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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 29 OCTOBRE 2002

L’ÉLECTION BRÉSILIENNE PROUVE QUE L’HISTOIRE RECOMMENCE TOUJOURS

Le Parti de Luis Ignacio Da Silva n’est aucunement majoritaire.

Lélection du fameux "Lula" Luis Ignacio Da Silva comme président du Brésil à sa 4 tentative, si triomphale soit-elle avec 61 % des suffrages exprimés au second tour ramène l’Amérique latine 30 ans en arrière. Elle rappellera aux États-Unis certaines réalités que leur sentiment de monopole hégémonique d’hyper puissance mondiale a peut-être égarés. Et ceci compense peut-être cela.

Le Brésil compte 170 millions d’habitants. Il est l’un des 10 pays les plus importants du monde. La première évidence est que le pouvoir de cette force, à la fois néo-marxiste et néo-keynésienne qui s’intitule pompeusement Parti des Travailleurs n’y est aucunement majoritaire. La personnalité de son chef et la stratégie de ses communicateurs lui ont assuré une confortable avance au scrutin présidentiel mais, à la base, ni dans les États locaux de cet immense pays ni sur le plan parlementaire le Parti des Travailleurs ne dispose de la majorité, ni à lui seul ni même en s’appuyant sur les autres forces de la gauche traditionnelle. Il disposera de 91 députés sur 513, de 3 gouverneurs sur 27 et 14 sénateurs sur 81.

On soulignera d’ailleurs que si le Parti des Travailleurs gagne la présidence, la vice-présidence échoit à son colistier représentant du parti libéral de centre droit, M. José Alencon, industriel du textile.

Dans de telles conditions, les contradictions de son programme soulèveront très vite des problèmes que son modèle Mandela, en Afrique du Sud, après 27 années passées en prison a su résoudre, au moins provisoirement, mais que son prédécesseur Allende au Chili n’a jamais pu surmonter.

Le coup d’État du général Pinochet à Santiago en 1973 a été le fait d’une armée de tradition infiniment moins interventionniste que son homologue brésilienne. Et, si cette opération chirurgicale, en son temps, fut soutenue par les classes moyennes et par l’opinion populaire (1), si elle fut déclenchée en grande partie dans le contexte d’une grève des camionneurs, ce fut essentiellement du fait de la gestion néo-marxiste désastreuse et minoritaire de 1970 à 1973 par la présidence de Salvador Allende.

"Lula" et sa fine équipe conduiront-ils au Brésil une gestion néo-marxiste comparablement désastreuse ? S’affronteront-ils de façon permanente aux parlementaires et aux gouverneurs d’État ? Ou au contraire, se sont-ils vraiment et durablement converti à la rigueur ? On le mesurera sans doute très vite.

On doit d’emblée se préoccuper de deux choses.

Premièrement, afin d’élargir sa base néo-marxiste il semble bien que sa première intention est de construire, ou de faire semblant de tendre à un consensus national du type du "Pacte National" de l’Argentine péroniste entre industriels et syndicalistes.

Cette intention affirmée se doublera d’une politique de distribution de coupons alimentaires à une population pauvre évaluée aujourd’hui à 44 millions de personnes. Cette forme d’assistanat se pratique d’ailleurs aux États-Unis (2). Disons qu’au Brésil, chiffrée d’un point de vue globaliste on peut soutenir qu’en termes comptables elle ne coûterait pas cher : environ 5 milliards de reals c’est-à-dire à peine 1,5 milliard d’euros. Et on peut faire confiance au real qui a déjà perdu cette année 40 % de sa valeur pour continuer à se dévaluer.

En fait, l’expérience nord américaine l’a largement prouvé cette forme d’assistanat, qui peut paraître comptablement peu coûteuse au départ, s’aggrave très rapidement et se révèle évidemment ruineuse sur le plan humain. Elle est extrêmement difficile à réformer une fois instituée (3).

En septembre, le Fond Monétaire International a décidé d’octroyer au Brésil un prêt considérable de 30 milliards de dollars. En moins de 10 ans ce pays est passé d’un endettement à hauteur de 28 % de son produit intérieur brut à 65 %. C’est donc de ce côté-là que va se produire la contradiction majeure car Luis Ignacio Da Silva et les quelques castristes autour de l’énigmatique Dirceu se sont engagés à pratiquer une politique de rigueur financière.

N’oublions pas qu’après quelques mois d’une expérience analogue en 1964, le Brésil a connu pendant plus de 20 ans un régime dictatorial de sécurité nationale, dirigé jusqu’en 1985 par les militaires. Luis Ignacio Da Silva et ses camarades ne veulent certainement pas de ce genre de situation et on ne peut pas la leur souhaiter.

Ils vont d’ailleurs sur la scène internationale surprendre quelque peu la gauche européenne en réclamant la fin des subventions et des protections douanières qui empêchent les pays du Tiers-monde d’exporter leurs produits vers l’Europe.

Mais ils entreront aussi en conflit avec les États-Unis dont la politique vis-à-vis du libre échange est beaucoup moins claire qu’elle devrait l’être.

Bref, n’en déplaise à M. Fukuyama cette situation prouve que l’histoire n’est pas finie et qu’elle recommence toujours.

JG Malliarakis

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(1) On consultera à ce sujet les commentaires gênés de Rouge à l’époque.

(2) Elle est caractéristique des idées néo-keynésiennes. En France, Rocard et ses disciples avaient essayé de l’insuffler au moment de la désastreuse tentative de "relance par la consommation populaire".

(3) Caractéristique du Bas Empire romain, la politique d’assistanat ("panem et circenses") a réussi à ronger intérieurement ce que les ennemis extérieurs n’étaient pas parvenus à abattre.

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