COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 12 NOVEMBRE 2002
POUR SUPPRIMER LENARCHIE
Soutenons la proposition de MM. Novelli et Fourgous
Ces lignes ont été écrites au terme dun colloque de 3 jours tenu à Aix-en-Provence ces 8, 9 et 10 novembre sous légide du Club de lHorloge. Cet excellent laboratoire didées consacrait ce quil appelle son université annuelle au thème du Populisme. Or, sur 17 intervenants du colloque, 6 au moins se trouvent être danciens élèves de lÉcole nationale d'administration. Mais ceux-ci, à l'instar du secrétaire général du club, M. Bernard Mazin, sont favorables à la suppression de cette école, si pesante depuis quelque 30 ans (1) dans les allées du pouvoir de notre pays.
Évidemment, on ne peut pas dissocier cette question de celle du terme populisme, sur lequel je mavoue partagé. Ayant à intervenir moi-même sur lhistorique du populisme français et singulièrement sur les 4 principaux courants qui se sont succédé, chevauchés ou concurrencés depuis près dun demi-siècle avec lapparition du poujadisme en 1953-1954, celle du CID-Unati en 1969 puis le fameux tonnerre de Dreux de 1982 et enfin lincroyable persistance depuis 1992 du vote chasseur qui glanait encore 4 % des voix le 21 avril 2002, je puis dire avec autant de raisons de part et dautre de la balance "je suis" et "je ne suis pas" populiste.
Le populisme est une réponse du peuple à la captation illégitime du pouvoir par des réseaux de domination dans le cadre dune démocratie formelle. Cette réaction peut être saine et noble, comme elle sait aussi se révéler parfois médiocre, vulgaire et antinationale. Dans le premier cas, soyons populistes, dans le second cas soyons antipopulistes.
Aujourdhui en France, le système daccaparement de la haute fonction publique dominant un pouvoir relevant de lélection se voit couramment, et légitimement, dénoncé sous le nom, hier polémique, désormais quasi-scientifique, dénarchie. À droite, à gauche et du milieu on éprouve le sentiment dêtre gouvernés par des énarques. Une part du rejet de Jospin en avril 2002 tient à cette impression. Une part de la popularité de Raffarin depuis mai a tenu au désir inverse de voir redonner, peut-être illusoirement, du poids et des couleurs à "la France den bas".
Limpopularité absolue et universelle de lEna devrait normalement et légitimement conduire à la suppression dune école, dont léquivalent nexiste dans aucun autre grand pays du monde.
Cest ce qui mamène à dire quil faut la démanteler, soutenir la proposition de MM. Fourgous et Novelli proposant de réduire de moitié (2) à 15,4 millions deuros dans le budget 2003 contre 30,9 millions proposés par le gouvernement le budget de lécole et participer massivement au forum internet stopena@club-internet.fr quils ont ouvert pour recueillir les réactions et propositions.
Mais on doit aussi sentendre sur les critiques que mérite lEna.
1° La création de lEna en 1945 nétait pas exclusivement due à Michel Debré. Elle reflétait une préoccupation des cercles de la Résistance de se débarrasser des castes dominantes de la Fonction publique.
À partir de 1941, en particulier, on avait beaucoup parlé dune synarchie installée aux leviers de commande de lÉtat français, à la faveur du gouvernement Darlan. Lénarchie, terme inventé dans un but polémique par M. Chevènement correspond exactement au même monstre, un peu mythique.
De fait, cest lInspection des Finances beaucoup plus que la "synarchie", "lénarchie" ou lEna elle-même qui empoisonne et paralyse lÉtat.
Cest donc le corps de lInspection des Finances qui doit être démantelé en priorité.
Si on rétablissait le concours de lInspection en supprimant lEna, on naurait rien gagné.
2° Aussi bien lEna, que sa petite sur judiciaire lÉcole Nationale de la Magistrature, ne pèchent pas par leurs élèves, mais d'abord par leur enseignement et par leur conformisme (3).
Si on maintient la toute puissance du conformisme initial, notamment celui de la Rue Saint Guillaume, créée au service du centre gauche, et qui sintoxique circulairement à la lecture du quotidien Le Monde, dont il alimente la pensée unique, la France en restera au même point, peut-être même tombera-t-elle encore plus bas.
(1) Particulièrement depuis lélection de Giscard dEstaing en 1974. La masse critique des anciens élèves de l'ENA a pris progressivement le contrôle des cabinets ministériels sous Mendès en 1954, des ministères économiques après la démission de Pinay dans les années 1960. Elle n'a pris l'Élysée et matignon "que" sous Giscard lors de la formation du premier gouvernement Chirac.
(2) Ceci afin de permettre aux élèves actuels de terminer leurs études.
(3) Ce conformisme s'aligne sur les préjugés de la pensée unique de gauche (par ex. "c'est la société qui est responsable" ou "la prévention avant la repression" en matière de crime et de délinquance), mais il se plie aussi (par ex. au nom du "service public" et du monopole d'État) aux grands intérêts malthusiens imbriqués dans l'économie mixte "à la française".
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