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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 15 NOVEMBRE 2002

DIFFERER LES REFORMES C'EST TIERS-MONDISER LA FRANCE

Les difficultés des départements d'outre-mer en sont un avant goût

Ce n’est l’effet ni d’un complot ni du hasard si tous les éléments d’information, ou presque, nous confirment en ce moment le recul de la France. La chose est visible dans de si nombreux domaines qu’il serait un étrange et, au fond, qu’il serait un bien mauvais "patriote" celui qui prétendrait en nier l’évidence. Si le classement de compétitivité du Forum économique mondial était seul en cause, on pourrait le récuser et noter, par exemple, que c’est la compétitivité globale du pays qui est passée à la 30e place : la compétitivité dite "micro économique", elle, demeure (relativement) moins affligeante : la 15e place mondiale. Et cela se retrouve dans les performances du commerce extérieur des entreprises, qui demeurent paradoxalement bonnes, à comparer avec celle de la Chine, par exemple.

C’est dans un tel contexte que l’on doit apprécier l’explosif conflit qui se déroule en ce moment à la Guadeloupe. Le groupe Accor a en effet écrit, le 11 octobre, à la présidence de la république pour exposer les raisons de son retrait d’une île longtemps considérée comme un petit paradis touristique, avec 800 000 visiteurs prévus cette année (1). En réalité depuis des mois les faillites se sont multipliées dans le secteur hôtelier aux Antilles et le splendide hôtel Méridien n’a même pas trouvé acquéreur pour un euro symbolique. Le tourisme en général a reculé de 20 % l’an dernier dans les Antilles françaises. Les opérateurs monopolistes français y ont leur part de responsabilité et M. Benjamin Cohen, responsable des finances du groupe Accor, soulignait que "le nombre des places disponibles dans les avions a reculé de 25 % en 2 ans et demi".

Or, un mois après que M. Pélisson a écrit, au nom d'Accor, au chef de l’État, le journal France-Antilles, puis les médiats nationaux, puis les syndicats de l’île ont fait de cette affaire un scandale.

Mieux encore, l’UGTG (2), c’est-à-dire pour être clair la CGT locale parfumée d’indépendantisme, montant l’affaire en épingle déclenchait le 13 novembre un mouvement d'apparente grève générale. En réalité le mécanisme est celui de la grève thrombose : en Métropole c'est la grève des transports en commun ; en Guadeloupe c'est celle des conducteurs de camions citernes asséchant les pompes à essence. Le 14 au matin, on apprenait de la sorte que les pompes n’étaient plus approvisionnées et elles étaient prises d'assaut. Or, une telle pénurie organisée du carburant constitue à quelques jours de l'arrivée de la Route du Rhum une menace majeure pour l'image de l’île.

Et l’examen des événements réels ne manque pas de confirmer le trouble que l’on éprouve légitimement, sachant par exemple que, depuis septembre, le même syndicat marxiste et indépendantiste revendique très concrètement qu’une station-service Texaco en liquidation soit donnée en location-gérance à 3 agitateurs UGTG licenciés. On sait comment commence et où mène ce type d’impôt dit "révolutionnaire", qui n’a de révolutionnaire que l’expropriation. C’est cette revendication quasi mafieuse qui sert de prétexte à ce mouvement dans l'île.

En entrant dans le détail on découvre aussi que tel dépôt de carburant employant 17 conducteurs de camions citernes ne compte que 7 grévistes mais que le dépôt est bloqué par un commando.

Tout cela est hélas un processus illégal bien connu des Métropolitains. Et cela devrait faire réfléchir tous ceux qui pensent que les Antilles françaises souffrent d'un syndrome spécifiquement antillais, alors qu’elles sont avant tout plombées par des mots d’ordre et des idéologies que nous ne connaissons que trop dans l’hexagone.

Si on compare, en effet, les Antilles françaises, la Guyane, la Réunion à leur environnement des Caraïbes ou des Mascareignes c’est bien la conception française dirigiste et subventionniste qui constitue leur plus gros handicap.

Certes quand on entend les complaintes du porte-parole cégétiste indépendantiste local dans ce dossier M. Charly Lengo on est tenté de pleurer avec lui les acquis sociaux menacés. Le personnel hôtelier de la Guadeloupe, alors que sa formation professionnelle demeure très insuffisante, reçoit un salaire net de 1 100 euros par mois contre 300 euros dans les îles voisines et concurrentes, la capitaliste République Dominicaine comme la marxiste Cuba (3). Avec les charges franco-françaises, le coût salarial est à peu près 5 fois plus élevé. Mais du point de vue syndical on ne peut pas perdre de vue non plus que le niveau des prix de l’Outremer français est de 30 % plus cher qu’en Métropole. Impossible donc de baisser des salaires qui stagnent depuis 1999. De plus, massivement, les minimums sociaux, et notamment le RMI, sont dissuasifs du travail salarié.

M. Patrick Ollier, président de la Commission des Finances de l’Assemblée, très proche de la présidente de l’ex RPR, annonce qu’une commission parlementaire va se rendre aux Antilles. Et très probablement le pouvoir va se pencher vers de nouvelles solutions franco-françaises à base de subventions nouvelles, d’exonérations fiscales nouvelles, d’incitations nouvelles qui ne résoudront rien.

Certes les indépendantistes ont une attitude parfaitement odieuse et incohérente. Après des années de sabotage, de discours de haine anti-patronale, et d’un "climat social détestable" (4) ils déplorent aujourd’hui que le groupe Accor se retire des îles. "Reviens patron, tout est pardonné" semblent-ils dire, en ne "pardonnant" rien.

Mais la vraie libération de l’Outremer français serait de couper le lien ombilical de l’assistanat, du protectionnisme et du fonctionnariat qui créent un niveau intenable de prix. Seul le libre échange et le salaire direct pourront redonner des couleurs à des économies locales ruinées par les standards métropolitains.

Mais si on y réfléchit tant soit peu on comprend aussi que, toutes choses égales par ailleurs, les mêmes standards ruinent d’abord l’Hexagone dans un contexte de concurrence mondiale, où le client sera de plus en plus libre, de préférer d’autres destinations touristiques, — mais aussi l'investisseur d’implanter des usines ailleurs que là où la CGT, les 35 heures, les charges sociales, les réglementations, etc. font pencher le pays tout entier vers la tiers-mondisation généralisée d’une terre qui fut, autrefois, le plus beau royaume sous le soleil.

JG Malliarakis

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(1) Il y eut plus d’un million de visiteurs en 1999, et il y en aurait moins de 800 000 prévus en 2002, dont plus de 85 % sont français. Or, cette chute de 20 % a été enregistrée alors que les voyagistes proposent des circuits et séjours antillais à moins de 1 000 euros la semaine, vols transatlantiques compris.

(2) La centrale UGTG fondée en 1967 compterait aujourd'hui 4 000 adhérents et serait implantée, selon ses dirigeants, dans 700 entreprises guadeloupéennes. C'est dire qu'on a affaire à de petites cellules groupant quelques agitateurs et provocateurs dans chaque petite ou moyenne entreprise. Elle est aujourd’hui l’organisation la plus structurée de la mouvance indépendantiste.

(3) Le tourisme à Cuba, s’il a quelque chose de moralement inadmissible, peut se comprendre du point de vue des voyagistes, assurés qu’il n’y aura pas de conflits sociaux. La grève est évidemment dans l’enfer castriste (cf. "L'île du Docteur Castro" par Corinne Cumerlato et Denis Rousseau, Éditeur Stock, Paris 2000.)

(4) Cest l’expression de M. Pélisson. Elle a fait scandale. On relève cependant que les conflits sociaux en Guadeloupe, au nombre de 217, ont été en hausse de 46 % durant l’année 2001 et cela s'aggrave encore.

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