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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2002

DONNER UNE BASE JURIDIQUE AU LIBRE ÉCHANGE FRANCO AFRICAIN

Faudra-t-il pour sauver la France, l’Afrique et la Côte d’Ivoire rétablir l’Union française et la Constitution de 1946 ?

L’implication française dans la crise politico-militaire que connaît la Côte d’Ivoire, après 2 mois de pourrissement, devient d’une évidente nécessité. L’intervention sera bientôt considérée comme une obligation. Elle sera immanquablement, d’ailleurs, dénoncée comme une ingérence, etc. Le processus est aussi prévisible que bien connu.

Il est en effet plusieurs manières d’envisager l’Afrique. Certaines surdéterminent une situation de difficultés politiques et économiques : elles sont irrecevables à nos yeux. Car non seulement l’afro-pessimisme définitif et déterministe serait inacceptable du point de vue de la morale occidentale judéo-chrétienne (1) mais il entraînerait aussi des conséquences irréparables en termes migratoires.

Plus clairement : nous devons tout faire pour que l’Afrique, aussi bien maghrébine que subsaharienne, sorte de son marasme, non seulement parce que nous conservons, en tant que Français, certains devoirs vis-à-vis du continent africain mais parce que l’échec des pays du Sud se traduit par une émigration vers l’Europe. Et ce flux migratoire privilégie, bien évidemment, la destination et l’établissement dans l’ancienne Métropole.

Faute d’avoir maintenu l’empire sur les millions de km2, représentés autrefois par la tache rose de nos cartes géographiques du Monde, nous le rapatrions progressivement depuis 40 ans sur les 551 000 km2 de l’Hexagone. L’Algérie française ne s’est pas faite sur les 12 départements abandonnés en 1962 d’Alger à Tamanrasset : elle se réalise dans le métro parisien.

S’agissant de la crise ivoirienne, les moyens à mettre en œuvre ne sont pas considérables. La rébellion du nord pourrait être contrecarrée nous affirme-t-on par 4 hélicoptères MI-24, quelques mercenaires français et sud-africains, l’armée française ne conservant à Abidjan que 650 hommes pour 20 000 expatriés constituant une part indispensable de l’ossature économique et sociale du pays.

Dans ce pays la reconquête du nord pour le gouvernement de M. Laurent Gbagbo entraîne à Paris les réticences officielles bien connues : on ne veut pas "prendre parti", on ne veut pas s’immiscer dans des querelles internes où, superposées aux divisions tribales traditionnelles, se sont greffées les orientations religieuses, chaotiques au sud, musulmanes au nord, etc.

Mais la vraie question franco-africaine, ce n’est pas seulement de savoir si nous devons envoyer la Division parachutiste pour défendre des plantations ici, ou des puits de pétrole ailleurs !

L’interrogation sur l’opportunité suppose d’abord résolue la question de la légitimité.

Même Le Monde daté du 3 novembre en arrivait, deux mois après les événements, à se poser la question : "On se demande pourquoi les forces françaises prépositionnées ne se sont portées au secours des autorités légales dès le début d’une rébellion qui, rien que la première nuit à Abidjan, a fait 300 morts. Les accords de défense liant la France à la Côte d’Ivoire ou la sécurité des quelque 20 000 expatriés français ne pouvaient-ils justifier une telle intervention ?" et le quotidien de la pensée unique va jusqu’à écrire : "Fallait-il pour autant que le chef de la diplomatie française exige publiquement de Laurent Gbagbo qu’il signe une trêve et négocie avec les rebelles ? La même fermeté n’a pas prévalu à Paris quand il s’est agi de condamner les menées déstabilisatrices du Burkina Faso d’où le coup est parti".

La réponse soulève le problème corollaire auquel nous aimerions qu’enfin les constitutionnalistes daignent contribuer à éclairer la solution.

Le défunt Titre X de la Constitution de 1958 prévoyait une communauté franco-africaine qui, dès 1960, a volé en éclat parce qu’au départ les rédacteurs avaient envisagé seulement des territoires autonomes et non des États souverains. Avec l’indépendance ce tout ou rien vola en éclat. On chercha bien à lui substituer une Organisation commune africaine et malgache, etc. On dut se rabattre à un système ambigu et bâtard d’accords de défense.

Le tout ou rien intégrationniste de 1958 a créé un tas de ruine.

Paradoxalement, la Constitution de 1946 était beaucoup plus claire et réaliste, alors que la fiction impériale demeurait présente dans les esprits et que la propagande communiste persistait à parler de "colonialisme"… Citons les bases du Titre VIII en sa section I : "Principes" Article 60, L’Union française est formée d’une part de la République française qui comprend la France métropolitaine, les départements et territoires d’Outremer, d’autre part, des territoires et États associés ; Article 61, La situation des États associés dans l’Union française résulte pour chacun d’eux de l’acte qui définit ses rapports avec la France ; Article 62, Les membres de l’Union française mettent en commun la totalité de leurs moyens pour garantir la défense de l’ensemble de l’Union, etc.

Au fond, cette logique était conforme à celle de la prophétique Conférence réunie à Brazzaville à partir du 30 janvier 1944 et, de ce point de vue, la plus gaullienne (2) des deux constitutions semble plutôt celle de la IVe république tant décriée par les technocrates et le parti se disant gaulliste (3).

À très peu de chose près, ces principes mériteraient d’être réactivés en ajoutant que la première fonction de cette union pourrait être, au-delà des moyens de défense élargis à la sécurité intérieure, la mise en place d’un véritable espace économique commun. Dans cet espace les ressortissants, les marchandises et les services circuleraient librement, pourraient également acquérir des biens de production, etc. ce qui permettrait aux entreprises françaises de créer des emplois là où se trouvent les hommes et aux produits africains de s’écouler en Europe. La question de l’immigration/intégration ne se poserait plus, les États issus de l’indépendance gardant leur souveraineté, leur nationalité, leur personnalité. La France cesserait de subvenir à ces États par des transferts financiers d'État : elle financerait seulement les services communs (4) indispensables à la coopération privée et au progrès de l’ensemble.

Je laisse à la sagacité de nos diplomates et constitutionnalistes le soin d’inventer les formules juridiques adaptant cette incontournable nécessité sociale et économique.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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(1) Qu’on me pardonne cette expression judéo-chrétienne. Le terme judéo-chrétien est sans doute un pléonasme du point de vue exégétique orthodoxe ; il a correspondu certainement à une hérésie du point de vue de l’Histoire du christianisme ; mais il est aussi une commodité de langage, assez acceptable pour désigner l’idée commune, et particulière, aux juifs et aux chrétiens, idée fondatrice des valeurs de nos sociétés, l'idée d’une justice transcendante à l’oeuvre dans et par l’Histoire des hommes.

(2) Qu’on me pardonne, — là aussi, car j’ai le sentiment d’avoir beaucoup à me faire pardonner aujourd’hui — de créditer ici le général De Gaulle de certaines vues, peut-être pertinentes, quant au destin des empires, au moins du point de vue de la France : "les empires sont faits pour se défaire". Pour aller jusqu’au fond de mon cœur je lui reprocherai toujours la manière machiavélienne dont il a procédé, incluant son alliance dans la dernière phase de la guerre d’Algérie avec les communistes et le FLN. Cf à ce sujet le remarquable "Livre Blanc de l’armée française en Algérie" (Éditions Contretemps 7 rue de Galilée 75116 Paris) et les indispensables "Archives inédites de la guerre d’Algérie 1958-1962" (Harmattan) publiées avec le concours de quelques experts par le général Maurice Faivre vice-président de la Commission française d’Histoire militaire, et surtout "La Phase finale de la Guerre d’Algérie" par Jean Monneret (Harmattan), livre décisif sur le point évoqué.

Voir aussi dans nos archives notre courrier du 19 mars

(3) Non seulement De Gaulle disait "tout le monde est, a été ou sera un jour gaulliste" mais il remarquait par ailleurs quand on lui parlait des gaullistes: "les gaullistes, il me semble qu’il y a beaucoup d’affairistes parmi eux".

(4) Élargissement à définir de l’ancien article 61 de 1946.