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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 7 NOVEMBRE 2002

POURQUOI CHERCHE-T-ON A NOUS FAIRE CROIRE QUE LE GOUVERNEMENT VA REFORMER LES RETRAITES ?

Réformer les retraites c’est retirer aux hommes de l’État la gestion de l’épargne

Une première chose me frappe, ayant étudié les régimes de retraite français pendant plus de 10 ans, c’est la frivolité avec laquelle les gestionnaires de l’opinion publique abordent la question des retraites.

Gravement, ils nous disent, sans doute pour conforter l’impression d’importance du dossier, qu’en 2040 un Français sur 3 aura plus de 60 ans. Passons sur la pertinence future du concept de citoyenneté française appliqué à la question des retraites dans un demi-siècle. Remarquons à peine que les équilibres démographiques commenceront à accélérer leur dégradation dès 2005. Glissons sur les fameuses pistes gouvernementales dont le Figaro (1) a révélé l’existence en première page à l’intention sans doute des fidèles lecteurs de son carnet mondain.

Ceux qui comme moi se sont sentis interpellés, frappés, bouleversés par cette bonne nouvelle, en auront été pour leurs frais, soit qu’il s’agisse d’une acquisition du journal papier soit qu’archivistes consciencieux ils aient mémorisé ces textes immortels.

Les grands mots ne sont pas absents du dossier publié par le Figaro. L’excellent éditorialiste qu’est M. Jean de Belot parle à juste titre d’une "exigence éthique" concluant avec ardeur que "le pays dans son ensemble doit choisir". Quant à M. Guillaume Tabard il nous révèle que "Raffarin ne veut pas reculer". Titre d’ailleurs légèrement en décalage par rapport à une prévision qui fait honneur l’intelligence tactique du Premier ministre : "Fidèle à sa méthode, Jean-Pierre Raffarin préfère se voir reprocher sa prudence, mais parvenir à ses fins, que de rendre la réforme impossible par un excès de brutalité".

En vérité tous ces commentaires, toutes ces exégèses, tous ces commentaires de commentaires ne partent jusqu’ici que de simples "petites phrases."

Tout d’abord rendons à César ce qui est à César et cessons de décortiquer la stratégie prêtée à M. Raffarin.

Tout est parti d’un soupçon vague, inventé par le responsable de la question des retraites à la CGT, le camarade Le Duigou. Ce personnage ne manque ni de talent ni d’astuce, mettant hélas son quotient intellectuel élevé au service d’une cause dont il sait très bien, aujourd’hui, qu’elle est sans avenir. Le mot qu’il a lancé consiste à soupçonner le Premier ministre d’avoir arrêté sa politique relative à la réforme des retraites "avant le début des négociations". Les lecteurs attentifs remarqueront que cette accusation cégétiste devient, dans Le Monde (2) sous la plume de Claire Guélaud : "Les syndicats soupçonnent le gouvernement d’avoir déjà fixé les grands axes de la réforme des retraites".

Ainsi la rumeur s’amplifie comme la calomnie dans le grand air de Don Basile.

Mais, si cela était vrai, ce serait presque rassurant ! Enfin un gouvernement décidé à trancher ce dossier ! Il demeure gelé depuis la réforme arrêtée à mi-course après les décisions du gouvernement Balladur oubliant en 1993 de toucher aux régimes privilégiés des fonctionnaires et de personnels à statuts. Aujourd’hui la situation est devenue inextricable. Et on voudrait reprocher au pouvoir de chercher à en sortir avec une doctrine claire !

Je crois hélas pouvoir dire que la rumeur lancée par M. Le Duigou, propagée par Le Monde, et manifestement gobée par le Figaro, relève du bobard, du " canard " de guerre, du "bouteillon" pénitentiaire.

Certes on pourra tout à loisir disséquer les propos de M. François Fillon, brillantissime disciple de Philippe Séguin et camarade de combat d’Alain Juppé. Le 28 octobre (3), il n’avait pas été très explicite. Mais le 5 novembre, il s’est enhardi : il est allé jusqu’à dire que "les préretraites sont une catastrophe pour l’économie nationale". Les versions divergent entre Mathieu et Luc, les propos ayant été tenus dans la langue de bois des énarques on ne sait pas de façon précise si cette plaie d’Égypte frappe "l’économie nationale" ou, plus modestement, "les caisses de retraites".

Tout cela ne nous dit pas quel est le mirifique projet du ministre des Affaires sociales. Les gazettes nous affirment qu’il ne se déplace pas sans le texte des promesses, pardon des propositions, du candidat Chirac. Mince et fragile viatique. On se souviendra d’ailleurs que le 21 avril 2002, après 7 ans de bons et loyaux services, le président sortant n’avait obtenu que 19 % des suffrages exprimés. En démocratie son programme n’est donc guère opposable aux 81 % restants.

Mais admettons d’entendre enfin les propositions de M. Fillon.

Dire aux Français : "vous allez devoir cotiser plus longtemps parce que les hommes de l'État, avons laissé les régimes de répartition s’effondrer", ce n’est pas réformer les retraites, c’est tenter vainement de sauvegarder d’un système de plus en plus coûteux, de plus en plus inégalitaire, de plus en plus répressif.

Réformer vraiment les retraites ce serait retirer d'abord aux hommes de l’État et aux institutions monopolistes la gestion de l’épargne du peuple français. Tant qu’on n’évoluera pas vers plus de libre choix, plus de responsabilités, plus de respect du travail et de sa dignité, plus de sens familial de l’épargne on ne réformera rien.

On demeurera prisonnier des petites phrases médiatiques et des grands abus politiques.

JG Malliarakis

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(1) édition du 6 novembre.

(2) édition du 6 novembre datant en réalité du 5.

(3) à l’Assemblée nationale, lieu du véritable débat démocratique, et où son devoir aurait été d'informer les parlementaires.

(4) Il inaugurait les locaux de la Chambre des Métiers de Loire-Atlantique à Nantes

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