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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 3 OCTOBRE 2002

LA RESPONSABILITÉ DES FAMILLES ENJEU D’UNE LUTTE POUR LA LIBERTÉ SOCIALE

L’idée que le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Enseignement scolaire puissent appliquer la loi choque nos médiats et trouble l’administration.

Les bons esprits se scandalisent depuis quelques jours à l’évocation d’amendes familiales qui seraient prévues dans la loi sur la Sécurité intérieure préparée par M. Nicolas Sarkozy. Et, depuis juillet, la presse s’alarme aussi à l’idée qu’on introduise la suppression des allocations familiales pour les familles dont les enfants désertent l’école.

Pourtant, un arrêté du 8 août 1966 prévoit déjà la suspension des allocations familiales en cas "d’absence non justifiée pendant au moins 10 demi-journées dans le mois".

Également, le décret 66-104 en date du 18 février 1966 dispose des amendes de 60 à 305 euros dès lors qu’un enfant a manqué la classe "sans motif légitime ou excuse valable 4 demi-journées dans le mois", malgré des avertissements répétés de l’inspecteur d’académie.

Ce qui choque nos médiats semble donc l’idée que les projets du ministre de l’Intérieur tendent à appliquer la loi à des familles qui ne la respectent plus : venant après 30 ans de laxisme généralisé, voilà un "recul" de 30 ans en arrière, pour sûr.

Les mêmes bons esprits affectent donc de redouter que cette répression fragilise un peu plus "les familles les plus démunies". Confondant tout, la gauchiste FCPE (1), s’emploie ainsi à rapporter le montant évoqué qui serait celui des amendes prévues aux montants respectifs du SMIC et du RMI.

M. Xavier Darcos ministre délégué à l’Enseignement scolaire estime à beaucoup plus de 100 000 jeunes touchés par le manquement à l’obligation scolaire. Et M. Gabriel Cohn-Bendit, bien qu’hostile à la répression (2) reconnaît que "les mafias de gosses existent".

De nombreux proviseurs et principaux de lycées ou de collèges, ayant remplacé l’appel des élèves par des codes barres censés vérifier les absences estiment que les textes existants sont suffisants, font courageusement chorus avec les adversaires de la rigueur : "L’absentéisme est un problème délicat déclare-t-on… Il touche souvent une frange de publics en difficulté".

Tous ces braves gens ne semblent pas se rendre compte évidemment que l’absentéisme scolaire aggrave et ne résout certainement pas ces difficultés !

À l’inverse, le 29 mai dernier (3) le chef de l’État avait lancé l’idée d’un crédit d’impôt Famille entreprise ouvrant droit à une déduction fiscale en faveur des entreprises qui développeraient des actions pour aider leurs salariés à concilier vie familiale et professionnelle. Et le ministre délégué à la Famille, M. Christian Jacob, annonçait ce 26 septembre la création de 3 groupes de travail, dont l’un "étudiera les modalités de mise en œuvre du crédit d’impôt Famille entreprise, promesse du président de la République pour inciter les entreprises à soutenir la politique familiale." Cette petite merveille d’incitation fiscaliste sera proposée au printemps 2003 lors de la conférence de la Famille.

Difficile de trouver une meilleure illustration de cette forte pensée de Richelieu : "La peine et la récompense sont deux principes tout à fait nécessaires à la conduite des États" (4). Cette idée prend tout son sens, éclairée de la considération suivante : "je fais marcher la peine devant la récompense parce que, s’il fallait se priver de l’une des deux il vaudrait mieux se dispenser de la dernière que de la première. Le bien devant être embrassé pour l’amour de soi-même, à la rigueur on ne doit point de récompense à celui qui s’y porte."

Simplement, au-delà de cette impressionnante dissymétrie, qui est d’ordre philosophique, on retiendra aussi, très concrètement l’impuissance grandissante de l’État. Ce concept quelque peu abstrait s’incarne en pratique dans une bureaucratie de fonctionnaires. Et l’État éprouve les plus grandes difficultés à faire passer son propre message auprès des agents de ses administrations. Le ministre Darcos peut bien dire et penser ce qu’il veut : si les enseignants syndiqués et les proviseurs rechignent, son modèle éducatif ne passera pas, en dépit du désir exprimé par le suffrage universel en ce printemps 2002.

En contrepartie l’incitation fiscale des entreprises laisse songeur. Si pertinent que soit le symbole, l'idée semble un peu tirée par les cheveux. Le principe en est excellent, mais l’État n’a ici rien à donner. Tout au plus restituera-t-il chichement un petit quelque chose de ce qu’il prélève abondamment.

On se contentera donc d’applaudir, faute de mieux, si seulement les promesses d’application de la Loi sont tenues.

Ainsi, la cause de la Liberté sociale commencera bel et bien par la responsabilisation des familles.

JG Malliarakis

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(1) Fédération des Conseils de Parents d’Élèves de l’enseignement public, avant-garde du laïcisme et du socialisme scolaire.

(2) Frère de Daniel Cohn-Bendit, il est le fondateur d’un Lycée autogéré à Saint-Nazaire.

(3) À l’occasion de la remise de la Médaille de la Famille.

(4) Cette idée fait l’objet du Chapitre V (pages 338 et suivantes) des Maximes d’État, seconde partie du célèbre Testament politique du cardinal de Richelieu édition critique publiée par Robert Laffont en 1947. La célébrité de ce texte fameux n’a hélas d’égale que l’étroitesse de son lectorat.

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