COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 17 OCTOBRE 2002
LA CAUSE DE LA LIBERTÉ NEST PAS LA CAUSE DES HOMMES DE LÉTAT
"LIrak ne dispose certainement pas darmes de destruction massive" (Silvio Berlusconi)
Pourquoi certains font-ils tout pour détruire lentente euro-américaine ?
Au lendemain du 11 septembre 2001, alors que 3 000 innocents, employés et cadres de toutes nationalités ou simples pompiers irlandais de New York, avaient trouvé la mort sous les gravats des deux tours jumelles, tous les Européens, les 378 millions de ressortissants de lEurope des Quinze mais aussi les 75 millions dhabitants des pays dEurope centrale qui rejoindront lUnion en 2004 et même les 143 millions de Russes (1), se sentaient légitimement solidaires du peuple américain.
À lévidence, nos peuples sont solidaires face à la guerre que nous mène le terrorisme. On juge en ce moment à Paris certains des responsables des attentats commis dans le métro parisien en 1995 (6 ans avant le 11 septembre 2001) et, dans de nombreux pays dEurope, le terrorisme islamiste a tué des innocents, y compris en Russie en 1999.
Jusquau 11 septembre 2001 de nombreux analystes considéraient même que "les Américains", avec des guillemets car il sagit des hommes de lÉtat, entretenaient des liens privilégiés avec les financiers et les militaires protecteurs de lislamo-terrorisme, cest-à-dire pour être précis avec la dictature militaire du Pakistan et avec les émirs pétroliers dArabie Saoudite.
Plusieurs raisons, depuis lors, ont poussé la clique des faucons de Washington à sacharner cependant contre un pays qui pourtant, manifestement, na aucun lien avec terrorisme islamiste, quels que puissent être ses torts éventuels : le régime laïc irakien de Saddam Husseïn.
Disons-le franchement : les faucons de Washington nous semblent en réalité, malgré leur appellation ornithologiquement trompeuse, dauthentiques imbéciles. Aux niveaux de responsabilités quils accaparent leur sottise devient criminelle. Le plan titanesque de remodelage, à la fois pétrolier et politique, du Proche-Orient qui leur est prêté est d'ailleurs à peine croyable : il est hélas plausible.
Sottise surprenante que de se préparer à frapper un régime comme celui de Bagdad quand on le compare avec toutes les crapules arriérées dont Washington na jamais hésité par le passé à se faire des alliés.
Sottise surprenante que de dresser ainsi, contre lAmérique, lun après lautre, les gouvernements alliés et civilisés.
Prenons un seul exemple : celui de Silvio Berlusconi.
Quy a-t-il au monde de plus favorable à laméricanisme que le gouvernement de Rome ? Eh bien M. Berlusconi, président du conseil italien, déclarait à Moscou le 15 octobre : "LIrak ne dispose certainement pas darmes de destruction massive". (3)
Cela veut dire, non seulement que personne ne croit plus à la thèse dun Saddam Husseïn dirigeant, depuis Bagdad, le terrorisme islamiste mondial, mais que largument fondamental des adversaires extérieurs de son gouvernement na plus la moindre crédibilité.
Leffervescent locataire du 10 Downing Street pourra bien faire, de plus en plus seul, son numéro habituel : à tort ou à raison personne ny croit. Depuis le temps que M. Blair nous annonce des preuves nous ne les attendons même plus et nous savons même quil est seulement capable de les fabriquer (4).
Tout cela est dautant plus regrettable que lon cherche aussi à intoxiquer le peuple américain dinformations fausses. Les seuls bénéficiaires en seront les réseaux de lextrême gauche en Europe.
La Cause de la Liberté ce nest décidément pas la cause des hommes de lÉtat.
Quand on lit par exemple, dans lun des journaux les plus offensifs des faucons de Washington que "la seule chose qui pousse des dirigeants musulmans comme Hosni Moubarak à lutter contre Al Qaïda cest la peur de la puissance américaine" (5) poussant à la guerre contre Bagdad, on est effrayé, cest vrai, par la bêtise sanglante de ce raisonnement.
Dans le même article léditorialiste qui répond au joli patronyme de Gerecht (6) rappelle pourtant le caractère essentiel de la coopération euro-américaine dans la lutte contre le terrorisme.
Alors on est en droit de poser cette simple question à M. Gerecht : Pourquoi les faucons de Washington, et quelques autres, font-ils tout pour détruire lentente légitime, et nécessaire, entre Européens et Américains ?
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(1) Faut-il rappeler que les Russes ont cessé dêtre des adversaires, aux yeux des dirigeants de lEurope occidentale, avec la chute du communisme ?
(2) Cette déclaration apparaissait en première page de La Repubblica du 16 octobre.
(3) De ces torts c'est évidemment aux Irakiens de décider en grande partie. Si l'Irak constitue "une menace pour le monde", cela reste du ressort des Nations-unies de l'évaluer, ou dans des conditions définies par le Traité de l'Atlantique de 1949, du ressort de l'Otan. Cela ne peut pas être du ressort du seul gouvernement américain, qui nous semble beaucoup plus menacé par le scandale Enron, par son déficit budgétaire et par l'opposition du parti démocrate en vue des élections du 5 novembre, que par Saddam Husseïn. En 1990 l'invasion du Koweït a déclenché une coalition de 28 pays, parmi lesquels plusieurs voisins de l'Irak. La situation est totalement différente aujourd'hui.
(4) LAngleterre la prouvé et elle le prouvera encore. En vieil admirateur de lEmpire britannique on est presque déçu que nos amis Anglais soient si lents à faire en sorte que des officiers au service de Sa Gracieuse Majesté fabriquent ces fameuses preuves des liens entre Al Qaïda et les Irakiens. Tout fout le camp.
(5) Weekly Standard édition datée du 15 au 21 octobre. Lauteur de cet article, essentiellement raciste, semble ignorer que le prédécesseur de Moubarak, Anouar el-Sadate est tombé sous les balles des islamo-terroristes, et que par exemple, dans les années 1990, Hosni Moubarak mettait en garde les Européens contre la pénétration islamiste. À la même époque le gouvernement des États-Unis, mais aussi des gens comme M. Juppé ministre des Affaires étrangères (1993-1995) prêtaient main forte à cette pénétration.
(6) En allemand "gerecht" cela veut dire "convenable", "juste", "légitime", "impartial", etc.
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