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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 25 NOVEMBRE 2002

ET SI ON TIRAIT VRAIMENT LES LEÇONS DE L’EXPERIENCE AUTRICHIENNE ?

Les interdits politiciens barrent la route depuis 20 ans à une vraie réforme de notre pays

Avant même l’annonce des résultats du scrutin autrichien, les médiats français commençaient à philosopher. Ils tiraient, et tireront encore, les conclusions les plus péremptoires de la chute du parti de Joerg Haider, non seulement dans l’ensemble du pays mais même dans son bastion personnel de Carinthie où il obtient seulement 24 % des voix, arrivant en 3e position, après les chrétiens démocrates et les sociaux démocrates.

Avant tout, il est convenu de souligner que cet échec frappe Haider personnellement, à la fois dans sa tactique et dans son attitude.

Pendant environ 12 ans, de 1986 à 1999, toute l’action de Haider avait consisté à développer et à radicaliser, de moins en moins discrètement, un parti qu’il avait pris végétant aux alentours de 10 %, le vieux parti libéral autrichien, tout en lui maintenant une façade conventionnelle. D’année en année, son discours protestataire contrôlé, évitant soigneusement le contact avec par exemple les républicains allemands, le mouvement social italien ou le front national français, avait à peine laissé filtrer une ou deux petites phrases maladroites, alimentant le soupçon de la presse viennoise et même, sporadiquement, celui du grand frère allemand.

Grosso modo, on croyait savoir que Haider était un affreux fasciste, on dénonçait quotidiennement ses mauvaises intentions xénophobes à l’endroit des Slaves frontaliers, Tchèques ou Slovènes. Mais il conservait globalement en vitrine une attitude extérieure presque irréprochable.

Ceci l’avait conduit, il y a 2 ans, à une situation extraordinairement forte, d’arbitre du jeu politique autrichien, balançant même dans certains Laender en faveur des sociaux démocrates et aboutissant enfin à l’entrée de ministres libéraux dans le gouvernement constitué en 2000 par le chancelier démocrate chrétien Schuessel (1).

On se souvient de la diabolisation de cette alliance. Elle fut anathématisée par le chef de l’État français avec l’appui de Mme Aubry et de son homologue belge. Cette tentative a échoué au sein de l’Union européenne, non seulement parce que l’Allemagne et la Grande Bretagne n’en ont pas voulu mais parce que M. Prodi, président de la Commission européenne, démocrate chrétien italien de gauche, l’a radicalement rejetée.

L’expérience autrichienne des 2 années écoulées a démontré clairement que cette attitude européenne moins sectaire que la diabolisation franco-belge peut se révéler plus ravageuse pour un mouvement protestataire qualifié de populisme. Associé au pouvoir, le parti libéral autrichien est passé de 27 % des voix à 11 %.

Or, l’aspect le plus remarquable de cet effondrement arithmétique c’est qu’il s’est intégralement reporté sur le parti du chancelier Schuessel. Celui-ci passe de 27 % à 42 %, ayant rallié au passage le ministre des Finances arraché au parti de Haider (2).

Ce dernier point est évidemment crucial. D’abord, la droite demeure majoritaire en Autriche ; la gauche, socialiste et écologiste, est en minorité. Elle ne pourrait former seule un gouvernement. Mais en même temps, même si le parti "libéral" (de Haider) ne peut pas se prévaloir de sa situation de force d’il y a 2 ans, il dispose encore d’une position charnière.

Or, dans les derniers mois, Haider dont tout le monde a cru devoir souligner le caractère fantasque de ses provocations, a durci son parti en même temps qu’il a réduit son audience.

Peut-être perdra-t-il son pari si, au sein de son parti "libéral", le sentiment du recul subi avive les tensions et développe les déchirements. On peut estimer ainsi que certains vont insister sur l’erreur commise en participant au gouvernement de coalition dont les réalisations ne sont évidemment pas de nature à en enthousiasmer l’électoral protestataire.

Pour ne prendre qu’un exemple, pendant des mois les populistes ont laissé planer la menace d’un veto autrichien contre la candidature tchèque à l’Union européenne. Le prétexte en était le danger que l’équipement nucléaire vétuste maintenu par le gouvernement de Prague faisait planer sur l’environnement. Ce veto n’a bien entendu jamais joué. À quoi bon par conséquent participer à des coalitions de gestion quand on veut "changer le monde" ? À quoi bon permettre aux conservateurs d’augmenter les taxations sous prétexte de diminuer les déficits ?

Mais ce qui est remarquable, peut-être est-ce propre au cas considéré, c’est le caractère de vases communicants, entre les électorats démocrates chrétiens conservateurs et libéraux populistes. Posé comme cela, le problème risque fort d’interpeller l’actuelle majorité parlementaire et présidentielle française qui sait parfaitement qu’elle demeure minoritaire dans l’opinion du peuple.

Et si, elle prenait pour exemple l’attitude de Mitterrand, réduisant l’impact électoral des communistes, en les associant au gouvernement ?

Et si, dans une perspective de reconquête des régions lors du scrutin de 2004, elle levait les interdits politiciens (3) qui barrent depuis 20 ans la route à une vraie réforme de notre pays et empêchent, tout particulièrement, une baisse significative du tribut fiscal et social imposé aux Français ?

JG Malliarakis

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(1) Il est étonnant qu’on appelle dans la presse française son parti "conservateur". Le nom exact du parti du chancelier Schuessel est Parti Populaire Autrichien. C’est une appellation courante de la démocratie chrétienne à la fois à l’échelon européen et dans de nombreux pays catholiques.

(2) M. Schuessel, dont le parti avait perdu la chancellerie en 1966, a également réussi à diviser le parti de M. Haider entre les tenants de la ligne gouvernementale, dont M. Grasser et la vice-chancelière Mme Suzanne Riess-Passer, et les tenants de la ligne Haider. Les querelles au sein du parti libéral ont entraîné début septembre la démission de ses deux personnalités clé du gouvernement et permis à M. Schuessel à convoquer des élections législatives anticipées.

(3) Que je dénonçai en 1998 dans "La Droite la plus suicidaire du Monde".

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