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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2002

VOUS AVEZ AIME LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ?

Vous adorerez la Politique Industrielle et Concurrentielle de Bruxelles

Lachman, Schneider et Monti...

En cette fin d’année, nous aurons vécu la fin du feuilleton à la fois industriel, financier, juridique et politique, du projet de fusion entre deux grands groupes industriels français, Schneider et Legrand.

L’affaire avait commencé par des fiançailles annoncées dans la bonne humeur en janvier 2001. Mais en quelque 22 mois, tout a changé. Difficultés boursières et économiques ont modifié la doctrine financière française. Une sorte d’inversion de tendance a remis en cause l’heure des mégafusions et de l’illusion technocratique des "effets de taille". Ces effets existent en effet mais ils ne sont pas toujours positifs… Et puis les dirigeants de Legrand à Limoges ont plus ou moins compris ce que tout le monde sait : la plupart des fusions aboutissent à l’absorption du plus petit par le plus grand.

Il ne s’agit donc pas pour nous de prendre parti entre tels ou tels intérêts privés, patrimoniaux ou directoriaux. On ironisera encore moins sur les aléas de la prise de décision : seuls les sots ne changent jamais d’avis (1).

On remarquera simplement que la puissance publique est intervenue dans cette affaire avec toute l’ingénuité destructrice dont elle est capable.

Écartons, ou plutôt passons, sur l’hypothèse d’une volonté de concentration franco-française inspirée par le "nationalisme industriel technocratique" (2). Avant même d’avoir été éventuellement absorbé, Legrand est une belle réussite de l’esprit d’entreprise de notre pays. Cette aventure s’est plus particulièrement illustrée dans ce Limousin où le grand Turgot fut intendant (1761-1764) avant de devenir pour un temps trop court ministre du roi Louis XVI. C’est de la vieille tradition de la porcelaine que Legrand a tiré un produit inattendu aux yeux des technocrates : le petit équipement électrique.

Autre nuisance publique, plus directement critiquable sans doute : les lenteurs de la justice face à une situation insérée dans le marché financier.

Qu’un dossier de cette importance s’étale sur plus de 20 mois dans les méandres des Tribunaux de commerce prouve que la puissance publique est défaillante dans une mission essentielle qui est la protection des propriétés et des contrats (pacta sunt servanda), propriétés et contrats sur lesquels reposent les emplois de milliers de Français et la prospérité de plusieurs bassins de production.

Qu’on mesure en effet les étapes de ce calendrier : après l’annonce (15 janvier 2001) et le dépôt de dossier de l’OPE aboutissant au projet de fusion (7 juin), la Commission des Opérations de Bourse donne son visa (le 21 juin) et le depuis le 1er août 2001, Schneider Electric détenait 98,1 % du capital de Legrand pour une immobilisation de 3,6 milliards d’euros.

Or, depuis le 10 octobre 2001, la Commission de Bruxelles opposait son veto à la fusion et le 30 mai 2002 la Commission avait imposé une rétrocession des parts de Schneider au groupe Wendel.

Et, parallèlement, l’affaire s’est compliquée depuis février 2002 d’un contentieux Legrand/Schneider.

Car on se heurte, dans ce dossier, à la doctrine interventionniste de la Direction de la Concurrence à Bruxelles.

Si, en effet, nous n’avons pas vocation à applaudir à une certaine tendance qui fut, jusqu’à une date très récente (3) en vogue à Paris d’encourager fusions et concentrations, on peut, symétriquement, se poser la question de la légitimité de l’intervention dite antitrust de la Commission de Bruxelles.

Il fallait soutenir et nous avons soutenu M. Monti lorsque, Commissaire au Marché Intérieur, il s’employait au milieu des années 1990 à combattre les barrières monopolistes. Nous avons même applaudi lorsqu’en 1998 Mario Monti intervint au Congrès de Communion et Libération pour suggérer une grève intergénérationnelle contre le système des retraites par répartition, qui coûtera très cher à la génération des actifs actuels.

Il convient enfin de militer pour la libre concurrence et contre toute espèce de monopole légal ou réglementaire.

Nous avons en revanche le droit et le devoir de mettre d’autant plus en garde contre cette lubie bruxelloise tendant à réglementer "au nom de la concurrence" les parts de marchés résultant de telle ou telle opération de fusion industrielle.

Les réglementations dites antitrust ont une origine nord-américaine que l’on croit bien connaître. C’est le fameux Sherman Act de 1890 qui permit en fait de mettre un terme à une forme juridique de vassalisation (le "voting trust") instauré dans les pétroles par la Standard Oil et dans les tabacs par American Tobacco… Mais en réalité, tous les procès antitrusts intentés par exemple contre Microsoft ont surtout pour base une certaine démagogie typiquement socialiste "contre les Gros". Ainsi le procès intenté contre le "gros méchant" Microsoft.

Le seul monopole qui porte atteinte à la libre entreprise ce n’est pas celui qui acquiert une grosse part de marché, c’est celui auquel une loi concède le droit exclusif de fournir un bien ou un service. Le meilleur exemple est celui de la Poste française qui monopolise le transport des lettres depuis un édit de Colbert interdisant en 1696 aux diverses corporations susceptibles de concurrencer les postes royales, de faire ce métier, sous peine d’amende. Mais on pense aussi aux monopoles français de sécurité sociale résultant du système imposé autoritairement par la Charte du travail de 1941 et par les Ordonnances de 1945 et qui a abouti aux textes répressifs du 31 décembre 1991.

M. Monti en prétendant réglementer les parts de marché entrave la libre concurrence. Il applique ainsi, peut-être sans le savoir, l’adage anti-libéral bien connu "la concurrence, c’est dangereux puisque par élimination cela peut produire des situations de monopole".

C’est ce raisonnement spécieux qui a fait délirer les adversaires idéologiques de la fusion Schneider-Legrand.

Pour le reste, la seule vraie règle acceptable, c’est celle de la liberté des contrats entre personnes adultes, consentantes et responsables, arbitrés par une justice diligente, impartiale et compétente.

JG Malliarakis

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(1) On saluera donc "l’intelligence" du groupe Schneider et de l’élyséen M. Lachman abandonnant le 3 décembre le projet de fusion avec Legrand qu’il va vendre à KKR-Wendel au plus tard le 10 décembre

(2) Cette fusion aurait créé un groupe numéro un mondial de l’appareillage électrique de basse tension et des automatismes industriels.

(3) Jusqu’aux mésaventures de MM. Bon et Messier notamment.

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