté, parfois même de lucidité, de cette suggestion.
Le tribut du travail est ridiculement lourd en France.
Avec la Belgique et l'Italie, la France caracole en tête du chiffre qui nous semble le plus significatif et que nous appelons multiplication de charges sociales et fiscales : c'est-à-dire du coefficient existant entre le revenu net perçu par le salarié moyen et le coût salarial de ce salarié, vu du point de vue de l'entreprise.
Tant qu'on n'aura pas pris conscience de cette forme, contemporaine, et bien réelle, de la "plus value" (1), tant qu'on n'aura pas mesuré ce que le coefficient multiplicateur introduit de nuisances dans l'économie et la société, on n'aura qu'une idée faible et fausse des causes du déclin national français. Je le dis ainsi parce que je l'analyse ainsi.
Dans les deux autres pays également atteints, ou comparablement affligés en Europe, de coefficient multiplicateur supérieur à 1,8, en Italie et en Belgique, la conséquence implacable est la division du pays entre un "Nord" qui révèle industriel et dynamique et un "Su " assisté. Autre réponse : le travail clandestin.
Cela, nous en convenons froidement dès lors que nous observons objectivement nos voisins et amis. Le royaume de Belgique ne semble pouvoir s'en sortir que par une évolution de plus en plus "fédéraliste" et, à terme, par la scission. L'Italie cherche une réforme libérale, qu'elle trouvera, nous l'espérons pour elle, par un très grand effort.
Pourquoi la France échapperait-elle à ces conséquences qui relèvent tout simplement de la logique sociale ? (2).
Dans de telles conditions que veut dire l'expression "alléger les charges", si, globalement on ne s'attaque pas aux contreparties de ces charges qui sont les gaspillages publics ? Quelles sont les conséquences de ces "allégements" qui sont, en réalité des transferts de charges ?
On a pu le constater empiriquement avec les innombrables dispositifs d'aide à l'emploi des 10 dernières années. On aurait pu faire l'économie de cette expérimentation sur le corps social français, car tout s'est déroulé de manière très logique. Qu'on soit passé de 150 milliards de francs à 20 ou 25 milliards d'euros ne change rien : ces "aides" ont en effet, plus ou moins bénéficié (faussement car artificiellement) à ceux qui les ont reçues. Elles ont contribué à faire évoluer les mentalités vers plus de désir de chasse à l'allocation. Elles ont compliqué la tâche administrative, car on ne navigue pas impunément dans les marécages de 60 dispositifs différents. Et elles ont alourdi la barque des cochons de payants, ceux dont le métier naturel est de satisfaire leur clientèle par un produit attractif, utile et bon marché.
De plus en plus ces aides transitent par ce qu'on appelle de façon pittoresque, des tuyauteries comptables : ce fut d'abord la CSG, pour ne citer qu'un exemple, puis son effarante augmentation, puis le "basculement" des cotisations maladie sur la CSG. Les chiffres sont de plus en plus opaques. Le public n'y comprend rien car les journalistes n'y connaissent rien, s'en désintéressent, se gardent bien de lire de poussiéreux rapports officiels de plus en plus volumineux. Haro sur celui qui proteste ou s'insurge. On vote même des lois spéciales pour les condamner par avance.
Au bout du compte, cette ignorance de l'opinion combinée à l'aveuglement des dirigeants se traduit par un résultat chiffré : les mauvais chiffres des comptes publics français, connus avec retard.
Cette plaie des comptes est le reflet d'un très grave dysfonctionnement de l'économie.
C'est un vrai péril pour le pays
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(1) Car la "plus value" selon Marx est un concept archaïque et parfaitement irréel
(2) Ceci nous renvoie à ce que Ludwig Von Mises appelle la praxéologie.
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