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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 10 OCTOBRE 2002

PAUPÉRISATION DE LA BRANCHE FAMILLE

ET DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE

Christian Jacob : "nous allons reprendre la réforme du divorce". Mais en fait il faudrait repenser de manière radicalement plus forte l’action en faveur de la famille !

Derechef, ce 9 octobre, dans Les Échos, le ministre délégué à la Famille, communiquait sur la nouvelle politique familiale du gouvernement. M. Christian Jacob, compte "reprendre la réforme du divorce sur la base du texte revu par le Sénat." Cela signifie qu’il se veut "peu acquis à la suppression du divorce pour faute et à la déjudiciarisation de la procédure de divorce". Car cette suppression et cette déjudiciarisation étaient en effet, l’une et l’autre, froidement envisagées dans le projet d’origine du Gouvernement Jospin.

Même si tout cela demeure essentiellement symbolique (1), on ne saurait se plaindre de voir un gouvernement français se préoccuper de la Famille. Et, par exemple, il sera de bon ton de se féliciter aussi dans les projets gouvernementaux du prolongement de 20 à 21 ans du versement de l’allocation 3 enfant. Voilà bien une toute petite avancée dont on conviendra qu’elle est légitime : c’est au moment où le coût réel des études est le plus élevé, à partir de 18/20 ans que le système d’allocation abandonnait les familles.

Mais, hélas, cette réhabilitation très partielle de la Famille mérite d’être rapportée au caractère dramatique de la démographie française et européenne.

Des nouvelles catastrophiques de la natalité nous arrivent de tous les pays développés. En Europe, le taux de fécondité de plusieurs pays est aujourd’hui inférieur à 1,5 (1). Le 8 octobre, le New York Times, publiait en 1re page une information selon laquelle, aux États-Unis, la population juive serait en diminution étant passé en 10 ans de 5,5 à 5,2 millions de personnes (2). Ce 9 octobre débutait, parallèlement, le premier recensement russe depuis la chute de l’URSS. La Fédération de Russie, pays le plus vaste du monde compterait actuellement 143 millions de personnes. Elle est en recul depuis 1992. Sa "petite" sœur ukrainienne, — grande comme la France, — se dépeuple, elle aussi. Etc.

Dramatiques est aussi, à cet égard, l’euphorie trompeuse des statistiques quantitatives diffusées dans le public relativement à la France. On la présente comme un pays de démographie très dynamique, sous prétexte qu’avec un taux de fécondité de 1,89 elle serait en Europe à égalité avec l’Irlande.

Or, de toutes manières, 1,89 ce n’est pas brillant. Le renouvellement des générations suppose une fécondité de 2,1. Et, si les pays d’Europe du sud se traînent dramatiquement aux alentours de 1,3 — ce dont on ne saurait se féliciter, — le "surplus" de dynamisme relatif de la France est à l’évidence issu de l’immigration.

On pourra donc difficilement échapper à la nécessité de repenser de manière radicalement plus forte l’action en faveur de la famille.

En vérité deux expressions, apparemment voisines désignent l’intervention de l’État dans l’intimité sociale et familiale. Les uns défendent "la" Famille. Les autres prétendent aider "les" familles. De loin, on peut éprouver le sentiment qu’il s’agit de la même chose sous des mots différents. De près, on découvre, au contraire, que ces expressions assez proches désignent des orientations strictement antagonistes. Si proximité il y a, c’est ce voisinage dont on fait les querelles et dont on peut redouter les guerres civiles. En réalité la distinction est bien fondamentale dans ses conséquences pratiques.

En 1945, on fondait en France une politique de la famille française combinant à la fois une préoccupation de redressement de la natalité et une doctrine d’aide sociale à un certain modèle familial français : cela se traduisit par la mise en place d’allocations dites familiales, essentiellement destinées à l’enfance.

Un tel modèle est aujourd’hui complètement brouillé puisque, sur la trentaine d’allocations gérées par la CNAF, environ 70 % d’entre elles ont été conçues dans un strict esprit de redistribution tout à fait contraire au modèle de "la" famille, car elles aident plus particulièrement le parent unique, singulièrement les immigrés, etc. Tout cela correspond à un désir évident de bien faire (4) mais cela entraîne concrètement des conséquences hélas mesurables. De plus, globalement, la Branche Famille avec 42 milliards d’Euros de prestations en 2001 représente 3 fois moins que les 127 milliards de prestations de la Branche Vieillesse en hausse constante (5).

Cela veut bien dire que l’État français, ou plutôt le système social monopoliste imposé par la réglementation française et piloté par Bercy, investit dans la vieillesse plus que dans l’enfance et la natalité. Ce phénomène s’observe économiquement et socialement en terme de "paupérisation relative des jeunes adultes". Un tel mécanisme économique et social a été mis en lumière par les travaux de M. Philippe Bourcier de Carbon (6). Le choix de la famille "d’au moins 3 enfants" (7) devrait constituer bien évidemment un minimum culturel si l’on souhaite voir l’Europe sortir de sa pente mortifère. Or, les familles qui opèrent ce choix indispensable nationalement se marginalisent socialement. Et c’est bien cela qui entraîne le recul statistique du taux de fécondité.

Le fond de notre sentiment demeure cependant que le véritable redressement de la vitalité familiale française reposera demain, non plus sur les systèmes d’allocations conçus au milieu des années 1940 (8) mais sur un accroissement des espaces de liberté pour l’institution juridique et économique familiale.

Dans les décennies à venir, la multiplication et la différenciation des allocations ne seront, de toute façon, ni possibles ni souhaitables.

En revanche les mères de famille seront à la recherche de meilleures possibilités de faire coïncider travail, carrière et éducation des enfants.

Les chefs de ménages rechercheront plus de souplesse patrimoniale, et tout simplement moins de fiscalité, moins de cotisations obligatoires à taux linéaires, moins d’assistanat directif, etc.

Oui, la cause de la Liberté et de la Responsabilité dans la société française commence bien par celle de la libération et la responsabilisation des Familles.

JG Malliarakis

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(1) Mais que nos lecteurs se rassurent : "le Pacs ne sera pas remis en cause".

(2) Il est de 1,22 en Espagne.

(3) D’après l’UJC organisation regroupant 156 fédérations juives et 400 communautés indépendantes aux États-Unis, 52 % parmi les femmes juives américaines âgées de 30 à 34 ans n’auraient pas d’enfant. Une telle proportion est à comparer à une moyenne nationale américaine, toutes "communautés" confondues, qui est de 27 %.

(4) Le meilleur exemple en est donné par le Rapport Barre de 1975 sur la Réforme du financement du logement. Les intentions en étaient certainement louables mais les conséquences s’en sont révélées catastrophiques.

(5) Le rythme de croissance des prestations de la Branche Vieillesse est supérieur à 4,1 % contre 3,7 % à la famille.

(6) Démographe de l’INED, M. Philippe Bourcier de Carbon est sans doute l’un des esprits les plus acérés de sa discipline. On peut se reporter à son récent entretien à Radio Courtoisie.

(7) Une telle famille est réputée aujourd’hui "nombreuse". C’est la taille que Michel Debré proposait, sans succès, d’aider dans les années 1970.

(8) Ce système s’inscrivait dans un contexte général de rationnement et d’économie dirigée. Il reprenait à la fois, une politique non étatique mise en place en France dès les années 1920 par le patronat chrétien, accordant une prime salariale aux pères de familles nombreuses, en même temps qu’une préoccupation nationaliste apparue, après la guerre de 1870, dans le contexte de la "Revanche". Cette préoccupation était présente aussi à l’époque du gouvernement Daladier promoteur en 1938 du premier Code la Famille. À partir de 1944, le général De Gaulle et les hommes politiques du MRP en furent les plus ardents défenseurs.

JG Malliarakis

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