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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 28 NOVEMBRE 2002

UNE ACCUSATION GRAVISSIME CONTRE M. RAFFARIN

Son succès fait plus que des envieux : il suscite des conseilleurs

Après tant d’autres, le Premier ministre M. Raffarin, peut certainement s’intéresser à l’adage bien connu : "Préservez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge".

Car son succès dans la crise du transport routier, le relatif dégonflement des bureaucraties syndicales même dans le secteur public, la démobilisation du corps enseignant face au nécessaire projet d’évolution du collège unique, tout cela fait plus que des envieux. Cela suscite des conseilleurs.

Et ces conseilleurs sont en train de lui dire : puisque tu es si fort, sous entendu : si roublard, essaye donc, vu l’urgence, ta force et ta roublardise dans le domaine des retraites. Chiche le Poitevin !

On aura vu fleurir cette rhétorique successivement : au matin du 27 novembre à la Une du très sérieux quotidien de l'économie Les Échos, durant l’après-midi dans le quotidien de la pensée unique Le Monde daté du 28, et le 28 novembre, cela passait en boucle sur le bourrage de crâne du "service public" France Info, comme s’il s’agissait d’une évidence.

Ce n’est pas une évidence.

Le chroniqueur social ne devrait pas ignorer que le Livre Blanc sur les Retraites a été publié comme testament du gouvernement Rocard en 1991. Au milieu des années 1980, l’économiste Alain Babeau publiait La Fin des Retraites (1). Voici donc près de 20 ans que l’urgence est connue. On sait que vers 2004-2005, la dégradation des comptes de l’assurance vieillesse va s’amplifier. Mais nous ne devons pas nous contenter de l’image rhétorique parlant "d’explosion": la décrépitude s'accélérera, sans plus.

Or, si je me fie aux déclarations officielles, l’étude d’une réforme serait au calendrier de l’année 2003. Et on peut appréhender le pire. Car tout a été fait, depuis 20 ans, pour empêcher les Français de réfléchir sainement. En particulier, à chaque période de turbulences boursières, on les terrorise avec le grand méchant loup des fonds de pension.

Cette terreur est d’autant plus absurde que les périodes de baisse des marchés financiers d’action industrielles sont celles où il faut acheter. Je crois l’avoir démontré, après tant d’autres bons auteurs et avisés opérateurs dans mes chroniques d’octobre. Ceux qui ont investi alors ont gagné 25 % en deux mois, — alors que le quotidien de la pensée unique, Le Monde, cherchait à propager la panique, ses rédacteurs croyant depuis 1937 à l'imminence de l'effondrement du capitalisme. Pas difficile d’avoir raison avec une pareille boussole dont 40 ans d’expérience, et personnellement 30 ans de lecture crédule, m'ont parfaitement démontré qu’elle indique toujours le pôle Sud.

Ainsi donc, il aurait été économiquement profitable aux épargnants français de créer des fonds de pension dans la forte baisse de l’année 2002.

On ne l’a pas fait pour des raisons psychologiques et politiques : l’opinion française était braquée par 20 ans de propagande socialiste, monopoliste, technocratique anti fonds de pension, anti Bourse, antilibérale. C’est dommage mais c’est ainsi : la hausse, plausible, des indices dans l’année 2003 contribuerait à rendre plus acceptable à l’opinion ce qui sera moins profitable à l’épargnant...

Et surtout, le calendrier politique a déterminé, à juste titre selon moi, de faire passer la décentralisation avant la réforme de la protection sociale.

Je crois cette démarche intelligente et je me permets d’insister sur un point : le projet constitutionnel reconnaissant l’existence du fait régional doit concéder aux régions le droit d’expérimentation. Ce droit devrait pouvoir s’appliquer aussi bien aux évolutions de l’assurance-maladie qu’à celles des retraites.

Or, par son arrêt du 3 octobre, la Cour Européenne de Justice vient d’ouvrir une nouvelle brèche en faveur de la capitalisation, certes à la marge, certes susceptible d’entrer dans le champ des expérimentations régionales, mais évidemment de nature à liquider toutes les velléités de créer un système supplémentaire, un "3 étage" de l’assurance-vieillesse captée par les syndicats.

La meilleure évolution, la plus salutaire réforme, ce n’est pas celle qui vient des technocraties d’État ou des bureaucraties syndicalistes. C’est celle qui vient des gens eux-mêmes, de la société civile, et de ce que M. Raffarin nomme "la France d’en bas".

Soudain, je me rends compte de la terrible accusation que je suis en train d'accréditer gratuitement en ce moment à l'encontre du Premier ministre. Je le soupçonne de faire confiance aux Français. Ce n’est pour le moment qu’une vague rumeur et je reconnais qu’elle n’est peut-être pas fondée.

N’empêche que mon accusation sans preuves peut lui causer beaucoup de tort : la classe politique, les technocrates et les Inspecteurs des Finances ne lui pardonneraient pas…

JG Malliarakis

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(1) Édité par Hachette en Collection Pluriel.
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