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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 6 SEPTEMBRE 2002

LES GOUVERNANTS ISSUS DU SUFFRAGE UNIVERSEL À LA MERCI D'UN BLONDEL

Le psychodrame budgétaire a au moins un mérite : il met en lumière la vraie situation de la France.

Dans "Le Monde" daté du 6 septembre, le secrétaire général de Force ouvrière a l'audace de mettre en garde le gouvernement issu du suffrage universel. "Nous irons, dit-il, au conflit".

Dans un fatras de ces raisonnements en trompe l'œil dont il a le secret (1), M. Blondel a la franchise en effet d'annoncer clairement son plan d'action :

"La fédération générale FO des fonctionnaires va organiser une grande consultation. Tous nos syndicats sont invités à dire quels sont leurs besoins et à faire des suggestions d'amélioration du service public. Il s'agit de montrer ce que font les fonctionnaires. Les résultats de cette enquête seront rendus publics d'ici à la fin du mois de septembre. C'est une façon, syndicale, de contribuer au débat sur la réforme de l'État. Nous discuterons également de la situation avec les autres organisations syndicales de la fonction publique." C'est bien là son propos essentiel.

Blondel poursuit : […] "sauf erreur de ma part, le gouvernement n'augmentera pas, cette année, les salaires des fonctionnaires. Cela va leur rester en travers de la gorge. D'autant qu'ils avaient déjà eu le sentiment d'être traités avec légèreté par leur précédent ministre, le socialiste Michel Sapin. Et si, début 2003, les pouvoirs publics se mettent à nous parler de retraite, de la réforme des pensions, alors, à coup sûr, les fonctionnaires vont craquer. Et nous irons au conflit."

Ainsi, derrière un discours sur des revendications de toutes sortes, sur les salaires, sur les retraites, derrière une soi-disant doctrine d'attachement au service public, la vraie question, celle qui intéresse Blondel, est de préparer une mobilisation intersyndicale destinée à enrayer toute capacité de diminuer le nombre des fonctionnaires, en dépit de la légitimité démocratique du gouvernement et des assemblées.

Le pouvoir s'apprête, en effet, à programmer une baisse du nombre de fonctionnaires en 2003. Cela s'inscrit dans les lettres plafond budgétaires datées du 7 août (2).

À l'examen pourtant, la baisse des effectifs prévue est assez dérisoire : sur un total de 58 000 départs en retraite programmés l'an prochain chez les fonctionnaires de l'État central, la diminution nette des effectifs serait de 1 600 seulement. Les principaux ministères touchés seront l'Éducation étatique et les Finances.

Rapportée aux 1 339 000 emplois du ministère de l'Éducation Nationale, la diminution serait de 2 500 personnes, alors même que les sureffectifs ont toujours été masqués rue de Grenelle sous les ministres successifs (3) et que le nombre des écoliers et des lycéens est en train de diminuer assez rapidement.

On nous dit aussi que, avec un effectif en diminution de 1 385 fonctionnaires sur 186 900 (moins de 0,8 %), les syndicats du ministère des Finances seraient furieux.

Il y a pourtant urgence à redéployer l'effort de la nation sur les fonctions régaliennes de l'État. Si l'on peut applaudir aux renforcements des tâches de Justice et de Police, on remarquera que ces renforcements, présentés pour exceptionnels, ne seront pas considérables : + 1 884 fonctionnaires pour la Justice, + 1 926 personnes pour la Police.

Quant à la Défense nationale on remarquera que ses effectifs n'augmenteront que de… 40 personnes. Or, son délabrement est un secret de polichinelle. Il a été terriblement aggravé, depuis 1997, par le passage de M. Richard. On remarquera d'ailleurs, aussi, que la situation internationale met singulièrement à jour la gravité du déclin de cette fonction de l'État, dans les 10 dernières années. Ainsi, le conseil des ministres qui devrait approuver le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 (4) se tiendra le 11 septembre.

Osons donc voir, pendant qu'il est encore temps, la corrélation entre l'affaiblissement de la capacité de faire face aux menaces extérieures, dans un monde de plus en plus dangereux et l'agitation démagogique de gens comme Blondel alliés aux bons vieux appareils staliniens et gauchistes.

Les porte-parole des syndicats de la fonction publique sont très clairs dans leur rejet.

Selon le camarade Bernard Lhubert (CGT), "pour le gouvernement, réformer l'État passe tout d'abord par la suppression d'emplois. Il faut voir derrière ce premier coup porté contre les personnels de la Fonction publique, les enjeux de société".

Pour le camarade Gérard Aschieri (FSU), ces suppressions de postes "interviennent sans débat sur les besoins en services publics et leur rôle, qui sont toujours considérés comme une dépense".

Pour le camarade Roland Gaillard (FO), il s'agit d'en rajouter une couche : "il y a aussi la situation des non budgétés : les emplois jeunes, les CDD et les intérimaires". Et d'affirmer tout bonnement : "On ne se bat pas pour des chiffres mais pour avoir les moyens d'accomplir les missions de service public qui nous sont données par la loi".

En fait le camarade Blondel se propose de fédérer toutes ces protestations pour créer une situation de force paralysant comme en 1995 toute velléité de réforme.

Rappelons qu'en 1995 le gouvernement de M. Juppé voulut se passer de toute mobilisation citoyenne contre les excès et les violations de la loi commises par les grévistes et les gros bras de la CGT et de FO (5), sans doute pour conserver le caractère technocratique de sa Réforme, qui d'ailleurs a échoué.

Peut-on au moins espérer que le gouvernement de M. Raffarin ne se révélera pas, 7 ans de malheur plus tard, aussi stupide et malfaisant.

JG Malliarakis

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(1) Il n'hésite pas, par exemple, à rapprocher la formule de M. Devedjian sur la république des terroirs à la constitution de l'Union soviétique. La pique n'est pas innocente car M. Blondel n'oublie jamais de jouer sur l'ambiguïté antistalinienne de ses propres accointances trotskistes.

(2) Le Monde les a diffusées en date du 4 septembre.

(3) Bayrou, Allègre qui pourtant promettait de "dégraisser le mammouth" (et ne l'a pas fait) puis Lang ont eu la même attitude sur ce point.

(4) Pendant les six ans à venir, le montant annuel des crédits d'équipement militaire devrait progressivement passer de 14 milliards à seulement 15 milliards d'euros. La première version de cette loi de programmation, couvrant les mêmes six années, élaborée par le gouvernement Jospin avait prévu de le descendre encore à 13 milliards d'euros. Or, l'écart n'a pas cessé de se creuser avec la Grande-Bretagne qui alloue 2,5 % de son Produit Intérieur Brut à la Défense, au lieu de 1,8 % pour la France. La hausse globale de 6,11 % du budget français de la Défense, dès 2003, doit donc être considérée comme un simple effort de survie et la programmation du deuxième porte-avions comme une évidente nécessité technique.

(5) Ils bloquaient alors illégalement et à quelques centaines seulement les dépôts d'autobus et les terminus du métro. M. Juppé s'est opposé à ce qu'on les déloge et à ce qu'on laisse s'organiser la protestation des 14 millions d'usagers non-grévistes pris en otage.

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