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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002

ON NE FERA PAS L’ECONOMIE D’UNE REFORME CHIRURGICALE DE L’ASSURANCE MALADIE

Même si le pouvoir préfère ignorer et dissimuler ce chantier...

En ce moment où les syndicats de fonctionnaires et de personnels à statut se mobilisent, certains pourraient se demander pourquoi les syndicats de médecins ne bougent pas. Depuis plusieurs années en effet le corporatisme médical avait pris l’habitude de s’aligner sur les comportements de la fonction publique et il a vraiment fallu que le gouvernement leur donne des gages considérables pour qu’ils se dissocient de leurs nouveaux camarades.

Quoi de plus séduisant, à première vue, que cette Loi de Financement de la sécurité sociale pour 2003 ?

Tout d’abord, pour la première fois, elle est présentée par un médecin, le professeur Mattei, ministre de la Santé. Le symbole peut paraître fort. Depuis 1945, la sécurité sociale coiffe en un seul système plusieurs branches dont les trois principales sont la vieillesse, la famille et la maladie, elles-mêmes découpées en plusieurs régimes de natures différentes. Certes sous les IV et V républiques, les commissions parlementaires étudiant cette immense usine à gaz faisaient la part belle au médecin, supposés spécialistes de l’assurance maladie. Mais, depuis de nombreuses années, le ministre en charge de la sécurité sociale, celui qui présidait la commission des comptes version 1987, celui qui présentait depuis 1996 la loi de financement était toujours étranger aux professions de santé.

En réalité, aussi bien pour l’assurance maladie que pour toutes les autres branches, pour le régime général comme pour tous les régimes qualifiés de spéciaux, d’autonomes ou d’alignés les décisions ont toujours été prises par le Ministère de l’Économie et des Finances. Les conseils d’administrations siègent pour la forme. Les présidents des caisses nationales ne disposent que de pouvoirs très restreints. Ils ne sont même pas supposés représenter l’organisme devant les tribunaux. Une disposition discrète du Code de la Sécurité sociale prévoit que c’est le Directeur, nommé par le gouvernement, de chaque caisse nationale et de l’Acoss (1) qui représente chacun de ces organismes "en justice et dans chaque acte de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet à certains agents de la caisse ou de l’agence."

Cet incroyable article L 224-3 résulte de la Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, votée à l’époque où Mme Veil faisait office de ministre chargé des Affaires sociales dans le gouvernement Balladur. Cette loi avait pourtant la prétention d’organiser "l’autonomie" des régimes de sécurité sociale. Elle n’a pas été réformée : au contraire, le plan Juppé de 1995 en a aggravé les dispositions.

Pendant 5 ans, de 1996 à 2001, on a voté un prétendu Objectif national des dépenses d’assurance maladie. On a considéré ce programme de rationnement comme représentatif d’une politique de maîtrise des dépenses. À l’arrivée, l’objectif fixé a toujours été dépassé, et d’année en année il l’a été plus largement. La loi votée cette année renonce explicitement à cette maîtrise, aux sanctions et au pourcentage "conservateur" des années précédentes.

Tout semble donc apparemment de nature à opérer une moindre rouspétance de la part des médecins et plus généralement des quelque 500 000 personnes travaillant dans les professions médicales.

On peut même croire que "les médecins ont gagné" au travers de la victoire des revendications malthusiennes développées par leurs syndicats depuis quelque 10 ans, époque où on feignait de s’accorder sur l’idée absurde " qu’il y a trop de médecins en France". Cette rengaine était relayée jusque dans les milieux patronaux, où on imaginait que moins de médecins, cela ferait moins d’ordonnances et de feuilles de soins à rembourser pour l’assurance maladie monopoliste et, à l’arrivée moins de charges sociales pour les entreprises.

Cette politique a bel et bien été mise en œuvre, à partir du moment où en juillet 1996, dans le cadre du plan Juppé, le vice-président patronal de l’assurance maladie M. Georges Jollès a contribué à débarquer FO de son bastion démagogique pour imposer la CFDT en la personne de Jean-Marie Spaeth à la présidence de la Caisse régionale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Et l’on a vu l’État plonger ses mains dans le cambouis pour diminuer le nombre de lits dans les hôpitaux publics, dérembourser les médicaments, rationner les soins, planifier pour les 20 ans à venir la démographie médicale et autres interventions volontaristes.

L’absurdité de cette politique étatiste a été masquée par les bonnes années conjoncturelles, par les hausses de rentrées cotisationnelles, fiscales et parafiscales et par la volonté idéologique de désinformer.

Les professions médicales réelles, dans les départements, les structures hospitalières et, par-dessus tout, les patients ont pu progressivement, au contraire, en mesurer les effets ravageurs du point de vue de l’accès aux soins mais aussi de la qualité de la santé en France, qu’il s’agisse des services de chirurgie dans le public, des besoins grandissants des vieilles personnes ou de la simple prise de rendez-vous chez un spécialiste.

Et pendant ce temps-là, les dépenses maladies filent dans les comptes sociaux.

On ne fera donc pas l’économie d’une réforme chirurgicale de l’assurance-maladie.

JG Malliarakis

(1) L’Acoss, agence centrale des organismes de sécurité sociale est considérée désormais comme constituant avec les Urssaf, la branche financière de recouvrement, 5 branche du système, la 4 étant la branche accident du travail.

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