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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 11 OCTOBRE 2002

EN REVISITANT LA DIABOLISATION ARTIFICIELLE DU MACCARTHYSME DES ANNÉES 1950

On découvre les racines du système actuel.

Travailler sur le maccarthysme (1) et consulter la remarquable et décapante biographie de l'historien Arthur Herman, est uen occasion de revisiter l’étonnante Histoire américaine. En Europe nous entendons ignorer superbement l’histoire de ce pays. Nous considérons sans doute que quatrsiècles c’est trop peu. Si nous acceptions l’idée que l’Amérique a une véritable Histoire, et que celle-ci se révèle extrêmement riche, de faits et d’enseignements, nous serions peut-être un peu moins stupides.

En 1946, les premières élections de l’après-guerre furent un désastre pour tous les partisans du New Deal. C’était ce qu’on appelle des élections intermédiaires (2).

Franklin Roosevelt était disparu en avril 1945. Quelques mois avant sa mort l’homme du New Deal avait été élu pour un 4 mandat en novembre 1944. Mais il ne disposait plus que 3,6 millions de voix d’avance sur le républicain Dewey (3). Son successeur Harry Truman sera, lui-même, élu minoritaire en 1948, en partie grâce à la présente d’un sudiste défenseur de ce qu’on appelait alors le "droit des États", Thurmond lequel obtint 1,2 million de voix et 39 mandats présidentiels.

La vague républicaine et conservatrice des élections intermédiaires de 1946 comportait un furieux courant anticommuniste. Celui-ci identifiait dans sa propagande le New Deal, le parti démocrate, et ceux qu’aux États-Unis on appelle "libéraux", tout cela assimilé aux complaisances pour l’économie marxiste, pour l’Union soviétique et pour l’espionnage communiste.

C’est dans le cadre de ce grand courant que Joseph Mac Carthy, modeste juge du Wisconsin, fut élu sénateur de ce petit État. Il était un représentant caractéristique de la classe ouvrière américaine, ayant fait ses études de droit tout en étant pompiste à plein temps dans une station-service. Car aux États-Unis, la droite, ce sont d’abord les ouvriers et les paysans. Vainqueur à 38 ans d’un scrutin triangulaire, cet Irlandais catholique, sans aucune expérience parlementaire, était le plus jeune sénateur de la 80 législature. Or, celle-ci comptait dans les deux chambres une majorité républicaine sans précédent dans une élection intermédiaire depuis le XIXsiècle (élections de 1894). Au Sénat les républicains passaient de 40 à 51 sièges contre 45 aux démocrates (4). Ils avaient désormais 58 sièges de majorité à la Chambre des Représentants (où les démocrates en avaient perdu 53).

On n’avait donc pas besoin de Joseph Mac Carthy pour entreprendre une lutte anticommuniste dont le principal porte-parole était alors Robert Taft (5).

Le sénateur Taft imposa une très forte révision de la législation intérieure. En juin 1947 il fut notamment à l’origine d’une très importante réglementation du droit de grève et d’une possibilité de contrôle des finances des syndicats américains (la loi Taft-Hartley).

Mais la majorité conservatrice de 1946 imposa aussi bien d’autres réformes.

Pour la première fois depuis 1930, le budget revenait à l’équilibre avec une réduction d’impôts de 4,8 milliards de dollars de l’époque (6). La droite supprima aussi le contrôle de l’Office des prix, via la Commission Hoover destinée à surveiller et censurer les gaspillages et les fautes du gouvernement. C’est sous cette législature que la Loi de sécurité nationale permit la création de la CIA et que fut voté le plan Marshall malgré certaines critiques conservatrices.

En fait Joseph Mac Carthy ne fut absolument pas à l’origine de la grande vague anticommuniste américaine à partir des années 1940. Dès 1941, alors même que nazis et communistes étaient bel et bien alliés fut promulguée la Loi Smith mettant les agents de la propagande soviétique et de l’espionnage communiste sur le même plan que les agents nazis.

On doit évidemment mesurer que les victimes de cette répression parfaitement logique n’auront sur 15 ans été qu’en nombre assez modeste : 108 cadres et responsables du parti communiste américain, une cinquantaine de personnalités "progressistes" ont été inquiétés. Au total 2 (deux) espions avérés, les époux Rosenberg furent exécutés (7). Sur une période infiniment plus courte, 1937-1938, la répression soviétique reconnaît elle-même avoir tué 671 382 personnes et envoyé au Goulag 3,5 millions d’innocents.

Quant au sénateur Mac Carthy, mal aimé des rangs de son propre parti — où ce catholique irlandais plébéien de 10 ans plus jeune que la moyenne de ses collègues détonnait dans un milieu de grands bourgeois protestants d’origine anglo-saxonne, suédoise ou hollandaise — il s’investit dans l’anticommunisme à partir de 1948-1949, prenant le train en marche dans la Commission des activités anti-américaines, tout simplement parce que, dans les trois premières années de son mandat, on ne lui avait ouvert aucune porte d’aucune responsabilité significative.

Son heure de gloire fut courte, entre 1950 et 1952. Elle est contemporaine des deux dernières, et très sombres années, de Staline et de la guerre de Corée. Elle culmina en novembre 1952 qui vit sa triomphale réélection comme sénateur du Wisconsin et la victoire du "ticket présidentiel" Eisenhower-Nixon. Dès 1954, il fut censuré officiellement par le Sénat lui-même, par 66 voix contre 22, à l’initiative du futur président Lyndon B. Johnson, qui sera, ironie de l’Histoire, le principal responsable de l’embourbement américain au Vietnam, 10 ans plus tard.

Les excès de langage de Mac Carthy en avaient fait une tête de Turc du "politically correct" (8) et par le "radical chic" hollywoodien. Le but, à travers lui, est de stigmatiser, de "diaboliser" l’ensemble des idées de la droite populaire américaine, idées qui vont de la lutte pour les réductions d’impôts à la répression de la délinquance. Ces idées sont évidemment abominables aux yeux de ceux qui vivent de la fiscalité, du déficit et de la délinquance.

Non vraiment, il n’est pas sans intérêt de revisiter l’histoire de la période maccarthyste.

On y découvre les racines et le parfum délétère du système actuel.

JG Malliarakis

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(1) En vue de mon émission sur Radio Courtoisie de ce 11 octobre

(2) Les mêmes se dérouleront le 5 novembre prochain. Tous les 2 ans, imperturbablement depuis la fin du XVIII siècle, même en temps de guerre, les Américains renouvellent intégralement leur Chambre des Représentants et pour 1/3 le Sénat dont les membres disposent d’un mandat de 6 ans.

(3) qui en détenaient 56 dans le Sénat de 1944.

(4) il avait eu 6,9 millions de voix d’avance en 1932, 11 millions en 1936 et 5 millions en 1940.

(5) Robert Taft (1889-1953) lui-même fils du 27 président (1909-1913)

(6) = au niveau actuel des prix, environ 70 milliards d’euros.

(7) Depuis l’ouverture des archives soviétiques des années 1990 leur culpabilité ne fait plus aucun doute.

(8) expression lancée dans les années 1930 par les communistes américains.

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