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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 30 OCTOBRE 2002

LA TECHNOCRATIE OBSCURCIT SINGULIEREMENT LES DEBATS SOCIAUX

Et elle ne résoudra pas les problèmes de la France.

Il est sans doute facile de critiquer les débats parlementaires en général, en gros et en détail. On doit reconnaître d’ailleurs que s’il y a du bon dans les travaux de nos assemblées, par exemple leurs rapports législatifs ou d’information que les citoyens et surtout les journalistes lisent, hélas trop peu, leur fonction dite tribunitienne est vraiment tombée en décadence. Les médiats ne s’intéressant guère qu’aux séances complètement artificielles de questions orales et aux interventions des Premiers ministres successifs, le quotidien des séances régulières est en général devenu d’une grande fadeur.

En ces derniers jours d’octobre, c’est l’énorme monstre de la loi de financement de la sécurité sociale qui passait sur à peine 4 jours devant les députés.

On ne répétera jamais assez que le principe même de cette loi représente une monstrueuse erreur. Et à sa manière M. Mattei (1) l’a confirmé en promettant, un rapport sur les relations entre l’État et la sécurité sociale qui serait rédigé en 2003.

Évidemment ce rapport, si l’on se fie aux déclarations ministérielles, ne portera en fait que sur quelques points de détail, des bizarreries comptables. En particulier on va s’interroger sur la réalité et le montant du financement de toutes les exonérations de charges (2). Mais comme l’État s’exonère lui-même des quelque 32 milliards d’euros de cotisations dites fictives qu’il devrait verser pour garantir la retraite de ses fonctionnaires, pour ne citer qu’un exemple, on voit mal comment il pourrait prétendre à la rigueur en général.

La loi Veil sur la sécurité sociale de 1994 avait introduit le principe d’une réforme majeure. Elle n’a hélas jamais été développée, alors même que l'obligation de compensation par l’État, des exonérations décidées par la loi, n’en est que la conséquence logique.

L’idée d’alors, imposée par le gouvernement Balladur, était de mettre en place l’autonomie des branches de la sécurité sociale et la responsabilisation des caisses.

Au lieu de poursuivre dans cette voie, la réforme constitutionnelle votée en 1996, à l’initiative du gouvernement Juppé, pour mettre en place le fameux plan annoncé le 15 novembre 1995 par le calamiteux Premier ministre d’alors, a introduit le concept d’une Loi globale de Financement de la sécurité sociale. Cette notion, juridiquement monstrueuse est radicalement contraire à l'idée de la loi sécurité sociale de 1994. Car la loi globale, mélangeant tout, permet, notamment, de tromper les Français et de mettre l’accent sur des questions médiatiquement minimes pour mieux dissimuler l’énorme baleine des 327 milliards d’euros

Ainsi en ce 29 octobre, les représentants du peuple ont-ils solennellement contribué au débat civique en aggravant, au-delà même du projet gouvernemental la fiscalité du tabac. Ce ne serait pas, sous réserve de l’accord du Sénat, une augmentation de 17,77 % comme prévu mais de 20 %. Le paquet de vingt cigarettes passerait à une fourchette de prix oscillant entre 3,55 et 4 euros. Il est cocasse de remarquer que le ministre a été obligé d’objecter le danger de trafics au-delà seulement d’une augmentation de 17,77. Comme si on avait calculé exactement, dans les laboratoires technocratiques et fiscalistes de Bercy, qu’à partir de 17,78 % de hausse allait vraiment apparaître une fraude de nature différente ! Quant à la taxation des bières fortes contenant 8 % d’alcool elle épargnera les bières en bouteille pour sauvegarder nos producteurs artisanaux du Nord Pas de Calais. On respire ! (3)

De telles galanteries éclipsent les problèmes fondamentaux.

Outre l’autonomie des branches, leur séparation comptable et la responsabilisation des caisses, les grandes questions que sont l’ouverture de la concurrence de l’assurance maladie, la création des fonds de pensions, la refonte de la politique familiale, et la renonciation aux régimes obligatoires sont d’années en années, depuis plus de 10 ans, remises à l’exercice ultérieur.

Cela est d’autant plus choquant que le gouvernement dispose d’une majorité parlementaire très forte et que la droite a non seulement 5 ans devant elle (4), mais qu’elle avait aussi disposé de 5 ans de cure d’opposition pour préparer l’alternance, dont elle n’a rien fait.

S’agissant du rapport dont M. Mattei annonce qu’il sera préparé, peut-être même publié partiellement en 2003, on rappellera que tous les éléments en étaient déjà connus au début des années 1990 quand MM. Charles Descours et même Hervé Gaymard étaient les rapporteurs de ces sujets considérés comme affreusement techniques.

Si j’osais, je lui proposerai d’écrire les grandes lignes de son rapport tout seul, sur la base des documents existants en partant tout simplement de la différence entre les cotisations perçues par les caisses et leurs prestations.

La différence, le "déficit cotisationnel", représente aujourd’hui 44 % de la fameuse Loi globale de financement de la sécurité sociale, laquelle avait été annoncée comme une loi d’équilibre de la sécurité sociale, lorsque le gouvernement en place à l’automne 1995 demanda la convocation d’un Congrès à Versailles lequel s'est effectivement réuni en février 1996.

Faudra-t-il ramener de Versailles aux Tuileries le monarque captif pour lui faire entendre que le peuple en a assez des privilèges ?

Faudra-t-il à nouveau entendre les roulements de tambours et les carmagnoles pour éclairer la lanterne des technocrates ?

JG Malliarakis

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(1) JO des débats de l'Assemblée du 29 octobre. On pourra trouver la chose stupéfiante en ce sens qu’elle confirme l’absence de travaux officiels d’ensemble sur le sujet.

(2) Qui devrait légalement, depuis juillet 1994, être entièrement à la charge de l’État.

(3). Toutefois cette gracieuseté ne s’appliquera pas aux bières en canettes…

(4) Ces 5 ans vont dans quelque temps se réduire à 4 selon une règle observable sur tous les sabliers

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